Nos vies valent plus que leurs profits

Les limites d’une « solution » comme la Scop : travailleurs licenciez-vous vous-mêmes !

Face aux fermetures de sites, le programme du Nouveau Front populaire propose de « Créer un droit de préemption pour permettre aux salariés de reprendre leur entreprise sous la forme d’une coopérative ; Accompagner les reprises des entreprises en Scop par les salariés ».

Une Scop est une société coopérative (ouvrière) de production ou société coopérative et participative. Certes, personne n’a émis sérieusement l’idée d’une Scop pour les sites de multinationales comme Stellantis ou Valeo, encore moins pour un fournisseur comme MA France. Penser qu’une usine puisse être « reprise par les travailleurs », alors qu’elle dépend des commandes de groupe internationaux et d’un marché mondial en pleine compétition, est une gageure. Surtout si la Scop est conçue comme une véritable solution et non comme un temps dans la lutte pour le maintien des emplois, comme l’avaient fait en 2003 les travailleurs de la Sadefa à Fumel, dans le Lot-et-Garonne. Mais ils disposaient d’un atout qui leur a permis de maintenir les emplois : le monopole d’une production nécessaire à la multinationale Caterpillar. Il a fallu quatre ans à Caterpillar pour trouver un autre fournisseur, et ce fut à nouveau la spirale repreneur-licenciements… La Scop envisagée comme « solution » n’en est certainement pas une !

Lors d’une précédente « vague » de fermetures, licenciements et suppressions de postes en 2012, la question des Scop s’était posée. Jean-Luc Mélenchon était allé soutenir le projet à Petroplus près de Rouen, en liquidation judiciaire. L’idée que l’entreprise puisse être reprise et gérée par ceux qui étaient menacés de licenciements avait de quoi plaire aux plus ardents utopistes d’un socialisme à la française, non pas dans un seul pays, mais dans une seule usine.

Mais, et c’est tout le problème de la Scop et plus largement de l’« actionnariat ouvrier » : pour que l’entreprise reste profitable, il faut trancher dans les effectifs et accroître les cadences… sans garantir réellement à terme le maintien même des emplois sauvés. Baptisés « actionnaires », les salariés n’auront plus qu’à s’en prendre à eux-mêmes en cas de naufrage.
L’exemple de SeaFrance (menacée de fermeture) est à cet égard significatif. En 2012, le Tribunal de commerce de Paris avait décidé qu’Eurotunnel reprendrait les trois navires de SeaFrance et qu’une Scop se chargerait de les faire tourner.

Ça commençait déjà mal puisque ne devaient être réembauchés que 500 marins et employés… sur les 880 que comptait la compagnie en France. Certes, la décision juridique a pu constituer un soulagement pour bon nombre des salariés de l’entreprise qui espéraient garder leur emploi. Mais Eurotunnel, futur propriétaire des navires, avait déjà donné ses conditions : la Scop, se devait d’être une entreprise comme les autres, assurant « des conditions de productivité équivalente à celle de la concurrence ».

Quant au directeur de la Scop, Jean-Michel Giguet, il avait été juste avant directeur général de Brittany Ferries qui venait tout juste d’annoncer un plan de suppression de traversées et des réductions de coûts salariaux. Les salariés qui désiraient être réembauchés par la Scop chargée de reprendre l’activité SeaFrance se voyaient donc dans l’obligation « d’investir » dans celle-ci 5 000 € sur leurs indemnités de licenciements. La Scop devait louer les trois navires à Eurotunnel, et à ses conditions. De sorte que si la Scop coule, les salariés perdraient leurs indemnités de licenciements, les actionnaires d’Eurotunnel, eux, garderaient les navires, c’est-à-dire le capital. Tout un symbole.

26 septembre 2024, L.B.

 

 


 

 

Sommaire du dossier