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Un point de vue d’un camarade à l’occasion de nos articles autour d’un ouvrage de Daria Saburova

Nous publions ci-dessous un point de vue d’un camarade, Gérard Delteil, qui nous semble en inadéquation avec les articles publiés sur notre site, auxquels il dit répondre.

Pour rappel, les articles que nous avons publiés :

À propos de l’Ukraine, débat animé autour du livre de Daria Saburova
« Travailleuses de la résistance, les classes populaires ukrainiennes face à la guerre »
Atelier à nos rencontres d’été révolutionnaires : « Russie-Ukraine : militants anti-guerre des deux pays dans la tourmente d’enjeux nationaux et internationaux »

 

Saburova, une internationaliste ?

Le 10 décembre était publié sur le site du NPA-R un compte-rendu d’une réunion du 27 novembre à la bourse du travail de Lyon organisée par « Le collectif 69 en solidarité avec le peuple ukrainien ». Ce comité 69 est composé de diverses organisations comme le NPA-A, la LDH, Attac, EELV, Ensemble qui, toutes, soutiennent sans réserve la guerre côté Otan-Zelensky depuis le début. Il était donc dans l’ordre des choses que les membres de ces organisations huent une militante qui ne s’alignait pas sur leurs positions. Il était tout aussi logique qu’ils aient invité Daria Saburova, sociologue ukrainienne qui, comme eux, soutient une position qu’on peut qualifier de « social-patriote ». Il est en revanche moins compréhensible que nos camarades fassent l’éloge du livre de Saburova, dans ce compte rendu et dans un article de Révolutionnaires no 20. Cette sociologue défend en effet des positions qui ne se distinguent en rien de celles du Collectif 69. Il suffit pour s’en convaincre de lire la présentation de son livre, signée par elle, dans Contretemps le 17 juillet 2024 (www.contretemps.eu). On y chercherait vainement la moindre trace de « politique de classe » et encore moins d’internationalisme. Saburova glorifie ce qu’elle appelle « la résistance ukrainienne » (expression qui revient plusieurs fois par page) et diverses initiatives de soutien à l’armée : des enfants à qui on fait fabriquer des filets de camouflage, une vendeuse qui fabrique des grenades dans un atelier autogéré, d’autres qui apportent des gâteaux dans les tranchées. Des actions patriotiques qui rappellent furieusement ces femmes qui tricotaient des chaussettes pour les poilus pendant la guerre de 14-18. Ces actions, présentées comme « auto organisées » ou sous l’égide de syndicats engagés dans le soutien à la guerre nous sont vantées depuis le début par les organisations « de gauche » qui, comme celles du Collectif 69, cherchent à donner une coloration un peu sociale, féministe et populaire à la guerre, comme l’ont toujours fait les socio-patriotes. Noter que la méfiance d’une partie de ces milieux envers Zelensky entre dans le cadre de ce même discours qui cherche à nous convaincre que ce seraient les classes populaires qui mèneraient leur propre guerre. Un discours devenu purement mythologique à un moment où les insoumis et les déserteurs sont de plus en plus nombreux, au point que Zelensky n’ose pas mobiliser les jeunes de 18 à 25 ans comme le lui demande avec insistance l’Otan, sans doute de crainte de provoquer des révoltes.

G. D.

 

Précision de la rédaction

Saboruva, une « internationaliste » ? Ce serait à elle de nous le dire, et ce qu’elle entend par là. Nous ne décernons pas les bons et mauvais points. Son ouvrage n’est pas le premier d’un ou d’une sociologue dont nous ne partageons pas les idées et dont pourtant nous faisons une « critique » qui en dégage les éléments intéressants à nos yeux. C’est le cas de l’ouvrage en question, qui décrit entre autres des modes d’organisation de travailleuses et travailleurs d’une région d’Ukraine pour faire face à l’agression et l’invasion de la Russie. Nous avons toujours rappelé la dimension inter-impérialiste de ce conflit – l’impérialisme américain cherchant, par ses livraisons d’armes, à faire de l’armée ukrainienne un appendice de l’Otan (quitte à l’abandonner en rase campagne, comme on le voit actuellement, lorsqu’il calcule que ce n’est plus son intérêt !). Mais contrairement à G.D., nous avons toujours affirmé comme première revendication le retrait des troupes russes d’Ukraine. Et donc nous avons toujours reconnu le droit du peuple ukrainien à se défendre, y compris par les armes. Les armes américaines, allemandes ou françaises, ont d’ailleurs bien peu aidé l’Ukraine face à la Russie. Un pays qui a perdu 20 % de son territoire, des millions de déplacés et exilés, des dégâts matériels et moraux incommensurables, tandis que les marchands de canons et de gaz occidentaux y ont grossi leur magot ! L’ouvrage de Daria Saburova, dont nous ne partageons effectivement pas le point de vue, montre cependant que, légitimement, la population ukrainienne a cherché à résister à l’invasion russe, en s’organisant par elle-même, quelquefois d’ailleurs en conflit avec la politique de Zelensky.. Nous soulignons simplement qu’il ne relevait pas du mirage gauchiste de penser que cette activité propre d’une partie des classes populaires aurait pu être développée et tournée vers une défense internationaliste face à Poutine. C’est ce qui nous a intéressé. C’est ce qui fonde l’espoir révolutionnaire, contre le nationalisme exacerbé de Zelensky.