L’augmentation des commandes de Rafale chez Dassault s’est accompagnée d’une augmentation de la cadence. Le recours aux heures supplémentaires est monnaie courante, y compris les incitations à travailler le samedi. Les équipes et le travail de nuit sont aussi de plus en plus fréquents. Sans parler des conditions de travail : le matériel est vieux, souvent défectueux et les nouveaux outillages sont source de défauts et donc inutilisables.
Collectivement, un calcul se fait : profits exceptionnels + nombreuses commandes = une occasion d’espérer des augmentations. Les NAO ont été une sacrée douche froide qui a produit son lot de colère mais, pour l’heure, sans qu’elle se transforme en lutte, sinon assez minoritaire.
Comment se battre contre son marchand de mort ?
Si, à Dassault, les mobilisations sur les salaires sont restées timides cette année, ce n’est pas le cas partout. Thalès a notamment connu une mobilisation importante sur la question des salaires et des licenciements, avec des journées d’action hebdomadaires, en particulier une manifestation à Mérignac, près de Bordeaux, à laquelle ont participé des délégations syndicales des entreprises aéronautiques et informatiques du voisinage.
Mais le discours du patron sur les prétendues qualités supérieures du Rafale sur les avions américains est repris par une partie des travailleurs. À ce sujet, on ne peut pas dire que les syndicats soient toujours des adversaires du patriotisme d’entreprise. La CGT, par exemple, a écrit dans un tract sur le site de Dassault-Aviation à Cergy-Pontoise : « Acheter un Rafale, c’est garder sa souveraineté », sans parler des petits Rafale qu’elle met sur ses calendriers et tracts. Il faut dire que la CGT et le Rafale, c’est une romance d’une quarantaine d’années, née au moment où le syndicat défendait la nécessité d’un avion non pas européen mais franco-français. D’une manière générale, les directions syndicales comme les politiciens de gauche ont pu multiplier les sorties souverainistes et militaristes.
Mais le militarisme ne convainc pas tous les travailleurs de l’armement. Et les besoins de l’armée ne se limitent pas aux armes. Par exemple, chez Dassault, certains avions civils sont achetés par l’armée ou par Frontex, les gardiens des frontières de l’Union européenne qui mènent la chasse aux migrants. D’ailleurs, dans un bassin industriel dominé par l’armement et quand le militarisme prend toujours plus d’ampleur, difficile pour un travailleur de ne pas être rattaché de près ou de loin à l’industrie militaire.
Alors, que revendiquer ? Bien sûr qu’il faut mettre le nez dans les affaires du patron, y compris en remettant en question ce qui est produit, pour qui et pour quel usage. Mais ça ne peut pas être un préalable à nos luttes. C’est d’ailleurs au cours des luttes qu’il sera possible de faire naître les discussions sur cet outil de production : à quoi il sert et ce que nous, nous saurions en faire si nous le prenions en main. Car ce sont bien nos luttes qui nous permettront un jour de prendre le contrôle de nos usines et de décider ce qui s’y produit… y compris les armes des travailleurs qui détruiront l’ordre bourgeois !
Marinette Wren
Sommaire du dossier
- Lecornu, ministre des Armées et Premier ministre : tout un programme à combattre !
- La farce de la « défense de la patrie »
- Industrie de l’armement : concentration et monopoles
- Secteur en plein boom, exploitation de haut vol
- Avion européen : des ailes un peu courtes
- Les armées recrutent : combattre l’embrigadement !