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Repreneur privé ou public : les vraies fausses solutions à la française

François Hollande à ArcelorMittal… L’air peu convaincu d’Édouard Martin

Une partie de la gauche nous parle de « réindustrialisation », de sauvegarde de l’outil industriel, de promulguer des lois en votant pour les bons députés… En 2014, c’était bien le but de la « loi Florange », votée pour « redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel », dans un contexte d’arrêt des hauts fourneaux du site de Florange en Moselle. En 2013, alors que Hollande s’était engagé dans sa campagne à « sauver Florange », l’État avait refusé de nationaliser le site, c’était la lutte des ouvriers d’ArcelorMittal derrière Édouard Martin, qui avait alors lancé devant les caméras : « Putain, traîtres ! ».

La Loi Florange en 2014 ou l’obligation de chercher un repreneur pour sauver l’industrie

Promulguée le 29 mars 2014, la loi comprend un premier volet qui contraint toute entreprise qui envisage de fermer un établissement de plus 1 000 salariés et de procéder à un licenciement collectif, à passer d’abord par la recherche d’un « repreneur ». À Valeo Saint-Quentin-Fallavier (38) par exemple, alors que le mot « fermeture » n’a toujours pas été prononcé par la direction, celle-ci se vante d’en chercher déjà un.

D’abord le « repreneur » n’a aucune obligation, et certainement pas de reprendre les salariés. Sa tâche, le plus souvent, est de sous-traiter les licenciements, voire la fermeture. Ça avait été le cas du groupe Titan, candidat à la reprise de Goodyear-Amiens en 2009 menacé de fermeture : fin 2010, il propose de ne reprendre que 550 emplois sur 1350. Les 820 licenciements prévus sont transformés en départs volontaires. C’est alors que la lutte reprend de plus belle et se solde par la fermeture définitive du site et à la condamnation de ceux qui s’étaient battus contre. Combien aujourd’hui de vautours comme Titan ou Mutares tournent autour des entreprises menacées ?

Nationaliser les sites et entreprises qui ferment ?

Reste cet argument de la nationalisation. Ne nous faisons aucune illusion : quand l’État intervient pour nationaliser (totalement, partiellement ou momentanément) c’est seulement pour nationaliser les pertes, restructurer et prendre en charge lui-même les licenciements.

En décembre 2012, Hollande, qui avait quelques mois plus tôt, avant son élection, promis de sauver Florange, déclarait : « On aurait nationalisé, on aurait dû fermer nous-mêmes ». Ce qu’avait justifié le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dans une interview : « L’histoire de la mine, de l’acier, de la sidérurgie s’est soldée par des dizaines de milliers d’emplois supprimés, y compris quand la sidérurgie était nationalisée. » Et il ajoutait : « 75 000 emplois […] supprimés en vingt ans dans la sidérurgie. »1

Ce que nous expliquait Ayrault confirme bien que l’État reste au service du patronat et se comporte comme n’importe quel capitaliste privé, à ceci près que toutes les restructurations se feront aux frais du contribuable. Les nationalisations effectuées jadis par Mitterrand ont été une pompe à fric pour renflouer les entreprises, effacer les dettes de De Wendel et des patrons de l’acier, avant de les refourguer, bien rentables, au privé.

C’est encore ce qu’Arnauld Montebourg expliquait en 2016 à un ouvrier de PSA Poissy (Jean-Pierre. Mercier) à propos de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay (il était à l’époque ministre du « Redressement productif ») : « L’État est entré dans le capital. Nous n’avons pas pu sauver Aulnay mais nous avons sauvé Peugeot. » En clair : on n’a pas sauvé les ouvriers, on a sauvé ceux qui les exploitent et les licencient.

23 septembre 2024, Léo Baserli

 

 

1  Interview, Jean-Marc Ayrault : « J’assume et je ne mens pas aux Français », Le Journal Du Dimanche, 8 décembre 2012

 

 


 

 

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