Nos vies valent plus que leurs profits

ZFE : accuser les pauvres pour ne pas faire payer les riches

En 2025, Paris et certaines grandes métropoles élargissent les restrictions de circulation pour les véhicules les plus anciens afin, parait-il, de lutter contre la pollution de l’air, comme si échanger des voitures contre d’autres voitures, même électriques, allait contribuer à résoudre de manière significative les problèmes de pollution. Ces mesures causent de nombreuses galères aux travailleurs les plus pauvres et masquent mal la responsabilité des capitalistes et des politiques dans le domaine.

Depuis le 1er janvier, les voitures ne disposant pas de vignette Crit’Air 2 ou moins ne peuvent plus circuler et stationner dans les zones à faibles émissions (ZFE) des métropoles de Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble. Ces ZFE concernent les espaces urbanisés les plus densément peuplés, en général à l’intérieur des périphériques. Elles ont été mises en place dans les plus grandes agglomérations, en application de lois votées en 2019 et 2021, mais avec des règles et des rythmes différents selon chaque ville. Le but affiché est de lutter contre la pollution de l’air.

Alors que les grandes métropoles françaises font face à une série de pics de pollution en ce début du mois de janvier et que l’air dégradé est responsable de plus de 40 000 décès prématurés en France chaque année, il est indéniable que la qualité de l’air est un enjeu de santé publique majeur. Mais, avec ces nouvelles restrictions, les comportements individuels des plus pauvres sont une nouvelle fois pointés du doigt avec la plus grande hypocrisie !

Pendant des décennies, l’État a poussé à l’achat de véhicules diesels, particulièrement polluants, notamment en surtaxant l’essence par rapport au gasoil. Il s’agissait alors d’avantager les constructeurs automobiles français spécialisés dans ce type de moteur face à leurs concurrents internationaux. Aujourd’hui, fini les vieux diesels : les automobilistes doivent acheter de nouvelles voitures, électriques si possible ! Des achats que beaucoup de travailleurs seraient ravis d’effectuer… s’ils en avaient les moyens ! En vérité, concernant l’électrique, les constructeurs français ont fait le choix délibéré de ne produire que du haut de gamme, inabordable pour la majorité de la population. Le PDG de Renault, Luca de Meo assumait en 2022 de ne viser que « des privilégiés qui ont les moyens, un garage et une borne à la maison ».

Si l’électrique ou le neuf demeurent hors de portée, la voiture reste pour beaucoup une nécessité ! Le vélo pour aller travailler demeure impensable pour de nombreux travailleurs obligés de fuir de plus en plus loin des métropoles et de leurs loyers exorbitants alors qu’elles concentrent la plupart des emplois. De plus, quand on travaille en horaires décalés, il est le plus souvent impossible de venir au travail en transports en commun.

Ce secteur souffre d’ailleurs d’un sous-investissement chronique qui ne date pas d’hier ! Résultat : des réseaux en mauvais état et défaillants. Les parkings relais à l’entrée des ZFE sont sous-dimensionnés, les bus et trams souvent bondés, les retards sur les TER s’accumulent. Ce qui n’empêche pas Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon, d’annoncer une nouvelle hausse des prix des tickets et abonnements pour les transports en commun lyonnais en même temps que de nouvelles restrictions à l’accès à la ZFE ! Enfin, quand on habite à la campagne, mieux vaut ne pas louper le seul car de la matinée… quand il y en a un !

En réalité, l’instauration des ZFE est le signe de l’incapacité de l’État à organiser les mobilités de manière à la fois efficace et propre dans le cadre de l’anarchie actuelle, où chaque groupe capitaliste organise sa production individuellement et pour son profit. Au contraire, atteindre un tel objectif n’est envisageable que dans le cadre d’une société communiste où la production, le choix des lieux d’implantation des activités, l’organisation des villes et de l’espace seraient décidés collectivement, de manière rationnelle et pour le bien de tous et toutes.

Arthur Sylvestre