Nos vies valent plus que leurs profits

Chez Volkswagen, un crépuscule de la « cogestion » ?

Des milliers de travailleurs manifestent lors de l’AG du groupe VW, le 4 septembre (Photo DPA)

L’annonce a fait l’effet d’une bombe : début septembre, Volkswagen, deuxième constructeur automobile mondial, a dénoncé un accord, datant de 1994 et qui assurait le maintien des 300 000 emplois du groupe en Allemagne, troqué contre une « modération salariale ».

Deux usines – non encore spécifiées – pourraient fermer entièrement et VW pourrait licencier jusqu’à 30 000 salariés en Allemagne. Depuis la crise sanitaire, la fameuse « modération salariale » est pourtant déjà bien effective : la stagnation des salaires est négociée avec les syndicats en pleine inflation. Les deux usines dans le viseur pourraient être celles de Zwickau – où le contrat de 1 000 salariés n’a d’ores-et-déjà pas été renouvelé – et Dresde, dans l’est du pays, déjà sinistré par le démantèlement industriel après la chute du mur…

« Modération » et « crise » bien unilatérales : en juillet, VW annonçait pour 2023 un bénéfice net de 17,9 milliards d’euros (+ 13 %) et un chiffre d’affaires record de 332,3 milliards (+ 15 %) !

Le (gros) arbre qui cache la forêt

La crise des grands donneurs d’ordre entraîne derrière elle les géants de la sous-traitance automobile allemande : 14 000 postes supprimés jusqu’en 2028 chez ZF Friedrichshafen, avec au moins deux fermetures d’usines, 1 000 chez Continental, après des milliers de départs prétendument « volontaires » l’an dernier, plus de 3 000 chez Bosch…

Et si les autres grands constructeurs allemands n’annoncent eux pas encore de chiffres concrets, BMW a emboîté le pas à VW en expliquant que des licenciements « économiques » n’étaient plus exclus. BMW et Mercedes avaient déjà supprimé des milliers d’emplois lors de la crise du Covid (respectivement 6 000 et 10 000).

Une hécatombe qui touche toute l’Europe

Les annonces du groupe Volkswagen – qui regroupe, entre autres, les marques Audi, Porsche, MAN et Skoda – pourraient avoir des répercussions bien au-delà de l’Allemagne. On en voit le premier exemple à Bruxelles, où 3 000 ouvriers d’Audi sont menacés de licenciement et luttent depuis des semaines contre la fermeture de leur usine.

En France, les suppressions de postes sont aussi des effets de cascade de la « crise » des grands donneurs d’ordres allemands.

Face aux annonces de VW, le puissant syndicat de la métallurgie IG Metall a déjà annoncé vouloir répondre par des grèves. Grèves qui pourraient par ailleurs être illégales, puisque la jurisprudence allemande estime que les grèves contre les fermetures d’usine sont… « politiques », et donc interdites !

Mais, si le patronat de l’auto réveille le géant endormi des presque 800 000 travailleurs de l’automobile allemands (bousculant leur syndicat, fidèle accompagnateur du dialogue social), l’offensive patronale pourrait bien provoquer un retour de flamme et embraser tout le paysage social du pays ! Le 4 septembre, 16 000 salariés de VW réclamaient la démission de la direction à l’occasion de l’assemblée générale du groupe à Wolfsburg. Un petit avant-goût ?

Dima Rüger

 

 


 

 

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