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Soudan Souviens-toi, documentaire d’Hind Meddeb

Soudan Souviens-toi, documentaire d’Hind Meddeb
Sorti le 7 mai 2025, toujours en salle

Avril 2019, après plusieurs mois de grèves et de manifestations, les soudanais obtiennent le départ d’Omar el-Bechir, militaire au pouvoir depuis 1989. Mais le départ du dictateur n’entraine pas la fin de la mobilisation. Les généraux ont poussé leur chef vers la sortie pour gagner du temps. Mais ils entendent bien rester au pouvoir !

C’est à ce moment que la documentariste Hind Meddeb pose ses valises à Khartoum, la capitale. Elle veut filmer cette révolution en marche. L’une des grandes qualités de la réalisatrice est de nous plonger au cœur de la mobilisation, de se faire oublier pour laisser la parole à celles et ceux qui en sont les acteurs. On arrive à voir comment les mouvements révolutionnaires transforment la population et les individus. Alors que les militaires ont toujours joué sur les divisions ethniques et religieuses, notamment en persécutant les populations non-arabes et non-musulmanes, les manifestants mettent en avant le rejet du racisme et du tribalisme. Alors qu’el-Bechir avait imposé un régime d’oppression et de ségrégation sexiste inspiré de l’Arabie saoudite, les femmes sont en première ligne de la mobilisation. Alors que le régime voulait maintenir la population sous une chape de plomb, la révolution apparait comme une explosion créative : on chante, on écrit et récite des poèmes, on couvre les murs de la ville de fresques en l’honneur des révolutionnaires victimes de la répression.

On peut regretter qu’Hind Meddeb ne contextualise pas plus le déroulé des évènements. On pourrait ainsi entrevoir ce qui a manqué à cette révolution pour dégager les militaires et instaurer le régime démocratique que la population appelait de ses vœux.

Depuis 2023, la répression et la fin du processus révolutionnaire ont laissé la place à une guerre entre deux factions militaires rivales se battant pour le contrôle et l’exploitation des ressources et des travailleurs du pays. Une guerre dont les civils sont les premières victimes.

Un constat qui pourrait inciter au pessimisme. Mais, ce n’est pas du tout le sentiment que nous laisse le film d’Hind Meddeb. On en ressort plutôt avec la conviction que, quand les peuples se mobilisent, ils ont la capacité de tout changer ! Après tout, avant d’obtenir le départ d’el-Bechir en 2019, les Soudanais s’étaient déjà révoltés en 2013 et 2016. Rien ne laisse donc penser qu’ils aient dit leur dernier mot !

Arthur Sylvestre