Pour beaucoup, Hollywood correspond à l’image du rêve américain et des stars millionnaires talentueuses. Mais ceux qui font tourner cette machine, des dizaines de milliers de petites mains anonymes, scénaristes, acteurs, figurants, doubleurs, sont actuellement en grève contre des patrons de combat, de nombreux tournages de séries et de films sont donc à l’arrêt.
Une grève inédite par son ampleur
Depuis le 2 mai, la WGA, le syndicat américain des scénaristes, a lancé une grève après l’échec des négociations avec l’AMPTP, le syndicat patronal des producteurs. Leurs conditions de travail sont difficiles, la moitié touchent le salaire minimum et leur rémunération est sans cesse amputée par les producteurs qui raccourcissent les saisons des séries et retirent des primes. Du coup, en dix ans leur revenu médian a baissé de 4 % tandis que l’inflation a explosé ! Ces 11 000 grévistes ont été rejoints le 14 juillet par les 160 000 salariés regroupés dans le SAF-AFTRA, le syndicat des acteurs, qui demande une augmentation salariale de 11 %, et pas seulement les 5 % imposés par les producteurs – soit en deçà de l’inflation – alors que leurs profits sont au beau fixe. C’est la première grève des acteurs depuis les années 80, et la première grève commune entre les deux professions depuis 1960 !
Intelligence artificielle, streaming : des prétextes pour les offensives patronales
Au cœur des négociations, se trouvent les questions de l’IA et du streaming. De plus en plus de producteurs souhaitent utiliser ChatGPT pour générer des bases de scripts à la place des scénaristes et cloner la voix et l’image des acteurs à l’écran (sans que les travailleurs bénéficient de garanties sérieuses).
De plus, les plateformes de streaming participent à la réduction des revenus des acteurs, qui ne reçoivent plus une partie de leur rémunération issue de la diffusion sur les grands et petits écrans des films et séries auxquels ils participent. Mais quand Bob Iger, PDG de Disney, explique que les demandes des grévistes sont « irréalistes » et ajoute « c’est le pire moment au monde pour ajouter à cette perturbation », il oublie de préciser qu’il gagne 27 millions par an et que la plateforme de streaming Netflix a réalisé 4,5 milliards de profits en 2022. La stratégie cynique du patronat est révélée à demi-mot par un exécutif anonyme : « Nous allons faire durer le conflit jusqu’à ce que les grévistes commencent à perdre leurs maisons et leurs appartements. » Si on allait chercher l’argent dans les caisses de ces entreprises, il y aurait largement les moyens de rendre facilement accessible films et séries de qualité tout en augmentant les salaires !
Des salariés américains qui reprennent le chemin des luttes
Ce conflit intervient dans un contexte de remontée de la conscience de classe aux États-Unis. Après la crise due au Covid, face à l’ampleur de la casse sociale au profit de la grande bourgeoisie américaine, ont lieu de vastes mouvements de syndicalisation, notamment chez Starbucks ou Amazon. C’est aussi une grande vague de démissions, 47 millions en 2021, et en octobre de la même année, plus de 100 000 grévistes dans plusieurs grandes entreprises du pays. Et face à l’inflation, ce sont fin juillet 340 000 salariés de la plateforme de logistique UPS qui prévoient de faire grève. Malgré la violence des offensives des capitalistes américains, et la réputation des États-Unis comme pays étranger à l’action ouvrière, les travailleurs y représentent toujours une force capable de se faire craindre des possédants.
Robin Klimt