Mercredi 8 mai, Biden parlait de suspendre des livraisons d’armes prévues à Israël : « Ils n’auront pas notre soutien s’ils vont dans les centres de population. » Vendredi 10, l’armée israélienne sommait la population de quitter la ville de Rafah, où 1,4 million de Gazaouis sont entassés, pour lancer son offensive. Le Département d’État américain déclarait que rien ne prouvait qu’Israël ait violé le droit international à Gaza : pas de raison de suspendre les livraisons. Et les bombardements massifs commençaient sur Rafah, pendant qu’au nord de la bande, les chars pénétraient à Jabaliya, un camp de réfugiés datant de l’exode forcé de 1948, où vivent plus de 100 000 personnes. Ni les gros yeux que lui fait de temps à autre Biden, ni les conseils de modération ou appels à négocier ponctuels d’un Macron ne freinent Netanyahou.
Les allées venues de Blinken entre Washington, Tel Aviv et les capitales du monde arabe, les incitations à négocier une trêve n’ont qu’une raison d’être : la crainte des grandes puissances que le massacre en cours ainsi que la volonté de Netanyahou – dans la lignée de toutes les guerres précédentes menées par Israël (1948, 1967, 1973, 1982) – de chasser tous les Palestiniens et créer le grand Israël de la mer au Jourdain ne déstabilise l’ensemble de la région. À commencer par les dictatures amies du maréchal Sissi en Égypte et du roi Abdallah de Jordanie. Tous craignent la colère des peuples de la région, une colère qui est pour nous l’espoir et la meilleure aide que pourrait trouver le peuple palestinien. Car, si les réactions dans les pays voisins sont restées à ce jour limitées, le sentiment de solidarité avec le peuple palestinien y est toujours vivace.
En Égypte les manifestations sont interdites. Le régime est échaudé : lorsque, le 20 octobre, au début de la guerre, il s’est senti tenu d’appeler à un rassemblement, des manifestants en avaient profité pour lancer des slogans anti-régime et déferler vers la place Tahrir, lieu de la révolte du Printemps arabe. Un mauvais souvenir pour le régime. Le 23 avril dernier, un simple rassemblement d’une vingtaine de militantes féministes, avocates et journalistes, pour demander la protection des femmes de Gaza et du Soudan victimes des guerres qui s’y déroulent a été encerclé par la police et seize des participantes ont été arrêtées. Trois jours plus tard, au stade du Caire où se jouait la finale de la Ligue africaine des champions, la foule entonnait des slogans de soutien à la population gazaouie et des policiers en civils s’en sont pris à des supporters brandissant des drapeaux palestiniens.
En Jordanie – ce pays de 10 millions d’habitants dont 60 % de la population est d’origine palestinienne, 2,2 millions vivant toujours dans les camps de réfugiés –, les manifestations ont été nombreuses depuis l’automne 2023, malgré les interdictions et les arrestations de centaines de personnes, réprimées pour leur critique de la politique de collaboration du gouvernement jordanien avec Israël. Le 30 avril, à Aman, la capitale, un millier d’étudiants venus de diverses universités se sont rassemblés pour protester contre la guerre à Gaza, évoquant au passage les manifestations semblables dans les universités américaines.
Des mobilisations et des liens qui ajoutent aux raisons que nous avons d’être nombreux à continuer à manifester ici contre le massacre perpétré par l’État d’Israël avec le soutien éhonté de tous les gouvernements, dont celui de Macron.
Olivier Belin