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Retour sur le premier congrès international des travailleuses et travailleurs de plateformes aux États-Unis

Ce texte est la traduction d’extraits d’un article écrit par Juan Pablo Pardo, membre de la coordination internationale du congrès des travailleurs de plateformes et du SiTraRepa (Syndicat des livreurs d’Argentine).

 


Note de la rédaction : Depuis 2020, en pleine pandémie, des livreurs se sont organisés pour créer un syndicat national des travailleurs des plateformes dans ce pays. Aujourd’hui, il compte des milliers d’adhérents et réclame auprès de l’État argentin sa reconnaissance légale, alors que le ministère du Travail refuse de reconnaître que les livreurs sont des travailleurs.


 

Du 24 au 27 avril 2023 en Californie, aux États-Unis, s’est tenu le premier congrès international des travailleuses et travailleurs des plateformes. Les entreprises de travail sur plateforme, qu’il s’agisse de Pedidos Ya ou Rappi en Argentine, d’Uber, Lyft, Deliveroo, Just Eat ou de bien d’autres dans le monde, fonctionnent de la même manière. Leur modèle d’entreprise repose sur trois principes : la négation de la relation de travail, d’où découle l’absence totale de droits pour les travailleurs et travailleuses et, enfin, la démesure des politiques antisyndicales menées dans ces entreprises. Aujourd’hui, elles sont le fer de lance de l’avancée du capitalisme du 21e siècle qui s’attaque aux droits gagnés par les travailleuses et travailleurs au cours des deux cent dernières années.

Ces quatre jours de débats, d’actions de lutte et de bilan ont fait avancer la coordination et l’organisation internationale de ce nouveau secteur de travail, en regroupant des camarades de 17 pays, de 3 continents différents. Le congrès a été organisé au siège du California Gig Workers Union et du SEIU 721 (syndicat des employés du service public du Sud de la Californie), qui ont été rejoints par des délégations de l’Amazon Labor Union, du Starbucks Workers Union, des travailleuses et travailleurs de McDonald’s, d’Amazon Flex, de Peet’s Coffee, quelques-unes des expressions du renouveau du syndicalisme aux États-Unis.

La délégation de SiTraRepA n’était pas la seule délégation d’Amérique latine : d’autres délégations sont venues du Brésil, d’Équateur, du Mexique, de Colombie et du Paraguay. Des délégations européennes étaient également présentes et ont participé, d’Italie, d’Allemagne, du Danemark, de Belgique, de Suède et d’Espagne. Des camarades des Philippines, du Népal, de Hong Kong et de Taïwan étaient également présents.

Un congrès riche en débats et en actions

Les débats ont été organisés autour de quatre ateliers couvrant les différentes problématiques des travailleuses et des travailleurs des plateformes dans le monde. Le premier atelier a traité des conditions de travail, qui sont les mêmes partout dans le monde. Le deuxième a abordé la nouvelle vague de syndicalisme qui se développe à l’échelle internationale parmis les travailleurs et les travailleuses des plateformes, mais aussi dans d’autres secteurs, comme l’Amazon Labor Union et de Starbucks Workers United. Le troisième a abordé les différentes réglementations légales existantes et en cours de discussion dans le secteur. Le dernier groupe a réfléchi à la manière de renforcer l’organisation internationale des travailleuses et travailleurs des plateformes.

Par ailleurs, des actions de rue ont marqué le déroulement du congrès, notamment une manifestation devant le palais de justice de Californie pour soutenir l’appel à la Cour suprême contre la scandaleuse proposition de loi 22, impulsée par Uber et d’autres entreprises du même genre, et mise en place depuis 2021. Il s’agit d’une loi réactionnaire et antisyndicale, car elle permet aux entreprises de classer les chauffeuses et chauffeurs de livraison dans la catégorie des entrepreneurs indépendants et donc les empêche de se syndiquer. Le lendemain, une manifestation a été organisée devant le consulat argentin avec des délégations du monde entier pour soutenir la demande de reconnaissance de SiTraRepA. Le troisième jour a commencé par une manifestation des travailleurs et travailleuses à l’aéroport de San Francisco, sur le parking où les chauffeurs attendent leurs courses. L’action de clôture du congrès a été une caravane qui a bloqué les rues devant le siège d’Uber, l’entreprise emblématique de ce modèle de précarité. Sur place, une conférence de presse s’est tenue dans laquelle ont été exprimées les principales revendications des congressistes, et c’est l’intervention d’Emilse Icandri de SiTraRepA qui a clôturé la journée.

Des perspectives enthousiasmantes

L’assemblée des travailleurs du congrès a pris plusieurs résolutions importantes. Tout d’abord, une déclaration de principes a été rédigée. Elle dénonce tous les principaux problèmes des travailleuses et travailleurs des plateformes du monde et propose une manière de lutter pour y faire face.

En même temps, un plan d’action a été voté. Il consistera en la coordination et au déploiement simultané d’actions au niveau international. L’objectif est de montrer la force de ce mouvement de travailleuses et travailleurs dans le monde entier. Enfin, la mise en place d’une coordination internationale a été adoptée, qui aura notamment pour tâche d’organiser une prochaine rencontre en 2024, avec l’objectif qu’elle soit encore plus fournie en termes de délégations internationales.

Le débat est allé au-delà des simples frontières syndicales. Il a intégré un ensemble de définitions de classe bien plus claires : la reconnaissance de l’identité des travailleurs et travailleuses des plateformes en tant que tel, l’absence de bénéfice mutuel avec les entreprises et le fait que le seul moyen d’obtenir nos droits est de renforcer la syndicalisation et l’auto-organisation. Cette rencontre fut une véritable école de lutte, avec des échanges instructifs entre collègues militants et organisations du secteur venus de 17 pays. La réunion a ouvert un espace de débat, un agenda de travail et a généré beaucoup d’enthousiasme pour la construction de cette coordination internationale, dont la perspective va au-delà du syndicalisme. Elle n’est pas seulement revendicative, elle porte une projection internationaliste, de classe et profondément anticapitaliste. Le SiTraRepA est extrêmement fier d’avoir œuvré à la mise en place de ce congrès et repart plein d’énergie pour tout le travail qui se profile à l’horizon. La perspective de la lutte est immense. Grâce à l’organisation et au combat de la base, il est possible de construire un mouvement mondial qui défendra tous les droits des travailleurs et travailleuses des plateformes. Cette lutte est internationale, c’est pourquoi, comme cela a été dit dans ce congrès : travailleurs et travailleuses des plateformes du monde entier, unissons-nous !