Bayrou qui, pas plus que Barnier, n’a trouvé de majorité au Parlement, a décidé de faire passer le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale via l’article 49.3 de la Constitution. C’est-à-dire de faire passer ses textes et surtout sa politique sans vote ! En particulier un budget qui est une arme contre les classes populaires, une machine à accélérer le transfert de richesses de la poche des travailleurs et des plus pauvres vers celle des exploiteurs et des riches.
Ce budget annonce 32 milliards de coupes budgétaires et 21 milliards d’impôts supplémentaires. Les grandes entreprises sont supposées être mises à contribution, mais des PDG, à l’instar de Bernard Arnault, ont obtenu qu’une taxation exceptionnelle soit limitée à un an. Elle rapporterait un peu moins de 8 milliards d’euros, à rapprocher des quelque 70 milliards versés à leurs actionnaires par les entreprises du CAC40 pour 2023, et de leurs bénéfices de plus de 150 milliards.
En revanche, on voit l’avalanche des coupes budgétaires déjà prévues, avec l’avalanche des circulaires que le gouvernement Bayrou a déjà envoyées à tous les ministères sous prétexte d’absence de budget : licenciements de contractuels, interdiction d’engager la moindre dépense dans les hôpitaux comme dans tous les services publics, suppression du pass Culture qui remet en cause de nombreux projets dans les établissements scolaires. L’annulation des 4 000 suppressions de postes prévues dans le précédent budget Barnier se fera « à moyens constants », c’est-à-dire que le ministère va chercher et voler ailleurs les 50 millions d’économies. Et on n’est pas près de pourvoir les postes vacants pour améliorer la situation catastrophique dans 90 % des lycées et collèges. Dans la santé, outre la honteuse baisse de 177 millions du budget alloué à l’Aide médicale d’État pour les plus démunis, en particulier les migrants, rien sur les milliers de postes de soignants qu’il serait urgent de créer.
Mais Bayrou ne se propose évidemment pas de mordre sur les quelque 80 milliards que l’État paye à la place des patrons du fait des exonérations de cotisations sociales. Ni sur les milliards de subventions directes ou indirectes, comme les exemptions fiscales au titre du Crédit d’impôt recherche.
Intérêt général… intérêt du Capital
Le PS a décidé à la quasi-unanimité de s’abstenir de voter la motion de censure déposée par LFI. Au nom de l’intérêt général et de la stabilité : « Il n’y a aucune bienveillance vis-à-vis de ce gouvernement, mais il y a un attachement à l’intérêt général, celui du pays, [pour] doter la France d’un budget, lui permettre de continuer à travailler », a déclaré Olivier Faure. Il décoche ses flèches contre le reste de la gauche en dénonçant « la politique du pire, parce que la politique du pire, elle peut conduire à la pire des politiques, celle de l’extrême droite ».
Et pourtant…
C’est le même refus de la censure du côté du Rassemblement national, au nom du même intérêt général ! Jordan Bardella, se dit « résolument opposé […] à ce mauvais budget », mais « il faut éviter l’incertitude parce qu’il y a beaucoup de nos compatriotes, alors que l’année 2025 est engagée, qui sont extrêmement inquiets d’une instabilité qui pourrait s’installer dans la durée ».
Les uns et les autres valident un budget catastrophique pour les classes populaires. Et si les députés de LFI , les Verts et le PCF maintiennent une motion de censure (dont ils savent qu’elle sera sans effet), ils n’avancent aucune perspective de mobilisation générale contre les licenciements, contre les bas salaires, contre la réforme de l’assurance chômage – contre l’ensemble des conditions de travail et de vie que le budget Bayrou va davantage pourrir.
Profession : syndicaliste ou constructeur automobile ?
Du côté des confédérations syndicales, on se défausse aussi face aux luttes qu’il va falloir engager. Marylise Léon, pour la CFDT, a parlé des budgets Bayrou comme d’« un mal nécessaire » permettant de « sortir de cet immobilisme [qui] génère énormément d’inquiétudes et a des impacts économiques ». Sophie Binet, pour la CGT, interrogée sur BFM-TV le 3 février, entre autres sur la poursuite de l’offensive de licenciements en masse alors que les profits du CAC40 battent des records, conseille juste au patronat une meilleure politique économique : « Ça pose quand même un problème de patriotisme économique. Les grandes entreprises, les grands patrons ont une nationalité : ils doivent jouer le jeu du Made in France. […] Ce qu’il faut, c’est protéger nos frontières, protéger notre industrie. » Et tiens donc, pourquoi « le choix de prioriser de gros véhicules très chers [demande-t-elle] alors que des véhicules électriques à bas coût, on sait faire, et on sait faire en France ». Elle envisage certes « le 8 mars, une grande journée de manifestations pour les droits des femmes ». Une date bien sûr à retenir. Mais de mobilisation et perspective de lutte pour nos salaires et nos emplois, elle n’en voit pas. Elle s’apprête à s’enfermer pour un « conclave » de trois mois de bla-bla sur les retraites, avec Macron et les siens.
Travailleurs et travailleuses, militants et militantes en colère, il faudra donc construire par nous-mêmes et par en bas !
3 février 2025, Jean-Jacques Franquier