Aux dernières élections des Chambres d’agriculture, la Coordination rurale (CR) a fait une percée dans plusieurs départements, au détriment de la FNSEA1. Percée due en partie à sa combativité lors du mouvement de 2024 et à sa posture anti-normes environnementales, anti-bureaucratique, mais sans remise en cause du capitalisme agricole.
En Haute-Vienne, la CR, qui préside la Chambre d’agriculture depuis 2019, a obtenu 51 % des voix, la FNSEA 26 % et la Confédération paysanne 22 %.
Le Limousin est surtout une région d’élevage en plein air, sur des exploitations plutôt petites ou moyennes. Comme partout, le système pousse à l’agrandissement, à l’endettement, avec des situations très diverses. Pour s’en sortir, la plupart des paysans doivent travailler dur, sans garantie de prix, avec des charges qui augmentent et une gestion complexe (mais ce sont aussi des contrôles en contrepartie des aides PAC22 !).
La démagogie de la Coordination rurale
« Foutez-nous la paix, laissez-nous travailler » : ce discours démagogique de la CR contre les normes environnementales et les fonctionnaires qui les font appliquer touche et convainc. D’autant plus que la CR 87, très impliquée dans les manifestations de janvier 2024, a vu certains de ses militants inculpés lors des barrages routiers ou des actions contre les institutions, ou pour leur appel à « offrir une prime de 1 000 euros pour tout loup mort », suite à des prédations sur les troupeaux d’ovins.
Elle annonce défendre les petits et les gros, les agriculteurs en conventionnel et ceux en bio. Comme si tous avaient les mêmes intérêts. Elle est fière d’avoir empêché une réunion dénonçant l’installation d’une porcherie industrielle (à moins de 2 000 porcs, plus besoin d’enquête publique depuis le 10 juin 2024 !) : avec la FNSEA, elles ont obtenu un allègement des normes d’installation, ce qui va forcément impacter les terres et l’eau de tous, donc de la ferme bio voisine ! Face à l’inquiétude légitime des éleveurs limousins, elle dénonce l’accord de libre-échange Mercosur, qui permettra l’importation de viande bovine d’Argentine qui, dit-elle, ne respecte pas les « normes sanitaires et de conditions d’élevage et à terme détruiront notre agriculture française » : mais elle demande l’assouplissement de ces normes ici !
L’extrême droite en embuscade
Comme la FNSEA, elle choisit de désigner des boucs émissaires : les « écolos » qui militent pour une agriculture refusant la fuite en avant de l’agrandissement, avec toujours plus de traitements, de concentration d’animaux. Les actions coup de poing de la CR 87 ont ciblé les associations de défense de l’environnement et les députés du NFP : un lâché d’animaux lors de la projection d’un documentaire dénonçant les mégabassines ; déverser des bennes d’ordure et de pneus devant la permanence de députés LFI, des domiciles de militants, des organismes publics (en Creuse, elle a vandalisé locaux et dossiers de l’OFB – office français de la biodiversité – de Guéret).
Ces actions signent les choix politiques de la CR : comme l’extrême droite, elle évite de désigner les vrais responsables de ce désarroi dans les campagnes : les patrons de l’agroalimentaire, des banques, de la chimie ou de la grande distribution : ceux qui volent le travail des agriculteurs comme des salariés, d’ici et d’ailleurs !
4 mars 2025, Correspondante
1 Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles
2 Politique agricole commune (politique de contrôles et de subventionnement de l’Union européenne)