Nos vies valent plus que leurs profits
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Profits & Babies

Le journaliste Victor Castanet, connu pour son livre Les Fossoyeurs sur le scandale des Ehpad, revient avec Les Ogres (Flammarion, 22,90 €), une enquête sur la gestion des crèches. Enfants laissés seuls, professionnelles en sous-effectif, management toxique et réduction de coûts agressive : les témoignages de parents, d’enfants et d’employés, sont accablants. Avec des conséquences dramatiques : accidents, maltraitance, et séquelles psychologiques.

Castanet cible l’entreprise People&Baby (P&B), qu’il décrit comme « l’exemple le plus caricatural des ravages [de la] financiarisation à outrance d’un secteur ». Cependant, il précise que P&B est « le symbole et le symptôme d’un système à la dérive ». Les autres acteurs des crèches privées, regroupés dans la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), tentent de se distinguer, mais Castanet montre que la logique de concurrence et de réduction de coûts est généralisée.

Pour baisser les budgets liés à la petite enfance, les collectivités territoriales réduisent les moyens affectés aux crèches publiques, et ouvrent des appels d’offres en délégation de service public (DSP), où le vainqueur sera celui qui proposera le coût annuel par berceau le plus faible. Les entreprises privées, elles aussi, sont fiscalement intéressées à passer des contrats avec des crèches pour y réserver à peu de frais des places pour leurs employés.

Les Ogres pointe non seulement la responsabilité des patrons voraces du secteur, mais aussi des collectivités territoriales, et du gouvernement qui se dédouane, alors qu’il est responsable de leur étouffement budgétaire.

Lors d’une réunion de crise sur Zoom que Castanet a pu espionner, les dirigeants de la FFEC ont discuté en direct sur Telegram avec Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et des familles, pour s’entendre avec elle sur une stratégie de communication commune qui laisserait intacts les intérêts des capitalistes du secteur : pas de critique de la politique gouvernementale du côté de la FFEC, faire semblant de taper du poing sur la table du côté du gouvernement et proposer devant les médias quelques mesures concertées à l’avance.

Isolé de la FFEC, le patron de P&B joue la carte de la défense de ses employés, qui seraient mis en cause par de sournois journalistes. Mais c’est bien lui, ainsi que les autres patrons du secteur, et l’État à tous les niveaux qui sont responsables du scandale de la sous-dotation du secteur de la petite enfance et de l’exploitation de ses salariées. Les crèches ont besoin de moyens, de salaires décents et d’embauches !

Barnabé Avelin