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Alors que les effets de la crise climatique frappent le globe, Total lance une nouvelle plateforme pétrolière au Suriname

Pendant que le bassin méditerranéen sort meurtri d’une série de catastrophes naturelles dopées par les effets du réchauffement climatique, les géants de l’énergie du monde entier ajoutent de l’huile sur le feu en accélérant la production de pétrole.

Mercredi 13 septembre dernier, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a annoncé le lancement d’un nouveau projet pétrolier au Suriname. Afin d’exploiter 200 000 barils par jour, Total souhaite investir 8,3 milliards d’euros. Le développement de cette plateforme offshore (le « bloc 58 ») fait suite à deux autres méga-projets dangereux pour la planète et les populations, en Ouganda et Tanzanie.

Une folie, alors que nous venons de vivre une des années les plus chaudes de l’histoire du globe du fait du réchauffement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre, principalement issues de la production et consommation d’hydrocarbures ? Pas du tout, monsieur Pouyanné, à ses dires, sait ce qu’il fait : « C’est l’argent du pétrole qui finance la transition écologique. » L’exploitation du pétrole n’aurait rien à voir avec la rapacité des capitalistes et sa petite augmentation de 10 % de salaire l’an dernier (six millions par an). Une telle générosité frise à la philanthropie, monsieur le PDG mérite bien sa légion d’honneur pour haut-fait écologique.

Pour arrêter l’incendie, les pétroliers ajoutent de l’essence

Total n’est pas la seule entreprise à justifier la nécessité d’intensifier la production d’hydrocarbures pour financer la transition écologique. C’est dans cette même logique que la COP28 sera présidée par le sultan Ahmed Al Jaber, à la fois PDG de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis (Adnoc) et président de Masdar, société investie dans les énergies renouvelables. Après tout, il est bien connu que le meilleur moyen de rendre les loups végétariens est de leur faire garder les bergeries.

Le sultan fait bonne presse grâce aux investissements dans les énergies renouvelables de Masdar, en passant sous silence que sa compagnie sœur – l’Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc) – souhaite augmenter de 25 % sa production pétrolière par an jusqu’en 2030. Les différents capitalistes de l’or noir (comme Shell, BP, ENI, etc.) n’ont pas tenu longtemps leurs promesses de l’ère Covid de « transitionner rapidement » vers l’énergie « verte ». Pour donner un ordre d’idée, Total – sous la direction de l’écolo autoproclamé Pouyanné – a investi 5 milliards d’euros en 2023 dans le renouvelable, contre 12,5 milliards dans les hydrocarbures : les habitudes ont la vie dure !

Quant à la « transition » qu’ils nous préparent, elle nous conduit à la même impasse composée de batteries électriques et composants d’éoliennes non recyclables, voitures électriques individuelles, pollution des sols et des mers. C’est toute la logique de profit qui doit disparaître, pas juste les énergies fossiles !

Vous reprendrez bien un peu de gaz avec votre pétrole ?

L’addiction au pétrole reste substantielle : 2023 enregistre le record de consommation mondiale d’hydrocarbures, avec 102 millions de barils par jour. Avec l’amélioration de la prospection pétrolière, de nombreux pays d’Afrique (Namibie, Mozambique, Tanzanie, Sénégal, Mauritanie, Nigeria) et d’Amérique latine cherchent à profiter de leur potentielle manne pétrolière pour gaver leurs bourgeoisies locales et acheter la paix sociale.

Ainsi, avec les 20 % de participation de l’État du Suriname au capital du « bloc 58 », le président Chan Santokhi exulte à l’idée de profiter des 20 milliards de dollars de recettes projetés pour les 20 prochaines années. En pleine crise économique et sociale dans le pays, il assure que grâce au pétrole, « il y a de la lumière au bout du tunnel ». D’une belle teinte orangée1, à n’en pas douter, pendant que Total empoche 40 % du pactole.

Face à la catastrophe, les États répriment les militants écologistes

Les conséquences du réchauffement climatique nous impactent bien plus rapidement que les effets de la « transition écologique » supervisée par nos dirigeants. À travers les nombreuses canicules, sécheresses et inondations dont nous avons été victimes ces derniers mois, nous vivons dès à présent dans le futur redouté par les scientifiques. La catastrophe en cours en Libye, où on dénombre des milliers de victimes2 – percutée par la tempête Daniel qui a aussi tué sur son sillage en Grèce, Turquie et Bulgarie – annonce la couleur. Le bassin méditerranéen est une véritable image de ce qui nous attend : voilà à quoi pourrait ressembler un monde si les températures augmentent globalement de 3 à 4 °C3 si nous ne nous attelons pas à limiter drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.

Plutôt que de lutter contre les causes et les conséquences de la destruction de notre écosystème (deux nouvelles « limites planétaires » vont être franchies par l’humanité4), les gouvernements capitalistes s’emploient à réprimer les militants écologistes. Ainsi, 11 militants d’Extinction Rébellion et d’Attac viennent d’être condamnés le 14 septembre par le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir réalisé une action contre les jets privés l’été dernier. Pas touche aux habitudes des riches !

Dans le reste du monde, au moins 1910 militants écolos ont été assassinés ces dix dernières années (177 ont été dénombrés pour la dernière année écoulée). Les capitalistes n’hésitent pas à tuer pour garantir la mainmise du capital sur de nouvelles terres ou nouvelles ressources. Nous exprimons notre solidarité avec les militants incriminés, à l’instar des 4 000 personnes qui ont manifesté à Niort le 8 septembre dernier en soutien aux militants des Soulèvements de la Terre poursuivis par l’État français. Il est temps de mettre fin au « Capitalocène » pour assurer la survie de l’écosystème qui nous fait vivre.

Stephan Ino

 


 

1 Le Monde, 12 septembre 2023, « Inondations en Libye : la puissance du cyclone Daniel vient de la température très élevée de la Méditerranée »

2 Communiqué du NPA, 8 juin 2023, Feux de forêts en Amérique du Nord : le monde brûle, brûlons le capitalisme !

3 Le Monde, 15 septembre 2023, « Libye : après les inondations qui ont détruit la ville de Derna, des dizaines de cadavres sont découverts chaque jour »

4 Libération, 13 septembre 2023, « Acidification des océans et pollution de l’air : l’humanité proche de franchir deux “limites planétaires” de plus »