Nos vies valent plus que leurs profits

Brèves

L’actualité en bref

Narges Mohammadi, 53 ans, qui se bat notamment contre le voile obligatoire pour les femmes et contre la peine de mort, a été arrêtée alors qu’elle participait à une cérémonie commémorative en l’honneur d’un avocat spécialisé dans les droits de l’homme, récemment retrouvé mort dans des circonstances controversées. Mohammadi avait reçu le prix Nobel de la paix en 2023 et purgeait depuis 2021 une peine de 31 ans de prison. Ses partisans avertissaient depuis des mois qu’elle risquait d’être renvoyée en prison après avoir bénéficié d’une permission de sortie en décembre 2024 pour raisons médicales. Alors que cette permission ne devait durer que trois semaines elle avait été prolongée du fait notamment des pressions internationales et des démonstrations de sympathie en sa faveur dans le pays. Liberté pour Narges Mohammadi !

La préfecture du Rhône a interdit les concerts d’artistes « anti-système » et « anti-police » prévus dans le cadre du festival antifasciste Lyon Antifa Fest, qui se tenait à Villeurbanne, près de Lyon. Cette décision a été prise en évoquant des risques de « troubles à l’ordre public ». Plusieurs groupes de punk rock et de rap étaient visés par cet arrêté. Le festival avait été pris pour cible par l’extrême droite, notamment par la députée Rassemblement national du Rhône, Tiffany Joncour, mais aussi par le syndicat de policiers Alliance, le tout avec le soutien du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez. Pour ne pas être en reste, la mairie lyonnaise avait, de son côté, pris un arrêté interdisant la tenue dans le cadre du festival d’une conférence intitulée « La Palestine : notre boussole anti-fasciste », à laquelle devait participer notamment l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri. Les organisateurs ont déposé un recours en référé-liberté devant le tribunal administratif pour suspendre cette décision qu’ils considèrent à raison comme une atteinte grave à la liberté d’expression.

L’Assemblée nationale a massivement approuvé le principe d’une hausse de 6,7 milliards d’euros des crédits consacrés à l’armée. Si les députés insoumis et communistes ont voté contre, les écologistes se sont courageusement abstenus. Mais les députés socialistes ont, sans état d’âme, mêlé leurs voix à celles du RN, des amis de Ciotti, des Républicains, des macronistes et des centristes de tout poil. Une façon comme une autre de se montrer « responsables » à l’égard de la bourgeoisie et des marchands de mort.

Le ministère de l’Éducation nationale met gratuitement à la disposition des établissements scolaires du primaire un petit livre de 36 pages intitulé Ma première cérémonie militaire. L’ouvrage en question a été réalisé en collaboration avec le bureau du protocole du gouverneur militaire de Paris. Il est censé « faire découvrir le cérémonial militaire à travers les yeux d’un petit garçon ». Depuis son discret lancement, en 2020, 320 000 exemplaires ont été écoulés. Mais où l’Éducation nationale a-t-elle trouvé le budget nécessaire pour imprimer cet opuscule ? Auprès des industriels de l’armement, bien sûr. C’est ainsi qu’ont craché au bassinet : le leader mondial dans la conception de missiles MBDA, Dassault Aviation, Airbus, Safran, Naval Group ou encore Arquus, spécialiste des véhicules militaires… mais aussi le milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin. Mais attention, il ne s’agirait pas de bourrage de crâne militariste mais… d’instruction civique ! Charmant euphémisme.

L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une proposition de loi « historique » qui garantit que chaque enfant sous mesure d’assistance éducative – c’est-à-dire placé en famille d’accueil ou en foyer, ou suivi dans sa famille par des services sociaux – aura toujours un avocat à sa disposition pour défendre ses droits. La proposition de loi a été débattue alors qu’une vidéo montrant un enfant tondu par punition par des éducateurs dans un foyer d’enfants placés à Paris a suscité l’indignation. Que les enfants en difficulté (ils sont environ 380 000) soient mieux protégés est évidemment une bonne chose. Mais, alors que l’Aide sociale à l’enfance, qui dépend des départements, est dans une situation financière critique, qu’elle peine à recruter assistances sociales et éducateurs qualifiés, qui financera l’effort budgétaire important que nécessitera le fait de faire appel à des milliers d’avocats ? Qui dit que leurs dossiers seront prioritaires devant des juridictions déjà saturées ? La nouvelle loi est muette sur tout ça. Au-delà de l’effet d’annonce, elle risque donc fort de rester lettre morte.

Il y a quelques semaines l’ONG Reporters sans frontières publiait un rapport sur toutes les émissions diffusées par la chaine de télé CNews en mars dernier. Selon ce rapport, la chaîne avait largement favorisé l’extrême droite à l’écran, en lui donnant la parole en prime time, tandis que la gauche était surtout diffusée la nuit. Ce, pour qui connaît la chaine Bolloré, n’est guère étonnant. Saisie de la question, l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, avait répondu qu’elle n’avait pas détecté de manquement au pluralisme sur CNews. Pour en avoir le cœur net, les journalistes de la cellule investigation de Libération ont analysé 750 heures d’antenne et confirmé, sans surprise, que la droite et l’extrême droite sont largement favorisées aux heures de grande écoute en occupant 69 % du temps de parole politique, contre 16 % pour la gauche. La tendance s’inverse pendant la nuit (de minuit à 7 heures), où la gauche bénéficie de 60 % du temps de parole, tandis que la droite et l’extrême droite ne disposent plus que de 10 %. Ces résultats sont quasi identiques à ceux obtenus par Reporters sans frontières. À croire que l’Arcom a besoin de lunettes grossissantes pour faire son travail.

Le 10 décembre, agriculteurs, éleveurs et pêcheurs grecs ont bloqué le port de Volos, en Thessalie, par terre et par mer. Cette action s’ajoute aux nombreux barrages d’ampleur organisés depuis fin novembre pour dénoncer les retards de versement des subventions européennes, retards liés à un scandale de détournement de fonds : plus de 30 millions d’euros de la PAC (politique agricole commune) auraient été indûment réclamés via de fausses déclarations de terres et de troupeaux. Ces financements tardent alors que les éleveurs font face à une épidémie de variole ovine ayant entraîné des abattages massifs. Malgré les ordres d’interpeller les bloqueurs, la mobilisation reste forte et gagne de plus en plus de soutien.

200 personnalités ont publié une tribune dans Le Monde protestant contre la suppression, prévue dans le budget 2026, de l’Institut national de la consommation et de sa revue 60 millions de consommateurs. Cette dernière serait cédée au secteur privé. Comme le soulignent les signataires, cela revient à sacrifier sur l’autel des économies budgétaires l’information et de la défense des consommateurs confrontés à la puissance des géants du commerce mondial. Alors que Macron veut, parait-il, lutter contre la désinformation, il s’apprête à enterrer un titre qui, à sa modeste échelle, entendait mettre l’accent sur une consommation écoresponsable. Dans le passé, la revue a dénoncé des scandales liés à la mal-bouffe et plus récemment révélé celui des poupées sexuelles vendues sur Shein. De plus son réseau d’experts et de juristes apporte un soutien à des associations dont les enquêtes agacent nombre de grands patrons de différents secteurs (alimentation, habillement, BTP, automobiles, etc.). Raison de plus pour s’en débarrasser. Au cours des années, son budget avait déjà fondu comme neige au soleil et aujourd’hui on veut lui donner le coup de grâce.

Les rapports sur la richesse mondiale pointent tous dans la même direction : une infirme minorité d’ultra-riches s’en mettent plein les poches au détriment de la majorité de la population. Le dernier en date, que vient de publier Le Laboratoire sur les inégalités mondiales, un institut qui dépend de l’École d’économie de Paris, ne fait pas exception. Il révèle que 75 % du patrimoine planétaire est détenu par les 10 % les plus riches, qui touchent en outre 53 % des revenus mondiaux. À l’autre bout de la chaine, la moitié la plus pauvre de la planète (environ 2,8 milliards d’adultes) reçoit 8 % des revenus et détient 2 % du patrimoine. Depuis les années 1990, les choses s’aggravent un peu plus chaque année. Raison de plus pour se débarrasser de cette société qui polarise la richesse à un pôle et l’extrême pauvreté à l’autre.