Résolution politique soumise à la discussion du CPN par le CE
Cette résolution reprend les articles parus dans le numéro 17 du journal Révolutionnaires, complétées par des conclusions pratiques.
1. Front républicain contre lutte de classe
Le Rassemblement national n’a donc pas eu la majorité au Parlement à laquelle il appelait, et qui pouvait être crainte à la vue de son score au premier tour et du jeu déformant du scrutin uninominal par circonscription. Ce n’est pas que le RN ait perdu des voix entre les deux tours : il en a gagné dans les circonscriptions en jeu.
C’est la logique des désistements (plus généreux de la part de la gauche que de la droite) qui a pris de revers le jeu truqué d’un mode scrutin qui est destiné à donner une prime (voire la majorité) au parti qui a le plus de voix. Même s’il y a certainement beaucoup d’électeurs qui, sans forcément la moindre illusion en ceux qui à gauche donnaient consigne de voter macroniste, ou l’inverse, ont simplement voulu exprimer leur rejet de l’extrême droite et de son racisme par n’importe quel moyen. Au premier tour, le RN et ses alliés ciottistes arrivés en tête avec 33,15 % des voix n’ont eu au final que 24,8 % des sièges des députés. Le NFP avec 28 % des électeurs a eu 31,5 % des sièges et les macronistes avec un maigre 20 % des voix au premier tour en ont glané 29,1 %.
Le Rassemblement national n’est pas encore au pouvoir. C’est un soulagement pour tous. Mais son influence est toujours là, devant laquelle tous les autres partis courant derrière le pouvoir pourraient bien continuer à se plier, en droitisant de plus en plus leur politique, sous prétexte de couper l’herbe sous les pieds du RN, et surtout pour poursuivre la politique pro-patronale d’offensive contre les travailleurs, celle que nous subissons tous les jours et qui, sur le plan politique, a fait le lit du RN.
Pour savoir qui assumera la responsabilité du poste de Premier ministre, avec ses avantages, mais aussi ses inconvénients, car la fonction peut déconsidérer les candidats à 2027, chacun avance ses pions et fait ses comptes.
Premier groupe à l’Assemblée, la gauche groupée dans le NFP affirme que c’est à elle de former le gouvernement. Faure demande tout de suite que le chef en soit socialiste et il se propose, bien que la LFI ait plus de députés que le PS. Celle-ci dit ne pas manquer de candidats au poste entre Mélenchon, Bompard et Guetté, tout en sachant que ses « amis » du NFP tentent de l’écarter. Pendant que Ruffin, Autain et quelques autres prennent leur distances, Tondelier, Roussel et Guedj temporisent, tandis que Hidalgo veut que le gouvernement Attal reste en place jusqu’à la fin des JO. Loin de nous l’idée de faire des pronostics. Mais d’ores et déjà, c’est bien la volonté de gouverner sous la présidence de Macron, c’est-à-dire sous son contrôle et même sous ses ordres en termes de politique internationale, qui est affichée.
Certaines voix s’élèvent au PS ou au PCF pour envisager une « grande coalition » à l’allemande avec un rôle renforcé du parlement, mais elles restent pour l’instant minoritaires du fait de la première place surprise du NFP au tiercé électoral.
Le « Tout le programme, rien que le programme » de Jean-Luc Mélenchon est déjà dénoncé par ses alliés d’hier. Quel « gauchisme » intolérable ! Pourtant ce « programme » ne va pas chercher bien loin. Sa seule et timide mesure phare, le smic à 1600 euros, serait déjà de trop : il faudrait pour cela une loi rectificative, explique la leader des Verts, et bien entendu le vote en échange d’une aide aux PME pour éviter la « catastrophe » économique. Quant à l’abrogation de la réforme scélérate des retraites, on découvre qu’elle ne pourrait pas être prise par décret mais nécessiterait une loi… donc des mois de palabres et d’ornières parlementaires !
Face à une gauche bourrée de complexes, la droite et les macronistes, pourtant grands perdants des élections, sont décomplexés : Les Républicains revendiquent un Premier ministre, alors qu’ils passent de 61 députés à 39.
Élisabeth Borne, réélue grâce au désistement d’un « insoumis ». se dit partisane de « trouver des majorités pour avancer sur des sujets qui peuvent être partagés par tout l’arc républicain » et voudrait l’élargir du monde des politiciens à celui de la société civile, devant associer les partenaires sociaux, syndicats et Medef à la gestion de l’économie. À rapprocher du communiqué de la CFDT se félicitant de la victoire électorale contre le RN en ces termes : « Plus que jamais, le rôle des partenaires sociaux et de la société civile organisée pour apaiser les relations, écouter et répondre aux attentes des citoyens et des citoyennes sera primordial. Le futur gouvernement devra faire avec la CFDT. »
Apaiser les relations alors que le patronat nous fait la guerre, sur les retraites, sur les salaires, contre nos camarades immigrés qu’ils veulent sans droits ou sans papiers pour être corvéables à merci, alors que pleuvent les licenciements et restructurations ! Au nom de « l’unité nationale », du « front républicain » qui nous sauverait du RN en menant, avant lui, sa politique ? Non merci.
2. Les militants révolutionnaires aux prises avec le vote RN dans les entreprises
Premier tour, entre deux tours, deuxième tour des législatives, ont donné lieu à bien des discussions aux pauses ou durant les tournées syndicales. Intéressantes mais parfois difficiles avant le deuxième tour, avec des collègues partisans du vote RN qui se sentaient portés par la victoire annoncée par Bardella. Retournement apparent de situation au lendemain du deuxième tour, avec le soulagement qui s’est exprimé au contraire à la claque mise au RN. « On a fait beaucoup de politique », disent nos camarades. Et bien des questions sont aujourd’hui soulevées sur qui va gouverner, comment, avec gros doutes et inquiétudes sur la volonté ou capacité du Nouveau Front populaire, s’il participe au gouvernement, à « tout changer » comme il l’a affiché dans sa campagne.
Des moments « chauds », avant les résultats du second tour
Dans les discussions, les efforts militants pour décrypter la politique du RN, soulignant sa politique anti-ouvrière et raciste et sa proximité avec celles de Macron et de la gauche dans le passé, soulignant l’importance des luttes collectives par lesquelles des travailleurs se défendent face au patronat, ne modifiaient pas les votes RN avoués. Des RN convaincus restaient plutôt taiseux, certains se disant même « apolitiques ». Mais des échanges néanmoins très tendus lors de diffusions de tracts « contre l’extrême droite et Macron », sur des chantiers SNCF de régions à forts votes RN. Des électeurs PCF se disaient hésitants à voter RN. Et des jeunes attentifs et souriants concluaient pourtant qu’ils voteraient RN.
À noter que les discussions étaient rarement spontanées, les anti-RN pouvant s’exprimer les premiers quand ils étaient sollicités, mais personne ne voulant pourrir l’ambiance. Et une fois lancées, les discussions indiquaient un net retournement : des électeurs RN parlant volontiers de leur volonté de récidiver, tandis que ceux qui n’aiment pas l’extrême droite le chuchotaient.
Ce qui s’est exprimé alors chez des « pro RN » est divers. D’un côté, une haine de classe dirigée contre Macron et la gauche au pouvoir ; contre des directions syndicales aussi, qui lors d’épisodes grévistes passés ont emmené droit à la défaite. Ce ressentiment de grévistes s’exprime. La responsabilité de la gauche sous toutes ses formes est palpable. D’un autre côté, le soutien au RN est une forme d’adhésion à des thèses réactionnaires, avec beaucoup de fantasmes sur ceux qui vivent des aides sociales sans travailler, ou encore sur l’insécurité et le besoin de rétablir l’ordre. Quelques critiques contre les droits des femmes ou encore le wokisme et la priorité donnée aux minorités au détriment des autres… Beaucoup de démoralisation sur le fait qu’on ne pourrait rien à rien, que les riches seraient indéboulonnables, y compris qu’on ferait fuir les patrons en augmentant les salaires.
Ici et là, néanmoins, la tonalité était plus réconfortante, les espoirs (ou illusions !) dans la gauche davantage présents, et les discussions changées par la participation de collègues d’origine africaine. La multiplication des agressions racistes, le déchaînement de haine sur les réseaux sociaux, ne leur avaient pas échappé. Une vraie peur en prévision de la soirée du 30, si le RN l’emportait.
Soulagement et retournement de tendance au lendemain du second tour
Autant que nous puissions en juger à quelques jours à peine du second tour, des discussions bien plus fréquentes et collectives ont eu lieu, et pas que des phrases en l’air, des interventions parfois soutenues de collègues : certains contents et qui attendent pas mal du NFP, d’autres plus sceptiques mais qui demandent à voir quand même, la plupart soulagés de la « claque » au RN. Ce qu’ils n’osaient pas exprimer dans l’entre-deux tours. L’heure est à un retournement de situation, à vérifier : si les mêmes problèmes demeurent, ce ne sont plus les mêmes bouches qui s’ouvrent…
Les nôtres, de militants et militantes révolutionnaires, ne se sont jamais fermées ! Elles ont peut-être marqué quelques points, des essais qu’il va falloir transformer, en appelant à faire confiance aux luttes qui sont devant nous, à la solidarité de classe, contre Macron et Le Pen, mais aussi contre des directions politiques et syndicales de gauche qui ne défendent plus les intérêts fondamentaux des travailleurs depuis longtemps, et de ce fait amènent de l’eau au moulin de l’extrême droite.
3. L’abandon de l’indépendance vis-à-vis de Macron va se payer cash !
Il est indéniable que la majorité relative obtenue par le NFP a donné du baume au cœur à bien des travailleuses et des travailleurs. Mais les illusions semées par le « front républicain » vont très vite faire des dégâts.
Les directions syndicales, notamment de la CGT, avaient appelé à voter NFP dès le premier tour. Les militants du NPA-Révolutionnaires dans les syndicats s’y sont opposés. Pas au nom d’une quelconque « neutralité » politique, mais pour défendre la nécessaire indépendance des syndicats vis-à-vis de cet attelage de la gauche de gouvernement, qui a lié d’emblée son sort à celui de Macron par le biais du « front républicain ». Olivier Faure, secrétaire du PS, a beau jeu de le rappeler concernant le NPF : « Nous avons gagné dans le cadre d’un front républicain. Il ne faut décevoir ni l’un, ni l’autre. » Ce cordon ombilical qui n’a pas été coupé avec Macron, et en définitive avec la classe dirigeante, va inévitablement les entraîner loin des lendemains qui chantent. Car le Medef, lui, ne perd pas de temps : il met la pression et exige par voie de communiqué lundi dernier que soit menée une « politique économique lisible et stable […] garante de la compétitivité des entreprises et seule capable de restaurer la confiance et d’assurer l’emploi ». Et annonce à BFMTV qu’il prépare dans les jours qui viennent « une sortie musclée, et des positions raides, pour ramener les politiques à la vraie vie et aux réalités économiques, maintenant que les élections sont finies ». Ce n’est pas un secret, le patronat n’est pas là pour plaisanter. Et, quand il faudra soit faire face au Medef, soit se soumettre et adopter sa politique, qui parierait un centime sur la capacité d’affrontement du NFP ? Pas nous !
Une chose en entraînant une autre, les directions syndicales ont emboîté le pas aux leaders du NFP, qui appelaient à voter, y compris pour les macronistes et LR, afin de barrer la route au RN. Le seul barrage que cet appel va dresser est entre les travailleurs révoltés par la politique antisociale de Macron et les syndicats eux-mêmes. Les plus anciens se rappellent à quel point les syndicats, particulièrement la CGT, avaient payé leur soutien au gouvernement Mitterrand-Mauroy après les mesures anti-ouvrières de 1982. Et combien de militants CGT avaient déjà entendu en 2017 des travailleurs leur reprocher l’appel de Martinez à voter Macron contre Le Pen ? Ce qui s’est joué avec la formation du NFP est sans commune mesure : les directions syndicales ont appelé à un bloc électoral à vocation gouvernementale avec l’artisan de la retraite à 64 ans, de la baisse des salaires réels, des attaques contre les chômeurs, avec l’éborgneur de Gilets jaunes… Un an a passé depuis la mobilisation massive contre la réforme des retraites. Depuis un an, ces directions syndicales n’ont appelé à rien : ni sur les salaires, ni contre les licenciements, ni sur les services publics, ni contre les violences policières malgré la révolte de la jeunesse et encore moins sur la Palestine. Mais elles sortent de la naphtaline avec une énergie qu’on n’avait vue sur aucune action revendicative pour en appeler à ce qui revient à… sauver le soldat Macron !
La question n’est pas de savoir si cela laissera des traces en accentuant encore la distance entre la masse des travailleurs et les organisations syndicales. C’est une certitude. La question est plutôt de savoir comment regrouper, en totale indépendance de la gauche, des militants politiques, des militants syndicaux qui ne se résignent pas à l’impasse du dialogue social et du front républicain et de s’adresser aux travailleurs sur des bases de lutte et d’indépendance de classe.
4. Leur crise politique, notre orientation révolutionnaire !
À l’heure où nous écrivons, nous ne savons pas qui formera le prochain gouvernement ni quelle en sera la composition. L’extrême droite dispose d’un nombre de députés inégalé depuis la Seconde Guerre mondiale, le parti de Macron, au pouvoir depuis sept ans, haï par les classes populaires, a sauvé ses arrières-trains grâce aux désistements « républicains » et le Nouveau Front populaire, une alliance de gauche aussi hétéroclite que fragile, qui possède le plus grand nombre de députés, n’est ni capable de gouverner seule ni de déterminer unanimement en son sein quelle stratégie adopter pour prétendre à la gestion des affaires. C’est une situation inédite depuis des décennies dans un pays où les institutions politiques bourgeoises ont été façonnées (depuis 1958) pour fabriquer des blocs majoritaires capables de gouverner durant plusieurs années avant de céder leur place à d’autres, dans « l’alternance » mais avec la même politique au service du patronat. Cette situation de crise politique ouverte, sur fond de colère sociale rampante existe depuis des années, provoquée par l’aggravation des conditions d’existence de la classe ouvrière à qui les capitalistes font payer la concurrence qu’ils se livrent pour savoir lesquels seront les plus capables d’étancher le mieux leur soif de profits. Elle doit être appréhendée comme une occasion pour les communistes révolutionnaires de défendre leurs orientations, sans penser que cela sera « trop facile », mais sans penser non plus que nous serions juste condamnés à subir sans pouvoir agir. Cette crise politique, on doit la prendre à sa mesure, sans rire, sans pleurer, avec le courage et l’optimisme de celles et ceux qui pensent que c’est l’affrontement avec l’État de la bourgeoisie et toutes les forces qui défendront jusqu’au bout le système capitaliste qui peut offrir des possibilités d’intervention de la classe ouvrière sur la scène politique. Cette crise des instruments classiques de la domination politique des possédants, est un des signes de la tension sociale qui s’accroît et devra bien exploser. Non, il n’y aura pas de « répit » pour la lutte des classes, non, on ne se débarrassera pas de l’extrême droite sans en finir avec toutes les politiques racistes et antisociales menées par tous les gouvernements de droite comme de gauche depuis 40 ans, qui lui ont pavé la voie !
C’est justement pour cela que nous avons besoin d’une orientation politique en complète indépendance de celle du Nouveau Front populaire, qui ne parle que de « Premier ministre » ou « de prochaines élections présidentielles ». Il faut revenir aux fondamentaux : ne compter que sur nos luttes, impulser les luttes locales, même petites, même partielles, en mettant en avant la nécessité de les élargir le plus possible ; populariser celles qui ont réussi à s’imposer, les impulser quand nous le pouvons ; travailler à leur généralisation et à leur convergence, en expliquant que les choses se précipitent, que la classe ouvrière n’échappera pas, en restant attentiste, aux attaques d’une bourgeoisie à l’offensive contre elle ; et qu’il faudra donc que ces mobilisations débouchent sur la grève générale, le blocage du pays, voire puissent basculer sur un terrain révolutionnaire. Seule l’irruption des travailleurs pour leurs propres revendications en toute indépendance des appareils politiques et syndicaux de la gauche pourrait ouvrir une perspective qui rompe avec l’impasse électorale. Pour imposer des mesures d’urgence pour l’ensemble du monde du travail, il n’y aura pas de « magie » : il faudra l’affrontement avec le patronat pour aller chercher l’argent là où il est.
Pour mener et proposer largement cette politique aux travailleurs, il serait utile que les militants révolutionnaires qui n’ont pas rejoint le NFP militent de concert, et nous pensons évidemment en premier lieu aux camarades de Lutte ouvrière. Car, de fait, si cette séquence politique amène également à des clarifications du côté des forces révolutionnaires (la divergence politique est clairement apparue entre notre NPA-Révolutionnaires et le NPA-L’Anticapitaliste qui s’est agrégé au NFP), elle doit inciter à prendre nos responsabilités pour constituer un pôle qui dépasserait la juxtaposition de nos simples forces.
5. Des Européennes aux Législatives : deux campagnes pour une même politique
Après notre campagne des Européennes qui avait mobilisé durant plusieurs mois l’ensemble de l’organisation au niveau national et permis de rendre visibles 81 candidates et candidats, des travailleurs, des travailleuses et des jeunes militants de notre organisation, ainsi qu’un collectif de porte-paroles, il a fallu répondre à l’urgence imposée par la dissolution de l’Assemblée nationale. Malgré les délais express imposés par Macron et l’obstacle financier (se présenter avec le matériel électoral de base dans une circonscription coûte environ 4000 euros), il était impossible de passer complètement notre tour. Nous avons voulu, qu’au nom des intérêts généraux des travailleurs, contre le danger de l’extrême droite, contre la porte que lui ouvrait grand Macron, mais aussi contre les illusions semées à nouveau par une gauche institutionnelle qui a toujours gouverné contre les travailleurs, des voix expriment une politique indépendante de classe dans cette campagne des législatives.
Nous avons fait campagne dans vingt-neuf circonscriptions par des candidatures du NPA-Révolutionnaires, sur les axes résumés sur nos banderoles : « Contre l’extrême droite, par nos luttes et par nos grèves, en finir avec 40 ans de politiques anti-sociales et racistes, de droite comme de gauche ». Partout ailleurs, y compris dans les quelques dizaines de circonscriptions où nos candidats n’ont pas pu faire imprimer et parvenir de matériel électoral, nous avons appelé à voter pour Lutte ouvrière. Notre clip de campagne a relayé ce choix.
Nous avions renouvelé notre proposition faite au moment des Européennes à Lutte ouvrière de nous présenter en commun, cette fois, au vu des délais contraints, sous la forme d’un partage des circonscriptions. LO a encore une fois refusé, nous le regrettons, mais nous avons contribué à l’existence, de fait, d’un pôle révolutionnaire opposé aux trois principaux « blocs » bourgeois : d’extrême droite, macroniste et de gauche. Nous avons participé nombreux et nombreuses au meeting parisien de campagne de LO, un groupe de camarades de LO, dont Jean-Pierre Mercier, a participé au nôtre et dans plusieurs circonscriptions des coups de main réciproques se sont donnés sur les collages des affiches électorales.
Dans les 29 circonscriptions où notre matériel électoral était présent et où nous fait réellement campagne, nous avons obtenu un total de 5965 voix (pour rappel, nous avions obtenu 37 434 voix aux élections européennes). D’une manière générale, les scores de l’extrême gauche sont petits, mais essentiels : 365 051 suffrages, soit 1,15 % des suffrages exprimés (contre 266 412 voix et 1,17 % aux législatives de 2022 et 175 214 voix et 0,77 % aux législatives de 2017). Pour beaucoup, ces suffrages sont à attribuer aux efforts de Lutte ouvrière : 352 746 voix pour leurs candidats dans 550 circonscriptions (5 212 pour ceux du Parti des travailleurs dans 16 circonscriptions et 1 128 pour Révolution permanente dans une circonscription).
Bien sûr, en termes de campagne sur le terrain, impossible de rééditer en quelques jours ce que nous avions fait en plusieurs mois de campagne des Européennes. Mais là où nous avions des candidats, nous avons pu organiser des réunions publiques, couvrir les panneaux officiels avec nos affiches, aller à la rencontre de la population sur les marchés, les lieux de travail et proposer à celles et ceux, notamment beaucoup de jeunes, qui se sont rapprochés de notre organisation depuis plusieurs mois, de mener campagne à nos côtés, dans une ambiance tendue par la montée de l’extrême droite mais aussi propice aux discussions politiques. Nous avons bénéficié d’une couverture médiatique intéressante à notre échelle dans la presse régionale dans beaucoup de circonscriptions, parfois même plus qu’au moment des Européennes. Et nous présenter ne nous a absolument pas empêché de participer, sur nos propres bases politiques, à toutes les mobilisations de rue contre l’extrême droite ni de maintenir notre apparition en solidarité avec le peuple palestinien partout où celle-ci a continué à s’exprimer.
6. Quelques points à propos de notre politique dans les semaines à venir
1/ Depuis des années, l’offensive patronale sur fond de tensions inter-impérialistes sape la stabilité politique. La dissolution a précipité une crise politique. Le résultat des législatives ne l’a pas réglé, bien au contraire, c’est de ce point de vue un échec pour Macron. Ce genre de crise « en haut » peut déboucher sur des révoltes « en bas ». La bourgeoisie le sait, elle n’a aucun intérêt à prolonger cette crise, encore moins dans un contexte international tendu. Mais parfois elle n’a pas le choix.
Depuis le 9 juin, nous avons constaté que cette crise, même sous sa forme actuelle exclusivement électorale et parlementaire, entraîne des discussions quotidiennes dans tous les milieux, même dans des milieux de travailleurs habituellement indifférents à la politique. La prolongation de la crise institutionnelle peut entraîner de plus en plus de couches vers une politisation, voire vers l’action. En ce sens, nous devons voir cette crise de façon militante, avant tout comme une opportunité pour avancer nos perspectives et aider à des formes d’organisation.
2/ Les trois échéances électorales ont été marquées par la poussée du RN, dans la continuité de sa progression depuis 2007. L’hypothèse d’un RN au pouvoir a été écartée, mais seulement momentanément. Cette hypothèse peut se produire à terme, l’élan du RN à chaque premier tour étant à chaque fois renforcé par le barrage républicain qui l’avait bloqué au deuxième tour précédent.
Notre principal problème est la percée du vote RN et d’une partie des idées qu’il charrie dans notre classe. Les luttes sont les moments qui permettront de réels basculements politiques – à condition qu’elles ne soient pas menées par ceux qui les trahissent. Mais il faut affûter nos arguments quotidiens : continuer à démontrer que le RN est un parti pro-patronal – même si la plupart de ses électeurs en conviennent. C’est l’argument central pour montrer qu’il n’a rien d’antisystème.
3/ Le RN charrie des préjugés racistes qui grandissent sur le terreau de la résignation lié aux défaites sociales. C’est pourquoi l’argument d’un RN « bourgeois » ne suffit pas. Il faut combattre les idéologies racistes (sous leurs formes anti-immigration, anti-assistanat, sécuritaires ou pseudo-laïques) en les reliant aux combats de classe, dont l’unité devra balayer ces opérations de division.
Face aux propos ou agressions racistes, là où nous sommes, nous ne nous en remettons pas à la justice ou à la police. Nous ne nous contentons pas de déclarations de principe, mais nous cherchons à organiser les milieux concernés (entreprise, lieu d’étude ou quartier) afin d’exercer une contre-pression gagnante pour faire taire les racistes et les empêcher de nuire.
4/ La montée de l’extrême droite peut encourager certains groupuscules nazis à se construire et passer à l’action. On observe des frémissements dans ce sens. Nous sommes attentifs et réactifs pour réagir face à ces groupuscules, au niveau sécuritaire et au niveau unitaire. Mais ce n’est pas la caractéristique principale de la situation, même si ça peut changer vite. À ce stade, la montée du RN est électorale et institutionnelle et dans l’avenir le pari du RN est de chercher encore plus de respectabilité institutionnelle. Le combat contre l’extrême droite n’est donc pas principalement « antifa », dans le sens affrontement de rue et physique, mais passe par la lutte de classe et le développement de nos perspectives communistes.
5/ Les partis qui composent le NFP sont en mouvement, au sens où ils jouent des coudes pour s’imposer dans la situation politique. Évidemment, et pour de bonnes raisons politiques, nous sommes à côté. La politisation induite par la crise parlementaire va renforcer ces organisations de la gauche, et peut-être aussi les quelques organisations d’extrême gauche qui ont fait le choix de s’y dissoudre comme le POI ou le NPA-L’Anticapitaliste. Mais nous pouvons aussi profiter de cette politisation, qui n’est pas totalement polarisée, ni par le RN (qui n’est toujours pas un parti militant), ni par les organisations de gauche (qui sont elles aussi de moins en moins des partis militants, ou ne l’ont jamais été comme LFI, plutôt des machines électorales, même si elles trouvent des relais syndicaux, et ne captent pas à elles seules toute la colère).
La FI tient une position particulière : le plus grand groupe parlementaire de gauche, le plus militant, le plus à gauche, il apparaît même comme d’extrême gauche aux yeux du plus grand nombre du fait des tentatives de calomnies de ses concurrents et adversaires. Cela peut attirer une fraction révoltée de la jeunesse.
Il ne s’agit pas de convaincre du pronostic qu’ils vont trahir dans un futur plus ou moins proche. Mais de montrer à chaque étape concrète de la crise, quelle est leur politique. Ils ont promis une alternative à Macron avec un NFP qui a remis en selle le PS. Ils ont fait barrage au RN en sauvant Macron de la noyade électorale. Aujourd’hui ils revendiquent le poste de Premier ministre, en acceptant comme une évidence la cohabitation avec Macron. À aucune étape ils n’ont sérieusement envisagé des moyens de lutte hors des institutions dans cette crise. Ils en parlent mais ne l’organisent jamais concrètement, car ils n’en veulent pas.
Notre critique de leur programme en direction des travailleurs est bien sûr un élément politisant, mais il ne s’agit pas seulement de prétendre revendiquer plus (même si 1600 euros c’est peu !), il s’agit d’avancer sur les moyens à mettre en œuvre pour obtenir les mesures qui auraient acquis une audience en milieu ouvrier, comme l’abrogation de la réforme des retraites ou l’indexation des salaires sur l’inflation. Nous devons clairement défendre le besoin que notre force collective s’exprime par la grève et les manifestations. La majorité absolue : c’est le monde du travail et la jeunesse, mais encore faut-il qu’ils se mettent en mouvement. Le programme du NFP ne doit pas, à notre sens, être le programme des luttes à venir, mais certaines mesures de ce programme qui auraient marqué les esprits pourraient entraîner les travailleurs dans l’action hors des illusions parlementaires. Réfléchissons d’ailleurs à comment populariser dans cette optique nos mesures d’urgence.
Enfin, toute cette séquence pose la question du pouvoir, de manière certes parlementaire mais en même temps très concrète. De ce point de vue, restons attentifs à la possibilité que la nomination (ou la non-nomination) par Macron d’un gouvernement apparaisse comme un coup de force intolérable. Qui sait ? Et avançons nos perspectives politiques d’un pouvoir des travailleurs, d’un gouvernement ouvrier, qui ne pourrait qu’être issu des luttes et de l’organisation du monde du travail.
6/ Toute la situation appelle à un regroupement des forces des révolutionnaires. Car la période est lourde d’affrontements sociaux en cours et à venir, car l’extrême-gauche est de plus en plus dispersée, car la crise politique actuelle impose de se regrouper pour peser. Nous avons rendu public à notre échelle notre volonté politique en parlant de « pôle des révolutionnaires » y compris publiquement dans nos campagnes électorales et dans nos clips. Au-delà du positionnement politique important, ces efforts nous garantissent, péniblement il est vrai, le maintien d’un cadre de discussion avec LO, ce qui n’était pas donné d’avance.
Notre faible score électoral est le résultat du fait que l’extrême gauche n’a pas su, ou pas pu, peser pour tout un tas de raisons dans la situation de crise larvée que nous vivons depuis des années. Pour autant, notre présence électorale et militante – celle de Lutte ouvrière et la nôtre – nous permet de défendre largement les idées révolutionnaires auprès des travailleurs et des jeunes qui se politisent. Il existe un courant communiste révolutionnaire en France qui n’a pas renoncé à son indépendance et nous devons le construire et le renforcer.
Nous continuons les efforts dans ce sens avec la compréhension que c’est parce que nous avons su maintenir une organisation révolutionnaire après la scission et la dissolution prévisible des amis de Poutou dans la gauche institutionnelle, que nous pouvons défendre cette perspective de pôle des révolutionnaires. Nous continuons donc à construire le NPA-Révolutionnaires, comme outil pour regrouper les révolutionnaires et contribuer à construire un parti communiste, révolutionnaire et internationaliste. Nos rencontres d’été révolutionnaires (RER) sont une échéance importante de débats et de construction à proposer à tout notre milieu. C’est à la fois un moment indispensable pour échanger sur la situation et nos tâches à l’échelle nationale. Et aussi un moment de formation que tous les comités doivent utiliser pour recruter de nouveaux membres parmi le milieu qui a fait un bout de chemin avec nous ces derniers mois. C’est aussi un moment de débat avec d’autres organisations : LO y sera, ainsi que de nombreuses organisations internationales.
7/ La question immédiate qu’un pôle des révolutionnaires aurait à traiter est de savoir comment regrouper, en totale indépendance de la gauche, des militants politiques, des militants syndicaux qui ne se résignent pas à l’impasse du dialogue social et du front républicain et qui sont prêts à s’adresser aux travailleurs sur des bases de lutte et d’indépendance de classe. Nous ne pourrons devenir une force politique qu’en entraînant de larges couches de la jeunesse et du monde du travail.
Les militants ouvriers, les jeunes révoltés par la situation, par la progression des idées réactionnaires, à la recherche d’une politique sont toujours là. Dans les luttes à venir, un pôle des révolutionnaires pourrait peser bien au-delà de ses scores électoraux, si du moins nous nous mettions collectivement en position de saisir les occasions, car c’est sur ce terrain des luttes et de l’intervention politique militante, contrairement au terrain électoral, que se fait la politisation des travailleurs : dans l’action et non dans la résignation. Sans attendre que le pôle des révolutionnaires ait une existence politique et militante effective, il nous revient de savoir prendre des initiatives nous-mêmes, et la situation d’instabilité qui s’ouvre en offrira des occasions. Au plus tard par des initiatives à la rentrée, peut-être avant si la crise s’accélère.
Résolution politique du CPN du NPA-Révolutionnaires des 13 et 14 juillet 2024