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Éducation : trois bouchers pour le prix d’un

 

Depuis sept ans que Macron est au pouvoir, le monde de l’éducation est particulièrement « gâté » – plus au sens de « abîmé » que de « choyé » – par le choix de ses ministres. De Jean-Michel Blanquer à Amélie Oudéa-Castéra, les vainqueurs du casting macronien nous ont donné à voir une surenchère permanente tout autant dans la détestation de l’école publique et de ses salariés que dans le grotesque. Trouver des successeurs à la hauteur relevait, de l’avis de pas mal d’enseignants, de la gageure.

Mais « impossible n’est pas français », comme disaient en 2022 les affiches d’Éric Zemmour (dont c’est peu dire que le spectre hante le gouvernement) : Michel Barnier a brillamment relevé le défi ! À l’enseignement supérieur et à la recherche, le député LR alsacien Patrick Hetzel sera parfait : non seulement il s’est distingué par ses prises de position contre le « wokisme » (chapeau, car le créneau est particulièrement encombré), mais plus encore par sa vibrante défense des remèdes bidons du professeur Raoult (la chloroquine) et des médecines « alternatives ». Un journal aussi peu gauchiste que L’Express le classe aux limites du complotisme et met en garde contre ses positions « anti-science ». Belle performance !

Dans le rôle central de ministre de l’Éducation nationale, la députée des Français de l’étranger Anne Genetet fait sensation avant même d’avoir ouvert la bouche. Son parcours professionnel, et plus encore les sites internet et comptes de réseaux sociaux créés pour faire sa publicité, parlent pour elle. Elle n’était en rien destinée à s’occuper de l’école. Sauf à penser que donner de prétendues « formations » à des expatriés pour manager au mieux leurs domestiques philippines relève de l’éducation – au ministère du Travail, elle aurait certainement donné toute la mesure de son talent ; vivement le prochain remaniement ! Cela n’empêche pas Anne Genetet d’avoir des convictions. Le service national universel (SNU) a tout son soutien : « Il s’agit de mettre en œuvre la souffrance, la discipline et les rites ; cela pourrait inspirer notre jeunesse. »

Anne Genetet ne souffre finalement auprès des alliés parlementaires (LR, RN) de son parti, le macronisme, que d’une seule tare : ne pas être assez à droite. Michel Barnier a confié au député LR Alexandre Portier, probablement pour « équilibrer » l’équipe, un « ministère délégué à la réussite scolaire ». Est-ce à dire que l’échec scolaire sera confiné au ministère des écoles poubelles, pardon, de l’Éducation nationale ? Ou bien que Portier, qui s’insurge dans l’hebdo d’extrême droite Valeurs Actuelles quand la presse enquête sur les fonds supplémentaires attribués aux écoles privées de la grande bourgeoisie – normal, c’est là qu’il a fait ses études –, s’occupera de chouchouter ces mêmes écoles pour fils et filles à papa ? Ou les deux ?

En tout cas, que ceux qui s’inquiètent de voir en Portier un professionnel de l’enseignement se rassurent : prof de philosophie en lycée, il ne l’a été que très peu, entre un poste à la région Auvergne-Rhône-Alpes auprès de son ami Wauquiez et son fauteuil de député. On pouvait d’ailleurs craindre au soir du premier tour de la législative de juillet dernier qu’il retrouve une affectation en lycée à la rentrée scolaire. Mais quelques milliers d’électeurs de cette gauche qu’il déteste tant l’ont propulsé au second tour devant le candidat RN, et par là même, indirectement au Conseil des ministres.

Alexandre Portier ignore, comme Anne Genetet, à peu près tout de l’école. Ce n’est pas un problème : il n’est pas nécessaire de connaître sa cible pour la démolir.

Matthieu Parent