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Santosh, film de Sandhya Suri

En salles depuis le 17 juillet

Dans cette période de rude répression policière au Bangladesh, difficile de passer à côté de ce thriller policier sur sa voisine, l’Inde.

On y suit Santosh, une femme indienne qui vient de perdre son mari, mort dans une émeute dans une ville imaginaire, dans le Nord de l’Inde. L’actrice jouant le rôle principal s’appelle Shahana Goswami, elle a notamment jouée dans un film, Made in Bangladesh, réalisé par une Bangladaise qui met en scène Shimu qui, à la suite d’un incendie dans l’usine, décide de se battre pour la reconnaissance des droits des ouvrières et va donc lancer un syndicat des travailleuses de l’usine. La réception du film Santosh a fait couler beaucoup d’encre, notamment à l’extrême droite de l’échiquier politique, chez les plus réactionnaires et traditionalistes de la société indienne. Pourtant la réalisatrice assume pleinement ce caractère politique et subversif, que le pouvoir n’a pas tellement apprécié, car pour l’instant, Santosh est interdit à la diffusion en Inde.

Ce film est effectivement une dénonciation. À la suite de la mort de son mari, l’État laisse alors le droit à Santosh de reprendre son travail de policier, elle qui n’avait jamais vraiment travaillé. Dans cette société où il ne fait pas bon être une veuve, la famille de son défunt mari comme sa propre famille la délaissent en partie. Même si elle garde de bonnes relations avec ses sœurs, la question de la dot génère beaucoup de tensions pour la survie de Santosh, dépendante financièrement, comme beaucoup de femmes en Inde, de son mari. Elle choisit donc la solution qui lui parait la plus épanouissante et la plus sûre en termes financiers, c’est d’accepter l’offre et devenir fonctionnaire de police dans la section féminine.

La place des femmes est bien montrée dans ce film où l’on voit précisément la séparation stricte en fonction du genre. La police a des brigades spéciales féminines dévolues aux tâches ingrates que ces messieurs ne veulent pas faire ou trouvent plus dégradantes. Le début du film nous présente une Santosh spectatrice de sa propre vie, où elle encaisse beaucoup de choses, notamment de devenir la femme de ménage en plus de ses heures de service au commissariat régional. On voit bien que l’institution policière, à tous les niveaux, répète et perpétue cette domination. Dans un pays où les hiérarchies de genre sont des plus rudes et des plus réactionnaires, il est important de rejeter collectivement ces discriminations. Ce que les femmes indiennes ont d’ailleurs bien compris dans les nombreuses manifestations et mouvements sociaux massifs qui ont pu avoir lieu pour l’amélioration des droits des femmes et surtout pour l’amélioration de leur quotidien ! Comme en 2012, à la suite du décès de Jyoti Singh après un viol collectif, où des milliers de femmes et d’hommes sont descendus dans la rue pour dénoncer l’impunité générale des violeurs et leur prolifération. Ou encore en 2019, où près de cinq millions d’Indiennes ont formé un mur humain pour protester contre l’interdiction de leur présence dans un lieu de culte dans la région du Kerala. Ces deux mobilisations massives ont montré l’efficacité de la mobilisation collective pour accéder à des droits plus importants, même si, ici comme en Inde, des droits ne sont que des bouts de papiers, reste à obtenir qu’ils soient réellement appliqués !

Pour revenir à Santosh, rapidement elle va enquêter sur une affaire de viol et de meurtre sur une jeune fille de 15 ans, retrouvée morte au fond d’un puits. Cette jeune dalit (ou intouchable1) sortait avec un jeune garçon musulman, principal suspect dans l’affaire. Suspect de choix étant donné que l’autre groupe rejeté aux marges de la société est celui des musulmans. Il décide de fuir. La suite du film, montre des scènes de tortures et de meurtres commises par la police avec un racisme décomplexé contre les musulmans. Question particulièrement sensible aujourd’hui en Inde quand on sait que Modi, le président d’extrême droite, fait son beurre électoral sur la discrimination et la haine envers les musulmans.

Les castes en Inde sont le symbole d’une structure sociale hermétique à tout changement, selon une ségrégation spatiale, politique et économique, qui se base principalement sur la propriété privée. Les hautes castes sont des grandes propriétaires, terriens ou de capitaux, quand ce n’est pas les deux. Elles dominent, tous les éléments de la société et se permettent d’outre-passer les lois en usant de la corruption ou de l’intimidation.

Ce sont précisément toutes ces problématiques qui sont illustrées dans ce film, subversif et dénonciateur.

Comme l’avoue l’une des dirigeantes du commissariat : « Dans cette société il y a deux sortes d’intouchables. Ceux que personne ne veut toucher. Et ceux que personne ne peut toucher. »

Personne ? Individuellement peut-être, mais collectivement certainement pas ! Quand toutes les classes exploitées, qu’on les appelle shudra, dalit, intouchables, ou musulmans, décident de prendre collectivement les choses en main, alors elles possèdent une force exceptionnelle qui peut tout renverser sur son passage. On en avait aperçu une illustration en 2020-2021 durant la longue mobilisation des paysans pauvres en Inde, où les femmes avaient d’ailleurs joué un rôle central.

Victor Roux

 

 


 

 

1 En Inde il y a un système de castes qui, malgré quelques levées juridiques formelles, reste très présent. Les intouchables sont les plus bas de la hiérarchie.