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Basculement de la politique allemande : calculs de rentabilité !

Au début de l’invasion russe en Ukraine (février 2022), l’Allemagne importait de Russie 55 % de son gaz naturel, 50 % de sa houille et 35 % de son pétrole. La dépendance était forte. Durant l’année 2022, ces importations ont été réduites à zéro, substituées par celles d’autres pays. Où est le problème ? Il est que le prix de toutes les importations énergétiques de l’Allemagne a augmenté de 83,5 % en 2022 par rapport à 2021, même si la consommation d’énergie a baissé d’environ 5 %. La décision de se ranger derrière les États-Unis et l’Otan, à la suite de l’agression russe en Ukraine, et de ce fait de se couper de l’énergie russe plutôt bon marché, a donc eu des conséquences sur la compétitivité industrielle du pays, l’énergie à relativement bas coût étant un de ses atouts.

Si l’indice de production industrielle en Allemagne (valeur de la production hors inflation et hors effets saisonniers) n’a diminué dans son ensemble que de 1,5 % entre février 2022 et juin 2023, l’indice propre aux branches à haute consommation énergétique (chimie, métallurgie, production de verre et céramiques, production de papiers et cartons, raffineries et cokeries) a chuté de 16,1 % (et de 17,5 % pour la seule industrie chimique).

Autre choc : le 27 février, trois jours après l’invasion de la Russie, le chancelier Olaf Scholz annonçait 100 milliards d’euros supplémentaires pour le réarmement de l’Allemagne, à dépenser durant les prochaines années en plus du budget militaire annuel « normal ». Entre 2015 et 2021, les dépenses militaires allemandes étaient déjà passées de 38,2 à 56,5 milliards de dollars. Même si l’Allemagne reste encore en dessous des 2 % du PIB de dépenses militaires conseillés par les stratèges de l’Otan (qui ne seraient atteints qu’en 2025), il s’agit néanmoins d’une militarisation inouïe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Malgré les sanctions économiques contre la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014, le capital allemand avait préservé des liens économiques (et surtout énergétiques) assez étroits avec la Russie. C’est désormais un autre choix qui est fait mais nul doute que l’Allemagne n’allait pas abandonner aisément la place d’alliée privilégiée des USA qu’elle occupe en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – ni sa dépendance aux industries et technologies de pointe de la Silicon Valley. Nul doute non plus que ses dirigeants devaient rassurer ceux des pays de l’Est européen qu’ils ne laisseraient pas agir impunément l’impérialisme russe. Les intérêts du capital allemand en Europe de l’Est sont plus importants qu’en Russie : le total des stocks d’investissements directs de l’Allemagne (fin 2021) en Pologne, Tchéquie, Hongrie, Roumanie et Slovaquie est cinq fois supérieur aux investissements en Russie.

Toni Robert

 

 


 

 

(Cet article est paru dans un dossier du journal Révolutionnaires).

 

 

Sommaire du dossier paru dans Révolutionnaires, numéro 4