Du Congo Brazzaville aux études d’infirmières, parcours d’une combattante
Extraits d’un entretien avec Victoire, étudiante infirmière dans une grande ville française, arrivée en France du Congo Brazzaville en 2017 avec un visa étudiant désormais expiré. L’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui la menaçait a été levée récemment. En dernière année d’institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), elle raconte ses expériences pour trouver un stage, étape nécessaire à sa formation.
Comment s’est passé ton premier stage ?
Pour mon premier stage, l’Ifsi m’a envoyée en cardiologie. Alors que je n’avais aucune notion en cardio !
Pendant le stage, certains me disaient : « Toi, en fait, t’es en première année d’aide-soignante », alors que j’étais pourtant en première année d’infirmière. D’autres stagiaires, dans le même service que moi, ont pu aller voir comment se passaient les interventions chirurgicales. Moi, personne ne m’a laissé aller voir les interventions. J’étais livrée à moi-même.
Au niveau des papiers, de ta situation matérielle, où en es-tu ?
C’est stressant, le blocage a un effet sur la qualité de mon apprentissage. Financièrement, c’est chaud. J’ai demandé une bourse, mais, vu que je n’ai pas de titre de séjour, je n’ai pas pu l’avoir. J’étudie sous la pression. Et, quand on me demande de justifier mes papiers à l’école pour obtenir une bourse, ça me stresse encore plus.
Je suis isolée dans la classe. Tout le monde a son petit groupe, sauf moi. Je suis seule très souvent et quand je travaille en groupe, on ne me laisse pas toujours la parole, ou on me fait comprendre que ce que je dis n’est pas intéressant.
Pour mon dernier stage, ça a été compliqué aussi. L’Ifsi voulait m’envoyer à une quarantaine de kilomètres du lieu de la formation. J’ai dû par conséquent chercher un stage par moi-même. Avec Amélie, une amie qui vient d’être diplômée, on a passé tout un après-midi à appeler des Ehpad et des cabinets libéraux. Quand c’est Amélie qui laissait les messages et présentait ma demande, on la rappelait, mais moi je n’ai jamais été rappelée. Chercher un stage avec une Française, cela augmente les chances de trouver. Finalement, j’ai trouvé un stage après avoir envoyé mon CV par mail : comme quoi mon expérience est appréciée… sauf quand on entend mon accent étranger.
Un témoignage des ateliers de maintenance ferroviaire
Au travail, les travailleurs sont de toutes origines (Europe de l’Est, Afghanistan, Afrique) et ce brassage se renforce avec la précarisation des contrats de travail. Parfois, il y a des affinités en fonction des origines. Mais souvent, dans le boulot et les tâches les plus pénibles, les travailleurs s’entraident. Peu importent les origines, pour réaliser la production et surtout pour rendre le travail moins pénible. Bien sûr, le poison des idées racistes ne s’arrête pas à la porte de l’usine et j’ai pu entendre des trucs dégueulasses. Mais on est souvent surpris de voir ces mêmes collègues donner un coup de pouce à un collègue étranger récemment arrivé, voire le défendre face à un chef.
Correspondants
Cet article est paru dans un dossier de Révolutionnaires no 21.