Marine Le Pen a donc décidé de mettre fin à son alliance de fait avec Macron sous Barnier. Renoncer à dicter sa politique à un gouvernement qu’elle tenait en otage lui fera peut-être perdre en respectabilité. Mais le RN estime qu’il aurait perdu encore plus s’il était associé de manière trop visible à la politique patronale menée quoi qu’il en coûte. Ainsi, l’extrême droite se paye le luxe de rompre avec les macronistes sur des exigences sociales, alors qu’elle a toujours défendu et défendra toujours les intérêts patronaux. Le ralliement de la gauche au radeau de la méduse présidentiel, LFI mise à part, semble confirmer les mensonges de Le Pen qui apparaît comme la seule opposition.
Le NFP est mort, vive le NFP ?
Pourrions-nous avoir un gouvernement d’union du PCF aux LR ? Ou un simple « accord de non-censure » sous l’égide d’un gouvernement de droite ou soi-disant « technique » ? Ou un retour à la case départ de la crise politique ? À l’heure où nous écrivons, après des séances de palabres à l’Elysée autour de Macron, nous ne pouvons que constater les efforts tragi-comiques des dirigeants du PS, des Verts et du PCF pour obtenir un strapontin quel qu’en soit le prix. Et Macron en est toujours à promettre le nom d’un Premier ministre pour… demain !
Pas de surprise pour le PS qui, ayant enfanté Macron, voudrait renouer avec le fils prodigue. Les contorsions du PCF de Roussel sont plus douloureuses car celui-ci prétend encore parler au nom de sa base ouvrière. Quelle honte de renoncer à réclamer l’abrogation de la réforme des retraites en échange d’une « conférence sociale », grand bla-bla dont Macron a le secret ! Et quelle indignité que de hurler avec les loups en réclamant la suspension du droit d’asile pour les Syriens, dans le seul but d’obtenir un maroquin dans le même gouvernement que Retailleau !
La FI, comme le RN, mise tout sur une élection présidentielle. Comment une nouvelle élection pourrait-elle apporter quoi que ce soit de positif aux travailleurs dans ce contexte ? La seule raison est que Mélenchon espère prendre de vitesse ses concurrents de gauche.
Les députés de la FI, avec leurs petits satellites dont le NPA-L’Anticapitaliste, prétendent désormais incarner seuls le NFP, condamnant la « trahison » possible de leurs alliés d’hier. Mais qui a permis au PS de se refaire une santé avec 62 députés, dont l’infâme Hollande ? Qui a ressuscité le front républicain pour sauver, entre autres, Borne et Darmanin ? N’est-ce pas la logique même de ce front que de gouverner en commun ? Et quelle autre politique pourrait mener la gauche, comme toujours, que celle du patronat ? Celle que Macron appelle « l’intérêt général » qui n’est que la soumission de toute la société aux exigences des exploiteurs ? « Intérêt général, intérêt du capital », dénonçait-on à une époque !
Faire émerger un pôle des révolutionnaires, regrouper tous ceux qui veulent se battre
Les raccourcis électoraux sont en réalité des impasses. Et ces tromperies ont un prix : celui, à l’avenir, d’un renforcement du RN et de ses idées. Et celui, plus immédiat, du désarmement des luttes lorsqu’elles sont soumises aux calculs institutionnels de ces dirigeants politiques et syndicaux de gauche qui cherchent à les dévoyer.
Illustration cette semaine où la réussite de la grève du 5 décembre dans le public d’un côté, et la multiplication des coups de colère des salariés du privé menacés de licenciements de l’autre, auraient permis de changer la situation. Mais les directions syndicales, subordonnées au prétendu dialogue social, boîte par boîte, et à la logique institutionnelle de la collaboration avec le gouvernement, se sentent désarmées de ne plus avoir d’interlocuteur. Alors que la crise politique de ceux d’en haut pourrait être une opportunité pour les travailleurs de montrer leur force et de faire l’actualité !
Il faut qu’émerge une autre voix dans la crise politique, qui ne cherche pas à la résoudre en promettant l’apaisement et la réconciliation entre licenciés et licencieurs mais qui profite de l’instabilité pour défendre les intérêts des travailleurs aussi fidèlement que Macron et le RN défendent les intérêts des patrons. Un tel pôle des révolutionnaires ne peut qu’être indépendant de tous les marchands d’illusion du NFP, FI comprise. Sa première tâche serait de s’adresser aux dizaines de milliers de militantes et militants ouvriers, syndiqués ou non syndiqués, qui cherchent les voies d’une politique et d’un programme pour les luttes en cours et à venir.
11 décembre 2024, Raphaël Preston