Des peines de prison ferme se sont abattues sur des militants antifascistes, quelques semaines après des raids policiers sur les domiciles de militants écolos, très médiatisés.
Jusqu’à cinq ans ferme…
Les 30 et 31 mai, le verdict est tombé après plus d’un an et demi de procès. La militante antifasciste Lina E. est condamnée à cinq ans de prison ferme, trois autres accusés à des peines de prison ferme plus courtes. Ils sont accusés d’avoir organisé des attaques physiques sur des militants d’extrême droite en Allemagne de l’Est, où des groupes néo-nazis ont pignon sur rue dans de nombreux endroits. Leurs peines sévères ont d’autant plus choqué que le contraste est flagrant avec le traitement de violences d’extrême droite, révélatrices bien souvent d’une aide de « collaborateurs » des services de renseignements. Mais là, des preuves sont « perdues » et des enquêtes traînent. De plus, les condamnations reposent sur des preuves fragiles, selon la presse bourgeoise elle-même : les appels sur écoute mal interprétés, les alibis ignorés, les contradictions dans les témoignages des « victimes » d’extrême droite et les indices largement ouverts à l’interprétation des juges se sont accumulés pendant le procès.
En réaction à la condamnation, plusieurs manifestations de solidarité ont été appelées. L’État allemand, en réponse, a poursuivi dans sa logique de répression croissante en les interdisant et la police a même demandé aux contrôleurs des trains en direction de Brème, où un rassemblement était prévu, de faire remonter les informations sur des passagers « suspects ». Les signes à repérer : dreadlocks, « apparence alternative », look estudiantin et écolo… Après les arrêtés anti-casseroles, les arrêtés anti-« rastas blanc » !
Finalement, des manifestations ont bien eu lieu durant le week-end des 3 et 4 juin, surtout à Leipzig en Allemagne de l’Est (ville d’origine de la principale condamnée), avec deux jours d’affrontements entre les manifestants – environ 1500 malgré l’interdiction – et la police, qui a procédé à une trentaine d’arrestations.
Raids et procès contre des militants écolos
Ce verdict n’est pas un événement isolé. L’organisation d’« écologie radicale » Letzte Generation (Dernière génération) a été classée « organisation criminelle » par un tribunal de Munich. Le mode d’action principal de ses militants est de se coller à des tableaux célèbres dans des musées, sur des croisements de routes, ou à d’autres endroits visibles ou symboliques, pour éveiller l’attention par rapport à la crise climatique. En mai, des raids policiers ont été dirigés sur une quinzaine de domiciles de militants écolos. Que cherchaient les policiers ? De la super-glu ? Deux des militants visés, sans antécédent judiciaire, ont depuis été condamnés à des peines de prison ferme de plusieurs mois (pour s’être collés au cadre d’un tableau !), d’autres à des amendes. La justice s’appuie notamment sur le paragraphe 129 de la Constitution allemande, intitulé « fondation ou soutien d’une organisation criminelle », qui a servi notamment à criminaliser les militants nationalistes kurdes du PKK, interdit en Allemagne.
Le gouvernement et la police justifient cette répression par une « montée de la violence politique ». Cependant, les chiffres sont clairs : les autorités dénombrent une croissance de 12 % des « délits politiques » attribués à l’extrême droite en 2022, alors que ceux attribués à l’extrême gauche ont chuté de 30 %, n’ont rien à voir en nombre, et concernent surtout des actions symboliques ou des bris de vitrine en manif… Loin d’une « lutte contre la radicalisation », il s’agit bien de criminaliser le militantisme de l’extrême gauche « anti-fa » et de serrer la vis dans un contexte tendu par l’inflation.
Dima Rüger, 6 juin 2023