31 morts, 180 blessés dans le sud de la bande de Gaza, dimanche matin 1er juin, quand l’armée israélienne a tiré sur la foule venue dès l’aube vers un centre de distribution de vivres installé dans la banlieue de Rafah ; 27 tués, des dizaines de blessés à nouveau mardi 2 juin, devant un autre centre d’aide alimentaire, mis en place par le même organisme.
Une fondation prétendue « humanitaire » à la botte de l’armée
L’installation de ces centres de distribution elle-même est une opération sous haut contrôle militaire. C’est à une société privée américaine, GHF (Fondation humanitaire pour Gaza), qu’Israël, qui affame la population de Gaza en bloquant la frontière depuis début mars, a fait appel pour donner le change par la distribution de quelques vivres. Cette GHF, qui a commencé ses premières distributions de vivres il y a une semaine, a été créée de toute pièce avec l’appui de l’administration Trump ; elle a ses propres gardes armés, embauchés par une compagnie de sécurité privée américaine (Safe Reach Solutions), elle entoure les centres qu’elle installe de hautes barrières grillagées pour canaliser ceux qui viennent chercher quelques vivres et que flashent les caméras d’un système de reconnaissance faciale. Et l’armée israélienne, qui est positionnée aux abords pour surveiller la distribution, a tiré sur la foule.
Toutes les organisations humanitaires qui agissent à Gaza ont dénoncé l’installation de cette GHF comme « une couverture humanitaire pour cacher une stratégie militaire et contrôler la spoliation ». Ses distributions de vivre ne sont prévues que dans des zones prédéfinies par l’armée israélienne, servant de plus à forcer le déplacement de la population vers ces zones, au gré des ordres d’évacuation lancés par Tsahal. Même l’ONU le dénonce, dont le chef du Bureau de coordination des aides déclare que « le message envoyé par la mise en place de ces centres militarisés semble être que, à Gaza, la survie est un privilège, accordé uniquement à ceux qui se conforment à un plan militaire ».
Si le massacre de dimanche matin qui en a fait éclater le scandale, récidivé deux jours plus tard, ce fut dès la première distribution effectuée par ce GHF, mardi 27 mai, que déjà une personne avait été tuée et 47 blessées : des « tirs de sommation » avait prétendu l’armée !
Tirer dans un ghetto sur des foules affamées a de quoi réveiller des souvenirs et une révolte
Accusé dans le monde entier d’affamer les habitants de Gaza, après avoir détruit plus des trois quarts des habitations et fait plus de 54 000 morts, Netanyahou n’a accepté de faire entrer dans le territoire quelques camions d’aide alimentaire que pour se dédouaner. Alors que, depuis quelques semaines, c’est y compris en Israël même que se sont multipliées des manifestations contre la guerre et que des réservistes, bien plus nombreux qu’avant, refusent de se faire mobiliser.
Ces manifestations, même si elles restent encore trop limitées, ne sont plus seulement celles d’il y a quelques mois où, à part d’infimes minorités qui n’arrivaient pas à se faire entendre, les manifestants se limitaient surtout à demander la trêve pour sauver les otages. Dans les derniers rassemblements, on a vu des manifestants brandir des photos d’enfants de Gaza tués, au point que le gouvernement a décrété qu’il serait désormais interdit de les montrer en public. On y a vu des pancartes en hébreu et en arabe proclamant « la vie des Palestiniens nous importe » et explicitement les mots « non au génocide à Gaza », ce terme que Macron et son gouvernement, tout en prenant leurs distances vis-à-vis des dernières escalades de Netanyahou, voudraient interdire ici.
Voir aujourd’hui un ghetto affamé où on tire sur une foule qui vient chercher un peu de nourriture, devrait bien réveiller dans la population israélienne les souvenirs d’autres ghettos, d’un autre génocide, celui que lui ressassent ses propres gouvernants comme un prétexte à leur politique d’oppression, celui au nom duquel les dirigeants sionistes ont bâti, avec l’aide des grandes puissances, Israël sur le dos d’un autre peuple. C’est ce que savent et cherchent à faire comprendre autour d’eux ces Israéliens, pour l’instant encore trop peu nombreux, certes, qui manifestent contre le génocide à Gaza. Et que nos manifestations ici doivent contribuer à encourager et renforcer.
Olivier Belin