François Bayrou fait mine de s’indigner, non de la guerre menée par Israël à Gaza, mais au moins de son exagération : interpelé au Parlement mercredi 7 mai, il a répondu que « Le fait que les populations soient dénutries, n’aient plus accès à l’alimentation, à l’eau » est « insupportable », comme serait « aussi insupportables les annonces selon lesquelles le but était désormais la conquête de Gaza et l’évocation de déplacements de populations ». Mais c’était tout de suite pour rajouter que la responsabilité première en revenait au Hamas et à son raid du 7 octobre 2023, qualifié de « pogrom ». Plus de 50 000 morts à Gaza depuis, les villes rasées ne seraient pas « pogrom » ? Une heure plus tôt c’était Macron qui s’était dit inquiet du « déplacement forcé de populations » envisagé par Israël qui serait « une réponse inacceptable ». Pourtant ils en acceptent, et même soutiennent, depuis le début de cette guerre menée par Israël ! Leur inquiétude de dernière minute n’est que leur crainte que la nouvelle escalade que vient d’annoncer le gouvernement israélien ne déstabilise la région et ne gêne trop, par un déferlement de réfugiés expulsés de Gaza, les régimes amis du roi de Jordanie et du maréchal Sissi en Égypte. Voire provoque des explosions de colère dans ces pays voisins aux populations pauvres si proches des Palestiniens.
De leurs conseils de modération, après des années de soutien inconditionnel, Netanyahou n’a que faire. La « nouvelle opération musclée », annoncée comme telle deux jours plus tôt par le gouvernement israélien, affirme ouvertement son but : raser Gaza et en vider sa population. Cette fois « les forces israéliennes n’interviendront pas pour ensuite se retirer » a précisé Netanyahou. Dans un premier temps, toute la population de Gaza serait entassée dans une petite zone, au sud du « corridor de Morsag » un no man’s land créée par l’armée israélienne pour isoler cette partie de la bande de Gaza (la région de Rafah) du reste du territoire. Et c’est sous la direction du ministère de la Défense que serait créé un « bureau de l’émigration volontaire » pour faciliter le transfert vers les pays voisins de tous les Gazaouis qui n’auront pas d’autre choix que de partir. Faute pour Netanyahou d’avoir obtenu des pays voisins le feu vert pour les expulser directement manu-militari.
Si pour entamer son opération militaire le gouvernement israélien dit attendre la visite de Trump au Moyen-Orient, dans une semaine (du 13 au 16 mai), la mise en route de l’opération est en cours : le gouvernement vient de rappeler des dizaines de milliers de réservistes ; il compte les envoyer à la frontière libanaise et en Cisjordanie afin d’en libérer pour l’offensive à Gaza les militaires d’active, moins susceptibles que les réservistes de rechigner aux ordres de massacre des officiers. Car il commence à y avoir depuis plusieurs semaines, en Israël même, des protestations et lundi 5 mai de nouvelles manifestations se sont déroulées devant le siège de la Knesset (le Parlement israélien) après l’annonce faite de la nouvelle offensive.
Pas de quoi arrêter Netanyahou dans son escalade. Les manifestations dans le reste du monde, et notamment les nôtres ici même, peuvent être un encouragement aux Palestiniens mais aussi à ceux qui en Israël manifestent contre les crimes de leur gouvernement.
Olivier Belin