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Crise écologique et élections européennes : silence, ça tousse

Mardi 16 avril, quelques-unes des têtes de listes pour les prochaines européennes s’opposaient dans un débat consacré à l’écologie et animé par le médiatique ingénieur Jean-Marc Jancovici. Nous n’étions pas invités et c’est dommage car nous aurions eu des choses à dire. Peut-être que nos conceptions révolutionnaires sont trop radicales pour « Janco », lequel a profité de ce débat pour s’afficher aux côtés des « responsables » dont il se rêve le conseiller. S’il prenait pourtant un peu de recul, il verrait que les seules mesures acceptables du point de vue du système capitaliste sont celles qui sont rentables pour les grands patrons et contraignantes pour les travailleurs. C’est d’ailleurs ce qui détermine les positions de toutes les forces du champ politique.

La démagogie carbonée du Rassemblement national

L’extrême droite attise dans les classes populaires le rejet de mesures impopulaires parce que pesant un peu plus sur les modes de vie. Elle donne plusieurs tons à sa tirade, comme le nez de Cyrano. Climato-sceptique : les experts du GIEC exagèrent1. Modeste : ce n’est pas la France toute seule qui peut sauver la planète. Nationaliste : nous n’allons pas faire d’efforts pour les autres. Quant à la voiture individuelle, pas touche. Les cadres du RN ont souvent des chauffeurs, pas question pour eux de prendre le train.

L’écologie n’est chez eux qu’un prétexte pour ressasser leurs marottes d’extrême droite sur la défense des terroirs, l’enracinement dans une « France éternelle » qui n’existe que dans leur tête. Cette variante de localisme conduit – car on y revient toujours – à justifier le rejet des étrangers.

Macron : oscillation

Les macronistes alternent entre leur critique démagogique de l’écologie « punitive » et les subventions distribuées en open bar à tous les patrons qui sortent la peinture verte. À l’occasion du mouvement des agriculteurs, le gouvernement a pulvérisé le plan Écophyto dont le but était de réduire l’usage des pesticides. Dans le même temps, la loi sur l’industrie verte et son cortège d’aides publiques destinées aux entreprises rentrait en vigueur. Plus récemment, la panique simulée autour du déficit a été l’occasion d’entailles dans les budgets. Parmi les victimes, les aides à la rénovation des logements et le « leasing social » des véhicules électriques. Cela n’empêchera pas le gouvernement de mépriser ceux qui, faute de pouvoir faire autrement, roulent en diesel et vivent dans des passoires thermiques.

Le réchauffement fera-t-il aussi fondre les faux-semblants de la gauche institutionnelle ?

Comment, dans cette société, la transition ne pèserait pas sur les classes populaires ? La gauche l’affirme mais se montre bien en peine de le démontrer. En revanche, elle se fait bavarde sur le financement de cette transition. Bien sûr, pour la forme, elle parle de faire contribuer les plus riches, de leur reprendre par l’impôt un peu de ce qu’ils ponctionnent sur le travail. Mais c’est pour leur rendre aussitôt, car cet argent sera distribué en subventions et en commandes publiques. Il permettra de structurer des marchés d’avenir (énergies renouvelables, rénovation thermique). De toute façon, le gros du budget sera abondé par un grand emprunt « vert » qui rapportera son intérêt à ceux qui pourront y souscrire. Qu’importe le bout par lequel on prenne le problème, c’est une affaire.

Cette même gauche fait aussi vibrer la corde nationaliste à sa manière, en faisant de la France et l’Europe les champions de l’écologie dans un monde sous carbone. Raphaël Glucksmann parle de « puissance écologique européenne » à base de nucléaire et de renouvelables contre le gaz russe et le charbon chinois, Manon Aubry dégaine le « protectionnisme écologique » pour refouler les pollutions venues de loin. Au lieu d’une concurrence entre régions, les problèmes environnementaux qui ne connaissent pas de frontières mériteraient une solution d’ensemble à l’échelle de la planète.

En effet, pas de renouvelables en Europe sans acier ou terres rares de Chine, sans cuivre du Chili ni cobalt du Congo… et donc sans les énergies, loin d’être toujours « vertes », utilisées dans ces pays. L’internationalisme n’est pas une lubie mais une condition pour régler la crise écologique. Cela suppose d’en finir avec la défense des intérêts des capitalistes français et européens sur le marché mondial. Or c’est là le seul terrain sur lequel se positionne cette gauche qui aspire à gouverner.

Tic-tac : l’urgence, c’est d’en finir avec la loi du profit !

À l’occasion du débat chez Jancovici, l’écologiste Marie Toussaint a défendu la baisse de l’utilisation de l’avion : il faut « changer le rapport au temps » dit-elle, il faut un « changement de société »… et puis elle passe à autre chose. Oui, il faut changer le rapport au temps, mais dans cette société où le temps c’est de l’argent et où l’argent est roi (et donc maître des horloges), que peut signifier cette formule ? Le Shift Project, l’organisme de Jancovici, propose de systématiser les congés sans solde pour partir loin sans prendre l’avion. Manifestement, le nouveau « rapport au temps » ne se débarrasse pas du vieux rapport d’exploitation salarié : c’est aux travailleurs de renoncer à de la paye s’ils veulent prendre des vacances.

Changer le rapport au temps, ce serait déjà réduire le temps de travail. Se passer de la voiture, mettre un peu plus de temps pour se déplacer en prenant les transports en commun, le vélo ou ses pieds, renouer avec de longs voyages en train. Pourquoi pas, mais pas dans une société à 7, 8, 9 heures de travail par jour, 5 ou 6 jours par semaine, 47 semaines par an, 42 ans dans une vie ! Pas de nouveau rapport au temps sans remettre en cause toute l’organisation sociale réglée par cette loi du profit !

Bastien Thomas

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 13, 25 avril 2024.)

 

 

1Pour Thomas Ménagé, député RN, les scientifiques du GIEC auraient « parfois tendance à exagérer ».