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Carnet du trimard, de Jack London

Libretto, 2023, 112 p., 7,9 €

Le 6 avril 1894, Jack London, qui n’a que 18 ans, commence ce carnet réédité par les éditions Libretto ce 2 novembre 2023. Après une enfance difficile entre la misère et les livres de la bibliothèque d’Oakland, il s’engage dans l’Armée industrielle, une grande marche protestataire qui a pour but de rejoindre Washington. Cette immense manifestation se constitue alors que les États-Unis sont secoués par une crise économique entraînant près de trois millions de licenciements. Jacob Coxey, un industriel de l’Ohio, impulse alors cette armée de chômeurs pour exiger leur embauche dans la construction de routes à travers tout le pays, mais également la journée de huit heures et un minimum salarial. Le bataillon du général autoproclamé Charles Kelly, que London souhaite rejoindre, doit dévier de sa route en raison de pression des autorités. Il fait alors le choix de voyager sans billet jusqu’à ce qu’il parvienne à les rejoindre, et c’est là que le Carnet du trimard commence pour raconter deux mois sur la route.

« Notre Armée à grande allure avec ses drapeaux et ses oriflammes, conduite par le général Kelly monté sur un superbe destrier noir, cadeau d’un citoyen enthousiaste de Council Bluffs. »

Loin d’écrire alors pour être lu, Jack London consigne dans ces lignes ses pensées, ses expériences, ses amitiés et les événements marquants de son voyage. Dans ce texte, il ne faut pas chercher le roman, ni même la nouvelle, et à peine le témoignage. Il s’agit de la retranscription brute d’une itinérance, sans effet de style et sans artifice. On y lit le doute face aux difficultés, la solidarité entre toutes les nationalités, l’humour et les railleries au sujet des chefs, les mutineries. Ce sont les bribes d’un voyage qui pose les fondations de ce que London deviendra comme auteur et comme militant socialiste.

Mais rien n’y est écrit pour être compris par d’autres, encore moins des lecteurs du 21e siècle, bien loin de la vie de vagabond. Aussi la qualité du travail d’édition réalisé ici est à saluer pour tous les outils offerts au lecteur pour se saisir pleinement de ce carnet. Le texte est proposé dans une version bilingue et accompagné de cartes nous permettant de suivre le voyage à travers les États-Unis.

Un texte précieux pour l’histoire, la littérature et la politique qui ravira les adeptes de London, les lecteurs et lectrices du Talon de fer et de La Route (Les Vagabonds du rail).

Emma Stover