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Interview de Pauline, salariée du Planning familial de la Gironde, syndiquée à ASSO Solidaires

Comment avez-vous décidé et conduit votre grève puisque vous avez été en reconductible depuis le 7 mars ?

Pauline : Au planning de Gironde, on n’avait pas la culture de la lutte sociale. Quelques collègues et moi avons d’abord envoyé des infos par mail et convaincu 50 % des collègues de faire grève le 19 janvier. Dès la deuxième journée, on a été 100 %, grâce à un travail de fond et au soutien de notre structure, qui s’affirme anticapitaliste dans ses textes de congrès. Nous avons participé à toutes les grosses manifs, dans le cortège de l’AG féministe qui nous a aidé à faire le lien entre nos convictions et nos engagements féministes militants, et notre boulot professionnel. Sans affiliation syndicale à part moi, nous avons discuté dans le cadre des heures légales d’information syndicale.

Nous avons commencé à discuter de la reconductible deux semaines avant le 7 mars, en nous convainquant que tout le monde peut faire grève, pas seulement les gros secteurs.

On a profité de l’impulsion des deux grosses journées du 7 mars, puis du 8 pour décider de passer ensemble la journée du 9, discuter de comment on pouvait organiser une grève alors qu’on reçoit un public qui a besoin de nous et qu’on ne pouvait pas fermer le Planning sur le long terme. On a donc décidé de choisir nous-mêmes ce qu’on maintenait ou pas comme activité. Ce qui nous a permis de tenir longtemps… à 100 % de grévistes.

On a pu repenser notre travail, choisir les temps essentiels.

Qu’est-ce que vous a apporté la grève ?

Au Planning de Gironde, nous sommes onze salariées, dont la moitié de l’équipe à mi-temps ou temps partiel. Le mouvement nous a permis de poser collectivement, et non plus individuellement, la question des salaires, complètement liée à celle des retraites.

Nous avons tout décidé ensemble, pris en main notre lutte et pris conscience de ce dont nous étions capables par nous-mêmes, ce qu’aucun ni aucune membre de notre CA, notre employeur, ne nous croyait capables.

Quelles ont été les difficultés ?

On a fait durer la « love story » le plus longtemps possible mais il a fallu affronter directement nos patrons, qui ne nous ont plus apporté le même soutien. Mais pas question d’arrêter si c’était le CA qui sifflait la fin de la récré. On a donc continué un mois de plus, grâce à la générosité de toutes celles et de tous ceux qui ont donné à la caisse de grève. On a imposé à notre hiérarchie d’être prises au sérieux et depuis, nos rapports se sont améliorés. Nous discutons d’égales à égales, chacune dans son rôle.

Quels ont été vos rapports avec les autres secteurs du mouvement ?

Peu nombreuses, on était obligées de faire le lien avec d’autres. Cela n’a pas fait débat.

Dès le début, on s’est retrouvées dans les cortèges, en particulier celui de l’AG féministe, avec d’autres travailleurs et travailleuses, des syndicalistes, complètement intégrées au mouvement social.

Nous n’avons pas beaucoup participé aux blocages, aux actions de l’AG interpro. Tout notre temps était pris par le travail de conviction et l’organisation de notre propre grève. Les camarades de l’interpro sont venus à nos piquets de grève, des moments importants qui ont fait prendre conscience aux collègues qu’elles faisaient partie du monde ouvrier.

Par contre, nous sommes allées régulièrement sur les facs. On a aussi fait des actions avec les énergéticiens, tracté.

Je pense que notre grève a interpelé, par sa forme, adaptée à notre secteur, et qu’on a fait connaître le Planning comme secteur de travail. Je crois aussi qu’on a compté comme secteur de travail dans l’AG féministe.

En conclusion…

On a essayé de contrebalancer cette idée répandue dans l’extrême gauche qu’il faut d’abord concentrer nos forces sur des secteurs « porteurs », renforcer leurs piquets de grève. Je pense que la radicalité, c’est construire sa grève, s’auto-organiser. On a gagné un collectif de camarades fort, qui essaie maintenant de refaire du lien avec la structure, avec les salariés qui ont arrêté la grève plus tôt. Pour ne pas s’isoler, nous avons décidé collectivement d’arrêter la grève, sans considérer qu’on avait perdu. On fait grève ponctuellement pour participer aux actions. On continue à discuter, à s’organiser plus largement avec les salariés des autres plannings ou d’autres assocs, pour les prochaines luttes.

Propos recueillis par Christine Héraud