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Derrière la guerre dans le Kivu, la main des puissances impérialistes pour l’exploitation des métaux rares

Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu en République démocratique du Congo, est tombée ce dimanche 16 février aux mains des combattants du groupe M23. Une partie de la population de la ville, sous la coupe de l’armée congolaise corrompue et des milices communautaires qui sévissent dans la région, applaudissait à l’arrivée des troupes du M23. Mais plusieurs milliers d’autres ont fui la ville vers le Burundi. Le M23, avec l’appui du Rwanda, contrôle donc désormais l’intégralité du lac Kivu et, surtout, des richesses de son sous-sol. En trois semaines, ses troupes, appuyées par des forces de défense du Rwanda, ont réussi à prendre les deux principales villes des provinces périphériques du lac. La prise de Bukavu elle-même semble s’être faite sans résistance de la part des forces armées de la RDC.

Les réactions internationales face à ce nouvel épisode dans l’offensive menée par le M23 s’en tiennent à un soutien formel et hypocrite envers la République démocratique du Congo et sa population, et à une condamnation de façade de la politique du Rwanda, sans effet. La France s’est dit prête à prendre des « sanctions », l’Union européenne examine « en urgence toutes les options à sa disposition », et l’ONU appelle à « éviter à tout prix une escalade régionale ».

Paroles, paroles, paroles… Le président du Rwanda, Paul Kagame, a déclaré lui-même que « personne ne [l]’intimidera avec des menaces de sanctions ». Et pour cause : si les impérialistes occidentaux sont aussi timorés, c’est, en ce qui concerne l’Europe et en premier lieu la France, qu’ils ont perdu beaucoup d’influence sur le continent africain. C’est aussi qu’ils ont des intérêts des deux côtés, mais que, en ce qui concerne les richesses minières du nord-est de la RDC, région en plein chaos, c’est le Rwanda qui peut devenir à leurs yeux le plus à même d’en assurer une fructueuse exploitation. Alors que, de son côté, l’État chinois a su profiter de la perte de vitesse de ses rivaux pour s’imposer comme un acteur majeur dans l’extraction, l’importation et le raffinage de métaux rares sur le continent, notamment en RDC en échange de promesses d’investissement dans des infrastructures, un « contrat du siècle » passé en 2008.

Cette exploitation forcenée des richesses minières du Congo, par dictatures interposées, a créé l’instabilité actuelle. C’est la concurrence qui se joue entre les États impérialistes pour sécuriser leur approvisionnement en ces métaux critiques qui offre au Rwanda des possibilités d’obtenir des financements, et lui assure sa supériorité militaire sur ses voisins. De quoi permettre à ce pays de tenter de redessiner les frontières de la région, de s’assurer un contrôle accru sur ses ressources et d’augmenter les juteux bénéfices qu’il réalise en exportant le fruit de ses pillages vers les États-Unis, l’Union européenne ou encore la Chine. Si ses objectifs étaient atteints, l’offensive du M23 et des forces rwandaises de ces dernières semaines pourrait être le signal envoyé aux puissances impérialistes que, dans la région, c’est désormais sur le Rwanda qu’il faut compter économiquement pour s’approvisionner en métaux, et peut-être aussi comme gendarme régional.

Adrian Lansalot