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Accord de libre échange Union européenne-Nouvelle-Zélande : la férocité des marchés

Après quatre ans de discussions en Commission européenne, le Parlement européen a ratifié, fin novembre 2023, ce traité de libre-échange qui prendra effet au printemps. L’accord signé doit permettre de faire sauter toutes les entraves au commerce entre les deux entités pour faire croître le volume des échanges (+30 % à terme) et ouvrir de nouveaux marchés. Ainsi, en même temps que l’Europe se hérisse de barrières contre les migrants, les frais de douane disparaissent pour fluidifier importations et exportations. Cet accord commercial, qui s’inscrit dans la doctrine du commerce mondialisé, est vu par Ursula von der Leyen comme un succès politique et idéologique, plus que d’intérêt commercial…

Si les importations néo-zélandaises sont déjà très présentes sur le territoire européen, il s’agit en effet d’y ajouter à vil prix, rien moins que : 38 000 tonnes d’ovins (2 millions de carcasses), 10 000 tonnes de bovins (20 000 carcasses), 15 000 tonnes de lait en poudre, 15 000 tonnes de beurre, 25 000 tonnes de fromage, des oignons, du miel, des kiwis, etc. Inutile de préciser que tous les agriculteurs investis dans ces filières ne perçoivent pas vraiment la chose comme un cadeau. L’application de ces quotas de produits indique bien que le plan initial de libéralisation commerciale totale devait être pondéré, au moins un temps.
L’accord fait miroiter des bénéfices à venir pour les exportations européennes en matière d’aut
omobiles, de produits industriels et de services. Pour arracher le vote des députés en faveur du texte et afficher un contenu un peu écolo, il a été décidé un vaste programme de recherches conjointes sur le climat, la neutralité carbone, les énergies renouvelables ou durables, l’agriculture de précision, l’innovation industrielle, etc.

L’agneau néo-zélandais, une arme de destruction massive

Le cas du mouton importé est emblématique, symptomatique du déséquilibre des échanges.
Mais comment la Nouvelle-Zélande fait-elle pour exporter autant de moutons ?

D’abord, les Néo-Zélandais se sont spécialisés et ce sont de bons éleveurs. Alors que la population est de 5,2 millions d’habitants, 25 millions de moutons sont élevés, soit 5 moutons par habitant, alors que la France, avec 67 millions d’habitants, n’en élève qu’un peu plus de 5 millions. L’atout maître de la réussite de l’élevage néo-zélandais se trouve dans le climat. Les vertes collines où paissent les troupeaux (dont la taille moyenne est de 2 000 brebis et davantage) ne gèlent pas et l’herbe y pousse à peu près toute l’année, un peu comme en Irlande, sans engrais, en extensif. C’est un avantage considérable, alors qu’en Europe les hivers sont longs, obligeant aux fourrages, à la mécanisation de récolte, au séjour en bâtiments, tout cela induisant des charges élevées. Il faut ajouter que l’élevage néo-zélandais ne connaît pas la prédation : il n’y a ni loup, ni ours, ni dingo (comme en Australie)…

Initialement, le mérinos néo-zélandais était produit pour sa laine, abondante et de bonne qualité. Sa viande était un sous-produit mal valorisé. Les choses ont changé, la viande est maintenant un co-produit. Cette évolution s’est faite au fur et à mesure de l’ouverture des marchés et l’Europe est devenue leur premier partenaire commercial. Cet agneau est vendu au détail sur le vieux continent à moins de 9 euros le kilogramme, quand le prix d’un agneau français se situe autour de 22 euros le kilo.

L’agneau réfrigéré de longue distance

Comment est-il possible de vendre une viande fraîche (non congelée) alors qu’elle a fait un voyage en bateau de plusieurs mois sur 18 000 kilomètres ? L’industrie agroalimentaire a mis au point un système permettant cette performance. Le chilled (glacé) consiste à mettre la viande dans un sac ou une caisse étanche, d’en extirper l’oxygène, de le remplacer par du dioxyde de carbone et de mettre le tout à 0 °C pour la durée du voyage.

L’agneau qui voyage, l’aberration écologique

Des agneaux qui passent en bateau d’un hémisphère à l’autre, tout en étant réfrigérés, c’est catastrophique en matière d’émission de gaz à effet de serre. La neutralité carbone en prend un sacré coup.

L’agneau « local » participe à l’entretien de territoires de nature souvent ingrate. Il vit dans des parcelles de prairies qui stockent le carbone (une tonne de CO2 par hectare et par an). Son bilan carbone est donc forcément meilleur que celui du mérinos néo-zélandais qui traverse la planète en cargo.

L’agriculture mondialisée au service de l’agrobusiness contre les intérêts des populations

La mondialisation actuelle, en émiettant les chaînes de production, conduit à une explosion du transport mondial dont les conséquences écologiques sont dramatiques. Mais, dans le cas de l’agriculture, c’est à tout point de vue qu’elle représente une aberration. Des producteurs des pays exportateurs comme ceux des pays importateurs en sont victimes et fournissent la matière première à l’industrie agro-alimentaire qui capte la plus-value, au prétexte de la transformation du produit, de son transport et de sa distribution.

Dans les pays les plus pauvres, la nécessité de monétiser la production, ne serait-ce que pour payer l’impôt, contraint les paysans à produire ce que les grands groupes de l’agrobusiness leur attribuent dans la production mondialisée, au détriment des cultures vivrières. Et ils doivent racheter au prix fort ce qu’ils auraient pu produire eux-mêmes. On le voit en ce moment avec l’explosion de leurs manifestations, les agriculteurs des pays plus riches qui se trouvent tout en bas de l’échelle sont aussi victimes des mécanismes des échanges.

De ce point de vue, les accords négociés actuellement avec le Mercosur, le Chili et le Canada sont loin de mettre en place des échanges commerciaux respectant les intérêts des agriculteurs, les droits des travailleurs, la planète, loin d’être les échanges plus fraternels et solidaires qui seraient nécessaires mais sont impossibles dans le système capitaliste.

Marty Leterrien