Après un plus de quarante jours de mobilisation et de grève, la direction de Vencorex a tenté d’obtenir la reprise du travail avec une proposition de prime supra-légale d’un montant de 40 000 euros. La signature de l’accord proposé à l’inter-syndicale implique la reprise de la production des tolonates et du sel mais aussi la levée du piquet de grève et la réouverture de la vanne d’éthylène dont la fermeture depuis mi-octobre exerce une pression sur les entreprises de la chimie de l’est de la France.
Contre le chantage de la direction…
Par cette manœuvre, la direction cherche à solder à bon compte un conflit auquel elle s’était préparée depuis le début de l’année. En proposant des primes plus faibles qu’ailleurs, mais sans conditions d’ancienneté, elle tente de semer la division parmi les salariés. Pour les plus anciens, les 40 000 euros représentent une somme inférieure à celle qui a été obtenue par les grévistes de Dumarey-Powerglide mardi 19 novembre. La ficelle est grosse que de faire miroiter aux plus jeunes embauchés une somme qui représente autour d’une ou deux années de salaire.
Elle vise également à faire oublier qu’il sera difficile de retrouver un emploi dans le secteur de la chimie, qui prévoit 15 000 licenciements dans les trois prochaines années. Un délai de cinq mois avant de pouvoir être indemnisé par France Travail viendra en outre accélérer la disparition de l’indemnité. Enfin, les conditions posées permettent au patron de trouver un prétexte pour ne pas respecter ses engagements tout en faisant peser la responsabilité sur une partie des salariés. En plus de pousser à la résignation une partie des salariés, le patron tente de les utiliser comme moyen de pression contre ceux et celles qui voudraient maintenir le piquet de grève ; garder fermée la vanne d’éthylène ; poursuivre la grève en particulier dans les ateliers tolonates et au sel… Cette stratégie de la division est un poison dangereux pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses.
… miser sur la force collective de celles et ceux qui font tourner les entreprises et toute la société
Le chantage tenté par la direction survient dans une phase de la mobilisation où les grévistes disposent de certains atouts. La fermeture de l’éthylène commence à peser sur les chaînes d’approvisionnement, tandis que la saumure s’accumule à Hauterives. Le patron prétend que son offre est à prendre immédiatement, mais rien n’indique que le temps soit son avantage. Depuis qu’il a été nommé PDG de Vencorex en mars dernier, Jean-Luc Béal a eu le temps de préparer la fermeture. Aucune raison de céder à la pression de promesses qui ne sont même pas posées par écrit. Le rapport de force est à l’avantage des grévistes, c’est bien pour ça que le groupe commence à céder. Les grévistes doivent aussi pouvoir prendre le temps d’analyser la situation et de mesurer leurs forces. C’est à eux et elles de décider d’accepter ou non les propositions de la direction, et pour quel montant, à quelle date et dans quelles conditions. D’autant plus que si Béal est garanti d’avoir une place au chaud une fois le sale boulot terminé, les salariés n’ont rien d’assuré pour compenser l’investissement d’une vie de travail au service de la plateforme.
Mais surtout, la pression à la reprise intervient alors que des possibilités s’offrent aux grévistes pour renforcer leur lutte contre les licenciements. La poursuite de la grève, même menée par une partie des salariés, permettrait de se lier aux travailleurs et travailleuses d’autres sites visés par les licenciements. Des mobilisations se préparent ainsi chez Valeo, notamment sur le site de Saint-Quentin-Fallavier où 238 licenciements ont été annoncés mercredi 27 novembre. À Michelin, les grévistes refusent toujours les 35 000 euros de prime supra-légale et ont élu un comité de lutte pour étendre leur mobilisation. Des journées de grève sont prévues le 5 décembre dans la fonction publique – où les licenciements et suppressions d’emplois annoncés n’ont rien à envier au privé – et le 11 décembre à la SNCF où l’ouverture à la concurrence et la cession du fret – en fait la privatisation – menacent aussi des dizaines de milliers d’emplois. Dans la santé, des syndicats tentent de se saisir de ces journées pour appeler à la grève dans leurs services. Un réchauffement de la situation sociale qui pourrait donner à la journée du 12 décembre un caractère d’ensemble.
Avec 300 000 licenciements annoncés dans l’industrie, c’est une course de fond qui se joue. Les quarante jours de grève et de piquet ont permis de se faire connaître des Arkema, Framatome, Michelin, Auchan… De plus, la popularité acquise par les Vencorex permettrait d’organiser un soutien : collages, distributions de tracts et actions de visibilisation ; alimentation de la caisse de grève pour tenir même si le patron impose des payes à zéro… En combinant leurs forces, et en y ajoutant celle des nouveaux futurs licenciés et de Teleperformance, d’Arcelor-Mittal, de Stellantis ou du secteur public, les travailleurs et travailleuses pourraient bien parvenir à prendre l’avantage sur le patronat. Mais y parvenir impliquerait aussi une action consciente vers l’objectif de regrouper les salariés visés par les licenciements, avec des assemblées générales régulières, qui organisent le piquet, impliquent l’ensemble des grévistes et décident des objectifs et moyens de la lutte.
Correspondant