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Cadeau d’anniversaire de Macron à Mohammed VI : un royal mépris du peuple sahraoui

Le 30 juillet dernier, le cabinet royal du Maroc a annoncé que la France avait reconnu le plan marocain pour le Sahara occidental. Ce plan, instauré par Mohammed VI en 2007 nie toute volonté d’autodétermination du Sahara et placerait le territoire sous une sorte de protectorat marocain. En décembre 2020, ce plan avait eu le soutien des États-Unis et d’Israël en échange d’un accord USA-Israël-Maroc ménagé par la diplomatie américaine dans son effort de sceller des alliances (derrière les États-Unis) entre des gouvernements de pays arabes et Israël. Voilà que la France rejoint le lot et considère le projet marocain comme « la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée », selon les termes de la lettre de Macron au roi en cadeau d’anniversaire pour ses 25 ans de règne. Ce qui rebat un peu les cartes de la politique impérialiste de la France au Maghreb dans les relations avec l’Algérie, allié historique d’un Sahara occidental indépendant. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a rappelé sur le champ l’ambassadeur d’Algérie en France pour une durée indéterminée et, la semaine suivante, il a annoncé que l’Algérie, en représailles, refuserait d’accueillir les ressortissants algériens que la France décide d’expulser vers l’Algérie.

Cette ex-colonie espagnole, jusqu’en 1975, fait l’objet d’un conflit entre un mouvement indépendantiste, le Front Polisario qui y a proclamé une République arabe sahraouie démocratique (RASD) indépendante (qui a le soutien de l’Algérie), et le royaume marocain qui en revendique l’annexion (à ce sujet, voir notre encart ci-dessous).

Business, business, sur le dos des peuples

Le cadeau d’anniversaire de Macron au roi, quitte à se mettre en froid avec l’Algérie, n’est pas gratuit. Avant que cette lettre ne soit rendue publique, plusieurs entreprises françaises comme EDF, Safran ou Total avaient été mises au courant de la volonté du président français. Car derrière cette reconnaissance d’une souveraineté du Maroc sur ce territoire, il y a quelques gros intérêts, notamment pour ces grandes entreprises citées. D’abord, la richesse du Sahara occidental, à l’inverse de la pauvreté de sa population, en particulier l’importance de ses ressources en phosphate, un produit important pour la fabrication des composants électroniques. Si le Maroc en est actuellement le deuxième producteur, il est le premier exportateur. S’emparer de manière pérenne des sous-sols sahraouis permettrait au Maroc de stabiliser sa production et ses exportations (la France est devenue l’un des premiers acheteurs). Et de façon plus large, il s’agit, pour le plus grand intérêt des entreprises françaises, de resserrer les liens avec le royaume marocain que le gouvernement français verrait, selon le journal Le Monde du 30 juillet (citant les paroles d’un ministre), comme « le pays hors Union européenne où les perspectives de développement sont le plus élevées ».

Déjà en avril, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, se rendait à Rabat pour signer le contrat de la ligne haute tension Rabat-Dakhla qui devra être assuré par l’AFD (Agence française de développement). À ce moment-là, le ministre du Commerce extérieur assurait d’ailleurs que cela ne modifierait pas la position de la France dans le dossier sahraoui ; on n’est pas à un mensonge près.

D’Éric Ciotti, voyant évidemment là « une avancée cruciale pour nos relations bilatérales », à la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, félicitant Macron pour « une bonne décision », toute la classe politique française semble sur son petit nuage : du moment que le courant passe entre EDF, Total et le roi du Maroc, du moment que le marché du futur TGV marocain roule pour la SNCF, qu’importe aux yeux de tous ces gens le sort et l’avis de la population sahraouie ?

Nils Varso

 

Un territoire jamais décolonisé

Le Sahara occidental, territoire de 266 000 km2 (un peu moins de la moitié de la France), peuplé de 600 000 habitants, situé entre le Maroc et la Mauritanie, fait depuis l’indépendance du Maroc en 1956 partie des territoires revendiqués par le royaume marocain au nom dudit « grand Maroc ». Cette théorie nationaliste créée de toutes pièces défendait l’idée d’un Maroc qui s’étendrait même bien au-delà, jusqu’au Mali, en englobant la Mauritanie et une partie du désert algérien en plus du Sahara occidental. L’annexion au moins du Sahara occidental a occupé une grande place dans la démagogie et la diplomatie du pouvoir marocain dans les années 1960 et 1970. À l’automne 1975, alors que le régime franquiste était en train de vaciller en Espagne, le roi Hassan II organisait une « marche verte » : une marche de 350 000 Marocains mobilisés par le pouvoir, encadrés par 20 000 militaires en direction de la capitale régionale du Sahara occidental, Laâyoune. Cette marche a abouti aux accords de Madrid entre le royaume d’Espagne, la Mauritanie et le royaume du Maroc. Il y aura dorénavant un tiers sud du Sahara sous contrôle mauritanien et les deux tiers nord sous contrôle marocain, dont la mine de phosphate de Boukraa où la compagnie espagnole conservait les droits d’exploitation. Quelques mois plus tard commençait le conflit entre l’État marocain le Front Polisario qui proclamait sur le territoire une République arabe sahraouie démocratique (RASD) indépendante.

Aujourd’hui, le Maroc contrôle les côtes ainsi que 80 % du territoire contesté et a construit entre 1980 et 1987 le « mur marocain » qui coupe en deux le territoire sahraoui et permet à une armée d’occupation marocaine de sécuriser les exploitations de ressources, minières notamment. Après un cessez-le-feu en 1991, le Maroc a proposé un plan en 2007 qui instaurerait l’autonomie du Sahara occidental sous le contrôle de Rabat. Ce plan voulu par Mohammed VI, qui a succédé sur le trône à son père en juillet 1999, s’oppose frontalement à la volonté de la RASD d’un référendum d’autodétermination pourtant accepté suite au cessez-le-feu de 1991 mais jamais mis en place par les autorités marocaines.

L’Algérie a beau jeu de soutenir, de son côté, le Front Polisario et le droit du peuple sahraoui à l’indépendance. Ce n’est pas sans arrière-pensées tout aussi intéressées, dont l’accès direct à l’océan Atlantique que lui permettrait, notamment pour ses exportations pétrolières, un Sahara occidental indépendant et allié.