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Résolution adoptée au comité politique national du NPA-R des 21 et 22 septembre 2024

La nomination de Barnier, homme de la droite dure, scelle l’alliance de fait entre Macron et Le Pen. Celle-ci ne date pas de la dissolution, mais est inscrite dans la logique politique de la dérive réactionnaire d’un pouvoir tout entier consacré à accompagner l’offensive patronale. Notre campagne des Européennes dénonçait déjà ce « duo » Attal-Bardella, alors concrétisé dans la loi Darmanin. Seul le front républicain, ressuscité par les dirigeants de la gauche et en premier lieu par celui qui apparaît comme le plus radical d’entre eux, Mélenchon, a pu masquer pendant quelques semaines ce fait central de la vie politique. Ce front républicain, porté exclusivement par la gauche, a permis aux macronistes de se maintenir au pouvoir sous une pression renforcée de l’extrême droite et de choisir l’alliance avec elle.

L’extrême droite est en position de pivot du jeu politique, sans apparaître directement mouillée par l’exercice du pouvoir. Elle espère à la fois imposer ses thèmes idéologiques durant les quelques mois d’ici les prochaines élections et gagner une forme de respectabilité institutionnelle qui lui manque pour les seconds tours. Cette position, qui consiste à tenter d’apparaître comme opposition principale à Macron tout en lui dictant sa politique, devrait révéler les choix gestionnaires du RN au profit du patronat. C’est ce que nous nous emploierons à souligner principalement pour combattre son influence dans les classes populaires.

La question se pose d’un vote à l’Assemblée avec le RN, ou même d’un vote proposé par le RN, en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites. Ce serait une sacrée imposture qui viserait uniquement à redorer à peu de frais le blason social d’un RN qui s’apprête pourtant à dicter un sévère budget d’austérité. D’abord, rappelons que si ce sujet est encore brûlant et objet de la démagogie de l’extrême droite, c’est grâce à la mobilisation gréviste de 2023. D’autres réformes aussi scélérates, comme la réforme Touraine qui a augmenté à 43 ans le nombre d’annuités, sont passées sans rencontrer de résistances et personne ne parle de l’abroger. Et c’est bien le fond du problème sur lequel nous devons discuter et organiser la riposte dans la rue : abroger la retraite à 64 ans, c’est pour revenir à une retraite à taux plein à 60 ans maximum (et pas 62 minimum comme dans le programme du NFP) avec 37,5 annuités maximum (et pas 42 ans minimum comme dans le programme du RN).

Le gouvernement Barnier est un gouvernement de combat au service du patronat, qui ne pourra tenter de conjurer l’instabilité parlementaire qu’en donnant des gages au RN. Dans une Europe où la gauche allemande ferme les frontières sous pression de l’AfD (Hollande avait pris cette même mesure en 2015), où la gauche anglaise félicite l’extrême droite italienne pour sa politique anti-migrants, la surenchère portée par Barnier-Le Pen risque d’atteindre de nouveaux sommets. Cela pour faire passer toujours plus de mesures anti populaires, par exemple celles liées au bouclage du budget.

Face à ce gouvernement de combat contre les travailleurs, Hollande promet d’être une « opposition responsable », Roussel accourt à Matignon pour « voir ce que Barnier a dans le ventre » (tout en fixant comme priorités du nouveau gouvernement la sécurité et la fermeture des frontières), Binet et le patron du Medef vantent ensemble les charmes du « système par répartition » et la CFDT se félicite de la prétention du Premier ministre « d’améliorer la réforme des retraites ». Cette partie du NFP multiplie les contorsions pour maintenir sa position d’interlocuteur, qui dans le jeu parlementaire, qui dans le prétendu dialogue social. Peu de chances que Macron fasse le choix de s’appuyer sur de tels idiots utiles, à part ponctuellement pour faire mine d’un contrepoids au RN qui reste son allié principal.

Une autre partie du NFP, autour de la FI, a fait le choix d’une opposition plus frontale à Barnier depuis l’annonce de sa nomination. Les manifestations du 7 septembre, dont le succès a dépassé les attentes des organisateurs, ont montré la volonté de dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs de reprendre le chemin des luttes contre ce gouvernement de combat. Le succès de la Fête de l’Humanité confirme cette vague de politisation, qui touche d’abord la jeunesse. C’est pour l’instant le NFP qui canalise (ou tente de canaliser) cette politisation et plus précisément la gauche du NFP autour de la FI. [Voir nos tracts dans les manifestations du 7 septembre et du 21 septembre, et à la Fête de l’Humanité.]

Derrière le radicalisme verbal, les solutions institutionnelles sont le seul horizon que propose la FI. Avec des conséquences très concrètes : le NFP a remis en selle le PS, le front républicain a remis en selle Macron. Deux longs mois ont été passés à quémander la nomination de Lucie Castets (elle-même tout à fait claire sur le fait qu’elle était prête à tous les compromis pour gouverner au service du patronat) au nom du « front républicain », pour finir par dénoncer un « coup de force » de Macron lorsque celui-ci a fini par officialiser son propre front avec le RN. Les dirigeants de la FI ont donc demandé aux travailleurs de placer leur confiance dans Macron (et Borne, et Darmanin), avant de faire mine de découvrir qu’ils avaient été trompés ! Quelle « rupture » !

Si l’épisode Lucie Castets est momentanément derrière nous, toute la stratégie de la FI reste subordonnée aux solutions institutionnelles. Coquerel prétend que son poste à la commission des Finances lui permettrait « de modifier profondément le budget en commission au point de le rendre NFP compatible », Panot agite la procédure parlementaire totalement irréalisable de destitution. La FI tente de maintenir coûte que coûte l’attelage NFP (en alliance avec tous ceux qui appellent au dialogue avec Barnier) avec pour ligne de mire les élections municipales de 2026 comme préparation de la Présidentielle 2027. Bien sûr, les dirigeants de la FI en appellent à la « rue », aux « luttes », voire, même si plus rarement, à la « grève », mais comme masses de manœuvres pour appuyer ces perspectives institutionnelles.

La dispute entre Ruffin et Mélenchon intervient dans ce cadre. Ruffin, qui bascule vers le PS et prône la respectabilité et l’apaisement, prétend défendre la classe ouvrière prétendue de la « périphérie » et « blanche », et présente les tentatives d’implantation de la FI dans les quartiers populaires des grandes villes comme du « communautarisme ». Comme si les banlieues et la périphérie de villes de province n’étaient pas la même population prolétaire mélangée ! Nous ne sommes pas neutres : Ruffin choisit la pente réactionnaire qui consiste à présenter toute prise de position antiraciste comme une division des classes populaires, façon malhonnête de mettre sur le même plan le racisme et l’antiracisme. Mais tout le « débat » qui oppose Ruffin à Mélenchon consiste à se demander où trouver des réservoirs de voix. Ces problèmes se posent complètement autrement à nous qui ne considérons pas les classes populaires comme de simples réservoirs de voix mais qui cherchons à mobiliser les travailleurs des villes et des campagnes, quelles que soient leurs origines, pour qu’ils prennent eux-mêmes leurs affaires en main.

La politisation d’une fraction de la jeunesse et des travailleurs se double donc d’un retour des illusions institutionnelles dans la gauche. Ces illusions sont heureusement fragiles – l’histoire ne se répète pas et les doutes et questions sont déjà nombreux. Le NFP et la FI mènent une politique qui ne construit pas les affrontements sociaux qui sont devant nous, une politique qui en définitive les canalise dans les impasses institutionnelles. Mais il n’est pas dit que ce soit ce qui arrive. Nous devons discuter, convaincre, entraîner une partie de ce milieu à rompre avec le NFP, la condition pour s’y adresser sur nos bases étant de maintenir notre indépendance politique.

Cette politisation à gauche ne concerne qu’un milieu certes large à notre échelle mais petit comparé à l’ensemble des couches auxquelles nous voulons nous adresser. Les retours que nous avons de nos activités politiques en cette rentrée indiquent que le cirque institutionnel est loin de passionner les foules. La Palestine reste un sujet majeur de discussion dans la jeunesse scolarisée et certaines fractions de la classe ouvrière. Dans la jeunesse, la campagne des « sans facs » que nous animons connaît un écho important cette année. Une partie de la jeunesse étudiante, issue des classes populaires, a du mal à vivre et à se loger. Et parmi les travailleurs, les préoccupations sociales sur les salaires, les licenciements, l’accès aux services publics d’éducation ou de santé alimentent la colère. Tout un milieu de travailleurs, syndiqués ou non, indifférent au NFP, est en attente d’occasions de se mobiliser – des camarades les décrivent avec « des fourmis dans les jambes ».

Notre expression et notre activité remettent au centre les questions brûlantes de la lutte des classes, loin des joutes parlementaires. L’instabilité politique n’a pas été résolue par la nomination de Barnier. Si les partis de l’Assemblée jouent chacun leur partition et paraissent imposer leurs agendas, la seule certitude est que nous serons surpris de la tournure prochaine des événements. Notre politique est une politique pour les luttes et la question centrale est d’en arracher la direction aux appareils de la gauche syndicale et politique, revigorée, mais dont la politique mène les futurs combats dans le mur – c’est ce que nous discutons et préparons en posant le problème de manière à se faire comprendre à toutes les échelles, dans nos comités, dans les syndicats dans lesquels on intervient et au public large de travailleurs et de jeunes auxquels on s’adresse.

Nous sommes au début d’une vague de licenciements dans tous les secteurs, y compris dans l’industrie. La chimie et l’automobile semblent particulièrement touchées. Volkswagen a donné le coup d’envoi d’une restructuration à l’échelle continentale en annonçant des fermetures d’usine en Allemagne. En France, Renault et Stellantis s’attaquent d’abord aux sous-traitants. La fermeture de MA France avec une indemnité faible apparaît comme le ballon d’essai pour tout le secteur. La grève des travailleurs de MA France pourrait donc jouer un rôle de catalyseur si elle convergeait avec d’autres. C’est ce que nous tentons avec nos moyens en mettant en lien différentes équipes de grévistes. Un effort de toute l’organisation est demandé pour ce travail de regroupement.

Il est certain qu’un milieu de militants ouvriers, syndiqués ou non, partage notre préoccupation de sortir des logiques institutionnelles pour reprendre la voie de la lutte avec un plan de bataille qui se donne comme objectif de mettre le pays à l’arrêt, mais aussi en se liant avec des luttes existantes comme celle naissante contre les licenciements. La journée de grève du 1er octobre sera une occasion de faire entendre ces perspectives. L’appel de la CGT et de l’intersyndicale inscrivent d’emblée cette grève dans le cadre d’une pression sur l’Assemblée nationale en invoquant le calendrier parlementaire. Stratégie défaite en 2023 à laquelle nous opposons l’idée que les travailleurs prennent leurs propres affaires en main.

La nécessité d’un pôle des révolutionnaires pour incarner de la manière la plus audible possible une opposition lutte de classe à Macron-Barnier-Le Pen, en toute indépendance du NFP, est plus que jamais d’actualité. Nous inscrivons notre activité dans ce cadre (voir la résolution adoptée au précédent CPN) et nous saisissons les occasions de le concrétiser avec des propositions qui ont une chance d’aboutir (car c’est ce que nous souhaitons, le jeu des interpellations uniquement destinées à faire des prétendues démonstrations ne nous intéresse pas). À cette étape, nous n’avons pas encore pu ni convaincre ni contraindre nos camarades d’autres organisations révolutionnaires. LO refuse de discuter sérieusement d’initiatives communes avec nous, le PT concentre son activité autour de la fin de 5e République et l’Assemblée constituante et RP s’adresse prioritairement au milieu FI pour proposer une « gauche de combat ». Nous continuons de défendre cette perspective et testons les possibilités d’aboutir à des initiatives communes réelles à tous les niveaux, sans en faire une condition de notre propre activité.

Nous sortons d’une année rythmée par les manifestations Palestine et deux campagnes électorales. Nous avons mené un grand nombre d’activités relativement à nos forces, qui ont permis de faire quelques démonstrations politiques et de nous adresser largement à l’extérieur. En cette rentrée, nous devons aussi nous concentrer sur la formation, l’engagement et le recrutement dans les comités. En partant de la forte curiosité politique, des nombreuses interrogations sur tout ce qui l’entoure d’une fraction conséquente de la jeunesse (dont les questions de misère et de guerre, de climat, de racisme, de sexisme, etc). Dans ce contexte le WEF des 19 et 20 octobre prend une importance toute particulière et doit concentrer nos efforts en lien avec les instances du secteur jeunes. Nous devons discuter à fond avec le milieu qui a mené campagne avec nous, qui a même simplement soutenu par des coups de main notre apparition indépendante et de fait en concurrence avec le NFP, donc eu la conscience et un certain courage de militer à contre-courant, et lui proposer de rejoindre le NPA-R. Chaque comité, direction de ville, de fédération ou secteur doit examiner comment il peut se renforcer numériquement, en organisant des réunions politiques qui permettent de discuter à fond avec son milieu et en allant à la rencontre de nouveaux. Renforcer notre implantation dans les boîtes et gagner des jeunes aux idées communistes sont les conditions pour intervenir dans la lutte de classe et dans le mouvement révolutionnaire. C’est notre contribution immédiate à la construction du futur parti communiste révolutionnaire et internationaliste.


Résolution du Comité politique national du NPA-R des 21 et 22 septembre 2024