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Transphobie crasse et panique morale : non aux lois anti-trans !

Paris, 2021-11-20. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas

La droite et l’extrême droite continuent de s’en prendre aux plus opprimés et exploités, tout en déversant leurs idées réactionnaires. En effet, Les Républicains et le Rassemblement national ont déposé des propositions de lois anti-trans, respectivement au Sénat et à l’Assemblée nationale.

La première, déposée par Jacqueline Eustache-Brinio et 100 autres sénateurs Républicains, sera votée le 28 mai prochain. Cette proposition de loi remet en cause une série de droits et d’avancées déjà fragiles.

Interdiction de toute transition médicale (bloqueurs de puberté, traitements hormonaux et chirurgies de réassignation) aux mineurs, sous peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende.

Comme si les parcours de transition n’étaient pas déjà semés d’embûches aujourd’hui et que tous et toutes les jeunes trans pouvaient y recourir… En réalité, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, en 2020, moins de 9000 personnes bénéficiaient du statut permettant l’ouverture au droit de remboursement de certains soins dans le cadre d’une transition, dont seulement 294 mineures.

Par ailleurs, si les bloqueurs de puberté sont accessibles à partir de la pré-adolescence, ils sont totalement réversibles. Quant aux traitements hormonaux, ils sont accessibles à partir de 16 ans, et les chirurgies de réassignation à partir de 18 ans (sauf les torsoplasties – opérations pour passer d’une poitrine à un torse – qui sont autorisées avant, mais dans les faits peu de jeunes trans y ont recours). De plus, toutes ces procédures ne se font qu’avec l’accord des parents et suite à des entretiens avec une équipe médicale. Enfin, seule une minorité de jeunes effectuent ces parcours, souvent ardus en raison du manque de moyens dans la santé et à cause de la transphobie de la société, dont peuvent être imprégnés leurs proches. Leur transition n’est donc souvent pas médicale mais sociale, elle passe surtout par une expression différente de genre : changement de prénom, pronoms, coiffure, vêtements, etc.

Au passage, il est à noter que les bloqueurs de puberté sont aussi utilisés depuis les années 1970… pour ralentir la puberté jugée précoce chez les enfants cisgenres. Et que les mutilations génitales sur les bébés intersexes, ainsi que les traitements hormonaux et médicamenteux, ou encore les interventions physiques au cours de l’enfance et de l’adolescence, ne suscitent pas les mêmes réactions outrées dans la droite, l’extrême droite et les militants et militantes transphobes…

Retour des thérapies de conversion et renvoi dans la sphère des maladies mentales

Interdites en France depuis 2022 seulement, cette loi signerait le retour de thérapies de conversion qui ne disent pas leur nom. En effet, sous couvert de se préoccuper du bien-être des enfants et ados trans, LR évoquent des « suivis psychologiques » et « soins psychiques », des structures nationales et territoriales en « pédopsychiatrie », afin de poser un « diagnostic » sur une « souffrance psychique ». Traduire par : « Mais non, vous n’êtes pas trans, vous avez un trouble psychologique, on va vous soigner et tout rentrera dans l’ordre (hétéropatriarcal et binaire). » Ainsi, avec le contenu de cette proposition de loi et son vocabulaire pathologisant, les sénateurs LR renvoient la transidentité dans le champ des maladies mentales, alors qu’il avait déjà fallu attendre 2019 pour que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) la retire de la liste des maladies mentales. S’il faut un suivi psychologique des personnes trans, ce n’est pas parce qu’elles sont malades, mais parce que la société l’est ! Se prendre toute la violence transphobe de l’ordre bourgeois à longueur de journée (au boulot, à l’école, dans la rue, dans les relations inter-personnelles, etc.), ça peut demander d’être écouté et accompagné. Mais pour ça, il faut des services publics de santé qui fonctionnent, donc des moyens dans les centres d’accueil, les hôpitaux, les EPSM (établissements publics de santé mentale), etc. Bizarrement, on n’entend pas LR réclamer de l’argent pour la santé, sauf quand il s’agit de pondre des lois dégueulasses…

Éducation nationale : manque de moyens et attaques réacs

Côté éducation nationale, ils veulent interdire l’intervention de certaines associations dans les écoles, jouent la police des mœurs en voulant contrôler le contenu des manuels scolaires en termes « d’identité sexuelle » et demandent la révision de la « circulaire Blanquer ». Depuis 2021, cette dernière encadre l’accompagnement des élèves trans à l’école par le personnel éducatif. Elle autorise ainsi, avec l’accord des parents, l’utilisation dans les documents internes et au quotidien d’un prénom et pronoms différents de ceux de l’état-civil. Si elle peut représenter un premier pas pour les élèves trans (à condition de ne pas avoir des parents LGBTIphobes), il s’agit cependant d’un vernis progressiste pour le gouvernement de Macron. Au moment où la circulaire avait été mise en place, de nombreux postes avaient été supprimés, rendant impossible son application et l’accompagnement réel des élèves. Mais en plus, en 2022, Aurore Berger, alors ministre des Solidarités et des Familles, invitait les militantes transphobes Marguerite Stern et Doria Moutot. Rien d’étonnant quand on sait que cette même ministre voulait exclure les hommes trans du droit à l’IVG ! D’ailleurs, elle n’est pas la seule membre du gouvernement (ancienne ou actuelle) à piétiner les droits LGBTI : Christophe Béchu, Caroline Cayeux, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Sébastien Lecornu et Catherine Vautrin se sont opposés au mariage pour tous (même si certains et certaines prétendent avoir changé d’avis depuis), pendant que Rachida Dati s’était élevée contre la PMA. On peut également citer Bérangère Couillard, qui avait été chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, après s’être opposée, en 2020, à l’intégration des couples de même genre dans une proposition de loi contre les violences conjugales.

Les Républicains et l’Observatoire de la petite sirène : association de malfaiteurs

La proposition de loi s’appuie sur un rapport, publié en mars, mené par LR et l’Observatoire de la petite sirène. Ce dernier, fondé en 2021 par les psychanalystes Céline Masson, Caroline Eliacheff et Anna Cognet, est un collectif qui se prétend neutre et scientifique. Évidemment il n’en est rien, puisque son parti pris conservateur lui vaut d’être régulièrement accusé de désinformation par d’autres agents de santé. Il s’est notamment illustré par ses prises de position contre l’interdiction des thérapies de conversion. Dans la même veine, il s’oppose aux transitions de genre et critique l’éducation sexuelle. Et en remontant un peu dans le temps, on s’aperçoit que la plupart de ses membres ont combattu le Pacs (Pacte civil de solidarité) en 1999 ou le mariage entre personnes de même sexe en 2013.

L’extrême droite toujours présente pour distiller son poison

Le Rassemblement national, sans doute par peur de se faire dépasser sur sa droite par LR, a aussi proposé une loi allant dans le même sens. S’affolant du « wokisme » et au prétexte de protéger les enfants, ils entendent également interdire toute transition médicale pour les mineurs trans. Déposée à l’Assemblée nationale par 74 députés RN, la proposition de loi a été renvoyée à la commission des affaires sociales, mais nous devons dès maintenant la dénoncer ! Non seulement pour combattre la transphobie rance de l’extrême droite, mais aussi pour révéler son opportunisme et son hypocrisie. Effectivement, elle n’a jamais rien fait pour lutter contre les violences faites aux enfants ou les violences intra-familiales ! Ce n’est qu’une instrumentalisation pour mieux servir leurs idées rétrogrades !

D’ailleurs, la dernière bataille du RN contre les droits LGBTI remonte à moins d’un an, en juillet 2023. Il voulait en effet interdire la participation des athlètes trans et intersexes aux compétitions sportives de haut niveau, en les obligeant à concourir dans la catégorie de sexe mentionnée sur leur acte de naissance.

Contre-proposition au Sénat : préparons la mobilisation dans la rue !

Bien qu’il n’y ait pas de date pour l’examen et le vote, une contre-proposition de loi a été remise au Sénat le 2 avril dernier, par Mélanie Vogel et le groupe écologiste. Son objectif vise à faciliter le changement de genre à l’état-civil, sur simple demande à la mairie, sans avoir à passer par le tribunal et sans document justificatif comme c’est le cas aujourd’hui (avis médical et témoignages de proches pour « prouver » la transidentité de la personne).

Alors véritable préoccupation progressiste ou opération coup de com’ à quelques mois des Européennes ? Toujours est-il que si cette proposition de loi est une avancée pour les droits des personnes trans et représente un point d’appui dans la lutte contre la transphobie, elle ne pourra être gagnée et réellement appliquée qu’à la suite de mobilisations dans la rue. Et sans aucune illusion ou confiance sur les institutions et groupes politiques qui y siègent. Surtout que la gauche peut très bien s’accommoder des transphobes, main dans la main avec la droite. L’année dernière, Céline Masson et Caroline Eliacheff ont ainsi été récompensées pour leurs travaux de psychologie au sein de l’Observatoire de la petite sirène par l’Académie des sciences morales et politiques, en présence de Jospin et Balladur. L’attribution de cette bourse a suscité des polémiques illustre l’imbrication de la transphobie au capitalisme et à ses institutions. En effet, Chantal Delsol, membre de cette académie, est aussi signataire de certaines tribunes et manifestes de l’Observatoire…

Y’en a assez de cette société transphobe !

Pour repousser ces immondes lois anti-trans, ce qu’il faudra c’est se mobiliser, notamment à l’occasion du 17 mai, journée internationale de lutte contre les LGBTIphobies, et bien au-delà ! Réclamons des moyens dans la santé pour former le personnel de santé, accueillir et accompagner les personnes trans, que ce soit pour les parcours médicaux ou psy, et garantir un accès gratuit aux soins ! Nous voulons aussi l’augmentation des salaires, aides sociales et bourses étudiantes afin de permettre l’indépendance financière et l’émancipation vis-à-vis de la famille, et faciliter l’autodétermination des jeunes trans ! Exigeons le changement de genre sur simple demande à l’état-civil sans passer par le tribunal de grande instance !

Nous devons combattre les préjugés et discours transphobes qui infusent nos lieux d’études et de travail, tout en militant pour le renversement du capitalisme, car on ne pourra se débarrasser définitivement de l’exploitation et des oppressions qu’en mettant à bas les classes sociales et l’État, et en œuvrant pour une société communiste !

Laura Dumans