Lundi 27 janvier, la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu à l’est de la république démocratique du Congo (RDC), tombait aux mains du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe paramilitaire soutenu par le Rwanda voisin. En mai dernier, il s’était déjà emparé de la ville minière de Rubaya, l’une des plus grosses du pays, et poursuit aujourd’hui son avancée vers le Sud-Kivu.
Une région déstabilisée de longue date
La guerre entre l’État congolais et le M23 dure depuis 2012, mais la région autour du lac Kivu est déstabilisée depuis bien plus longtemps : dès 1977, le Front de libération nationale du Congo tentait de contrôler le Zaïre. Le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 empira la situation avec la fuite des génocidaires pourchassés par l’armée de Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda. Encore aujourd’hui, la présence d’anciens génocidaires est le prétexte aux incursions de l’armée rwandaise. On compte près de 200 milices dans la région, certaines contrôlées par d’autres pays comme le Burundi ou l’Ouganda.
Tensions sur les ressources
C’est surtout le contrôle des ressources qui est en jeu. Au Nord comme au Sud-Kivu, le sol est riche en minerais : tungstène, étain, or, cobalt, ou encore coltan, dont la région possède 60 à 80 % des réserves mondiales. On retrouve ce minerai stratégique dans tous les smartphones, mais aussi dans l’aéronautique du fait de la grande résistance du tantale à la corrosion. Le contrôle d’une partie du Nord-Kivu a permis au Rwanda de devenir en 2023 le premier exportateur mondial de ce minerai qu’il n’extrait pourtant pas de son propre sol.
Aujourd’hui, les convoitises sont exacerbées par l’explosion de la demande dans ces métaux pour assurer la transition vers l’automobile électrique, le développement des nouvelles technologies ou encore la course à l’armement.
Derrière les acteurs locaux : l’ombre des puissances impérialistes
80 % du secteur minier en RDC est dominé par les entreprises chinoises. Et, si de nombreuses multinationales occidentales comme Apple, Microsoft, Tesla ou encore Google, se fournissent aussi auprès de la RDC, les tensions internationales pourraient les pousser à rechercher d’autres filières d’approvisionnement. Les États-Unis sont d’ailleurs l’un des principaux soutiens du Rwanda et son premier client pour le coltan… Du côté de l’Union européenne, les liens se sont également raffermis avec l’accord signé entre Bruxelles et Kigali en février 2024 pour « assurer un approvisionnement durable en matières premières ». Les acteurs locaux qui s’affrontent cherchent donc à profiter au maximum des rentes du secteur minier et des profits de l’exportation.
La concurrence entre les impérialistes se règle une fois encore sur le dos des peuples : aux victimes des conflits militaires, il faut ajouter les victimes de l’exploitation dans les mines – plusieurs dizaines de milliers d’enfants travaillent dans ces mines, souvent à ciel ouvert –, la déstabilisation de la région permettant tous les abus de la part des entreprises et des seigneurs de guerre sur les travailleurs.
3 février 2025, Adrian Lansalot