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Hongrie : Orbán passe sa réforme malgré les grèves de professeurs

En mai, nous écrivions sur la réforme du statut des professeurs prévue par le gouvernement d’extrême droite d’Orbán en Hongrie. Le mercredi 3 juillet, cette réforme a été finalement votée. Flexibilisation et allongement du temps de travail, changement vers un statut non soumis au Code du travail, soumission à des fouilles des téléphones et portables des professeurs. Et, pour finir, une interdiction de critiquer l’institution (comme c’est le cas, théoriquement… en France), des rémunérations liées à des tâches supplémentaires (honte aux collègues français qui feraient le parallèle facile avec la mise en place du Pacte en France…), et des entraves au droit de grève. L’aboutissement d’une longue évolution : depuis plusieurs années, le ministère de l’Éducation n’existe plus ; l’enseignement est soumis au ministère… de l’Intérieur. Tout un programme !

Les professeurs n’avaient pas attendu les annonces de cette réforme pour se mobiliser : payés entre 500 et 1 000 euros et soumis à des pressions de plus en plus fortes sur la liberté pédagogique, ils avaient manifesté dès la fin de l’année 2022. Avec les annonces qui se précisaient, des manifestations importantes et des grèves épisodiques, rejointes par des étudiants et d’autres jeunes, se sont succédées. Au-delà de l’opposition à la réforme, ils revendiquaient un retour à la liberté d’enseignement, une augmentation de 50 % (l’inflation frôle les 25 % !), et un rétablissement total du droit de grève.

Face à la mobilisation de profs et des étudiants, le gouvernement a dû faire quelques concessions, qui ne changent rien à l’attaque frontale qu’est la réforme. Déjà, il y a quelques mois, le gouvernement était revenu sur l’allongement du délai de préavis à six mois, qui aurait de fait forcé des professeurs démissionnaires à finir l’année scolaire. Quelques autres assouplissements se sont retrouvés dans la loi finale : les contrôles de matériel électronique ne pourront concerner uniquement ceux fournis par l’école, les proviseurs ne seront pas unilatéralement nommés par l’État et la réduction des jours de congés de 46 à 35 a été abandonnée. Mais, a contrario, au lieu d’un allongement des horaires maximaux à 12 heures par jour et 48 heures par semaine, la réforme finale ne prévoit… aucune limitation ! Cerise sur le gâteau : Orbán a annoncé publiquement qu’une augmentation des salaires de 50 %, voire 75 %, était bien prévue… une fois que l’Union européenne débloquerait les 30 milliards d’euros de subventions gelés pour cause de non-respect de l’état de droit. Les profs mobilisés seront heureux de savoir qu’à défaut d’être augmentés, ils serviront au moins de pions dans la démagogie anti-UE d’Orbán !

Une nouvelle manifestation contre la réforme avait encore réuni plusieurs milliers de professeurs et d’étudiants le 16 juin. Mais, notamment parmi les professeurs les plus mobilisés, c’est une certaine démoralisation qui prévaut, face à des concessions minimales qui n’enlèvent rien au caractère fondamental de la réforme. Une démoralisation qui se reflète dans la menace de 5 000 professeurs de démissionner dès l’application de la réforme, le 1er janvier 2024. Menace qui, mise en application, pourrait bien mettre à bas un système déjà très fragile. Quoi qu’il en soit, la « révolution conservatrice » de Viktor Orbán s’attaque à chaque secteur, un à un. Espérons qu’il ne tardera pas à tomber sur un nouvel os…

Dima Rüger, 8 juillet 2023