Retailleau et Darmanin veulent faire de la lutte contre le trafic de drogue leur cheval de bataille en montrant les muscles. Derrière leurs discours sécuritaires, il y a en réalité une politique de violence de l’État contre les pauvres, de stigmatisation des immigrés et des habitants des quartiers populaires, dont l’objectif est d’une part d’instaurer la peur, et de l’autre s’attirer des électeurs sur le terrain sécuritaire. Dans la dernière loi actuellement débattue à l’Assemblée, le Sénat avait même ajouté un amendement permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, comme WhatsApp ou Signal, ce qui permet en fait un flicage de masse de toute la population. S’il a été retoqué, d’autres mesures permettant une surveillance par algorithme des messageries cryptées ont été votées. Darmanin s’est targué d’avoir obtenu « une grande victoire pour la sécurité et la fermeté de l’État », en clair, derrière un objectif affiché de lutte contre le trafic, il s’agit bien de renforcer les pouvoirs de la police.
Lois anti-drogues : une continuité dans les politiques répressives
La politique anti-drogue actuelle a été mise en place en 1970, peu après la mort d’une jeune fille par overdose qui avait fait grand bruit. Corrélé à la « War on drugs » de Nixon aux États-Unis, cette politique anti-drogue s’est centrée sur le tout répressif et a ainsi augmenté de manière considérable les moyens pour la police, sans que l’aspect sanitaire mentionné dans la loi ne soit réellement appliqué. Sous couvert de lutter contre le trafic de drogue, cette loi et celles qui ont suivi ont surtout servi de prétexte pour stigmatiser certaines parties de la population, que ce soit les jeunes, les hippies, les homosexuels, les immigrés… voire de justification pour perquisitionner des locaux de groupes d’extrême gauche.
Les lois anti-drogues et leur application répressive se sont très bien agencées avec les politiques racistes : enfin une bonne raison de faire des contrôles au faciès ! Les prisons se sont remplies de jeunes noirs ou arabes, pour la possession de quelques boulettes de shit. Cette même rhétorique raciste bat son plein aujourd’hui dans la bouche du gouvernement et des médias de tout bord, qui assimilent trafiquants et immigrés. Toute la propagande contre le trafic vise à déshumaniser ceux qui sont en réalité tout en bas de la chaîne de distribution, les dealers qui ne sont que les petites mains du trafic. Les chefs de réseaux savent très bien exploiter la misère et le désespoir pour recruter des jeunes qui leur serviront de vitrine, parfois même de tueurs à gages lorsque la concurrence devient trop gênante. Si lors des opérations sensationnelles du type « place nette » les flics arrêtent quelques petits revendeurs, les chefs de réseaux, eux, ne sont pas inquiétés. Ils pourront très vite reconstituer leur circuit de vente, car la misère et le chômage qui sont le terreau de l’économie informelle ne disparaissent pas quand les flics s’en vont.
Jean Einaugig
Sommaire du dossier
- Sous couvert de lutte contre la drogue, le flicage permanent
- Exploitation facile et concurrence féroce : le trafic de drogue, un concentré de capitalisme
- Le blanchiment, c’est simple
- La bourgeoisie en quête de deal(s) juteux, hier et aujourd’hui
- La lutte du mouvement ouvrier contre l’alcoolisme
- Pour un monde sans drogues, quelles solutions ?