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Accord Rwanda-RDC sous la houlette de Trump : derrière un semblant de paix, les mines

 

 

Vendredi 27 juin à Washington, sous la houlette de Trump, la république démocratique du Congo et le Rwanda ont signé un accord de paix sensé mettre fin au conflit qui sévit au nord-est de la RDC (république démocratique du Congo) depuis une trentaine d’années. Aussitôt salué par Macron comme « un pas en avant historique après des décennies de souffrance » : il fallait bien que le président français ait l’air d’être dans le coup, même si le maitre de la Maison-Blanche n’a pas coutume de lui rendre la pareille, lui qui trouve plutôt que « volontairement ou pas, Emmanuel ne comprend jamais rien ».

Pour comprendre, il ne faut jamais trop prendre la Maison-Blanche au pied de la lettre.

Un accord signé sans les belligérants, qui n’arrête pas la guerre

En ce qui concerne l’accord de paix lui-même, toute le presse souligne qu’il faudrait d’abord qu’il soit respecté sur le terrain. Trump y a obtenu la signature des gouvernements de Kigali et de Kinshasa. Mais le M23, ces milices qui contrôlent une grande partie de cette région est de la RDC, appuyées par le Rwanda, n’était pas convié à la table des négociations (le Qatar serait censé se charger de le convaincre), ni l’autre force armée qui sévit dans la région, les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), les milices anciennement créées par les génocidaires hutus qui ont dû fuir le Rwanda après le génocide de 1994, et qui ont eu à plusieurs reprises le soutien du gouvernement de la RDC. L’une et l’autre vivent et prospèrent de l’exploitation des richesses de la région.

Cobalt, Coltan, terres rares… le « butin de paix » visé par Trump

Mais bien plus que la paix, ce sont les richesses minières de cette région du Kivu en proie à la guerre, et plus largement celles du Rwanda et de la république démocratique du Congo qui expliquent l’intérêt des États-Unis pour la région. Et même l’intérêt particulier d’un Trump, qui se plaisait jusque-là à dire que l’Amérique se suffisait à elle-même et que le Congo n’était bon qu’à lui envoyer ses repris de justice émigrer aux États-Unis : démagogie nationaliste et raciste exige. Car la région est particulièrement riche en minerais, considérés comme rares, mais aujourd’hui indispensables à toute l’industrie électronique.

La RDC est le premier producteur mondial de cobalt, dont la Chine est pour l’instant le premier exploitant et client du pays. Elle détient 60 % des réserves connues de coltan. Or, tungstène, coltan, étain, cuivre, lithium foisonnent aussi dans le sous-sol du Rwanda.

Promesses d’investissements pour le pillage en Afrique

De premières négociations entre les États-Unis et la RDC avaient eu lieu en février dernier, où le président congolais Tshisekedi invitait les États-Unis à « acheter directement chez nous, les véritables propriétaires » les ressources minières de la région du Kivu que les compagnies américaines achetaient de fait par le biais du Rwanda ; car, extraits dans les mines sous contrôle des milices du M23, c’est par ce pays que transitaient les minerais. Et le président congolais incitait les capitaux américains à venir s’investir dans son pays.

Dans le cadre de la signature par l’accord, le président congolais a promis, en même temps qu’il signait l’accord de paix, d’ouvrir aux entreprises américaines une participation directe à l’exploitation des mines de la région du Kivu (si tant est qu’il en reprenne le contrôle). Même ouverture du côté du Rwanda et promesse américaine d’y investir dans les exploitations minières de ce pays jusque-là sous-équipées, pour le plus grand profit des trusts américains et quelques retombées pour les gouvernants au pouvoir à Kigali.

Minerais de sang

Fin 2024, la république démocratique du Congo avait fait un procès à Apple pour l’utilisation de minerais extraits de façon illégale dans la province congolaise du Kivu sous contrôle des milices du M23, puis transitant par le Rwanda. Simple façon pour le gouvernement congolais de défendre ses propres royalties. L’accord marchandé entre Rwanda et RDC dans les salons de la Maison-Blanche y changera-t-il quelque chose ? C’est leur affaire. Mais, indépendamment même de la guerre au Kivu à laquelle l’accord du 27 juin a en réalité peu de chance de mettre fin, sur le plan des conditions d’exploitation des mineurs, une bonne partie travaillant à la pelle et la pioche dans des exploitations artisanales, sans aucune sécurité et une rémunération de misère, il n’y a souvent pas grande différence entre ces mines du Kivu sous contrôle d’une milice armée et celles du reste de la RDC ou du Rwanda sur le plan des conditions de travail, des accidents, de l’exploitation des enfants dans les mines et des maladies provoquées par l’exposition sans protection aux métaux lourds. Ces métaux qui font le bonheur d’Apple et autres champion de l’électronique, et le nouvel attrait de l’Afrique pour un Trump et ses semblables.

Olivier Belin