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Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire : le laboratoire du réseau d’Amiens

Chronique d’une PME locale qui a le vent en poupe

L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs est en train de se mettre en place partout en France. Bonne nouvelle ? Pas sûr. Mais le mieux est encore d’avoir l’avis des artisans de ce projet, à commencer par ceux du réseau ferroviaire d’Amiens, actuellement au cœur de cette mutation.

Pour le directeur régional de la SNCF, les choses sont claires : « Il y a là une véritable opportunité à saisir », tout en précisant « le cadre social qui s’applique aux 150 000 agents SNCF ne peut pas se transposer dans une PME de 400 salariés. » Oui, car en France, les petites et moyennes entreprises vont de 1 à… 499 salariés !

Les statuts de cette fameuse PME « SNCF Étoile d’Amiens », qui a remporté le marché, existent depuis 2018. Un sacré sens de l’anticipation patronale ! Le flair de l’entrepreneur sans doute. Ou plutôt le fait que, de l’aveu même du directeur régional, la SNCF a créé depuis 2018 de nombreuses entreprises de ce type, dans la foulée de la défaite de la grève de la même année. Autant de « coquilles vides » qu’elle compte remplir au gré des victoires lors des appels d’offres qui ont lieu partout en France.

Le patron de notre petite PME locale, visiblement à peine plus grosse que la boulangerie de la gare, c’est M. Ramackers. Un « self-made man » ? Pas exactement. Plutôt l’ex-directeur de plusieurs ateliers de maintenance SNCF sur la région ces dernières années, dans lesquels il a conduit de multiples réorganisations à marche forcée, toujours sur le dos des cheminots.

Les conditions de travail dans cette PME ? Bah… on n’en sait rien ! Forcément, elle n’existe pas encore ! Ce « cadre social » devra être établi à l’issue des élections professionnelles qui y seront organisées une fois le transfert des collègues effectué, et les collèges électoraux constitués. En attendant, pendant 18 mois, les cheminots ont droit au fameux « sac à dos social » censé leur garantir le maintien de beaucoup de choses, à commencer par la « garantie du maintien du salaire net ». Sauf que… le salaire net garanti est celui de la moyenne de la dernière année avant le transfert. Une moyenne qui peut être inférieure de plusieurs dizaines voire centaines d’euros au dernier salaire perçu. Comment ? Notamment en cas d’arrêts maladie, de grèves, d’augmentations liées à l’ancienneté ou de congés parentaux.

« Sur tout cela, je vous avoue que je n’en sais rien, je vais me renseigner » indique notre bon vieux directeur régional. Le flair de l’entrepreneur a ses limites. N’est pas le loup de Wall Street qui veut !

Quant aux conditions de travail réelles, le pire est à craindre. En effet, histoire de voir, un type de la PME s’est amusé à faire des projections de journées de travail-type pour les roulants. Résultat : une journée sur trois avec des coupures ! Le gars s’est même vanté de « faire 20 % moins cher que la société historique », à savoir la SNCF tout court. C’est sans doute sur ce genre de base que Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, avait dégainé son tweet sur la victoire de la SNCF à l’appel d’offres qui promettait « de faire aussi bien avec moins de moyens » ! « Non, mais ces journées types ne sont que des exemples, rien n’est définitif » s’exclame, affolé, notre directeur régional de l’entreprise (pré)historique.

On vous résume : la SNCF, multinationale aux 1200 filiales dans le monde, a créé depuis 2018 des tas de PME partout en France. Autant de nouvelles filiales de droit privé pour y faire embaucher son propre personnel dans les années à venir. Des PME, à la limite de la start-up du futur, sans aucune réglementation du travail déjà constituée. Oui, car ce sont surtout les conditions de travail qui sont dans le futur. Sur cette base, des volontaires y sont transférés et signent ce que le dictionnaire Larousse ne pourrait définir autrement que « un chèque en blanc au patronat ». Mais pourquoi ces bougres sont-ils volontaires alors ? Ah oui ! Car sinon ils risquent de se faire licencier. Et comme beaucoup d’entre eux ou parmi leur famille ont déjà traversé la rue de nombreuses fois et qu’ils n’ont rien trouvé d’autre que des agences d’intérim, les voilà volontaires à… garder leur travail !

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