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Le gouvernement agresse les chômeurs et l’ensemble des travailleurs

Les déclarations d’Attal le 27 mars sont une attaque très violente qu’il ne faut pas sous-estimer ! L’ensemble des travailleurs et leurs organisations doivent se sentir concernés et prendre cette question en charge.

Un acharnement programmé

Les pistes de « réforme » après pseudo-négociations des « partenaires sociaux » ne s’embarrasse même pas de justification autre que de faire payer les chômeurs. Augmentation de la durée travaillée nécessaire pour ouvrir des droits (actuellement six mois), baisse de la période de référence (aujourd’hui 24 mois), nouvelle diminution de la durée d’indemnisation (un an après la baisse de 25 %) ! Tout est envisagé pour appauvrir encore plus les travailleurs privés d’emploi à un moment donné !

À ce stade, il est essentiel de rappeler quelques chiffres officiels (source Unédic) qui montrent clairement, si besoin était, que les chômeurs sont avant tout des travailleurs et pas des profiteurs… Le dernier indicateur de l’Unédic précise que 51 % des inscrits travaillent une partie du mois, que seulement 43 % des inscrits sont indemnisés, que l’allocation moyenne est de 1033 euros net et enfin que 95 % des inscrits touchent moins de 1000 euros.

Ces annonces viennent après deux contre-réformes majeures de l’assurance-chômage visant à baisser les droits pour renforcer la pression sur les travailleurs. Dans un premier temps, l’allongement de la durée de travail nécessaire ainsi que la modification du calcul du salaire journalier de référence, cette mesure conduisant à des niveaux d’allocations très faibles (il est fréquent de voir des taux journaliers à 3 ou 5 euros). Le deuxième niveau c’est la mise en place de la « contracyclicité », c’est-à-dire, pour Macron, quand « l’économie va bien », on baisse la durée des allocations, quand « ça va mal », on rallonge la durée. Résultat : une diminution de 25 % de la durée d’indemnisation pour toutes les fins de contrats depuis le 1er février 2023.

Les jeunes et les travailleurs précaires sont les premières victimes : entre 2019 et 2022 baisse de 17 % en moyenne du nombre d’ouverture de droits, et particulièrement pour les jeunes (−24 %), les fins de CDD (−27 %) ou les intérimaires (−35 %).

Un projet de suppression de l’assurance-chômage

Créée en 1958, à gestion paritaire, pour assurer une couverture aux travailleurs face au chômage, l’assurance-chômage devient un outil uniquement destiné à faire accepter des boulots aux conditions de travail dégradées et mal payés. Pour ne prendre que la période depuis 2017, l’objectif est de déconnecter l’assurance-chômage du salaire, de donner la main à l’État pour gérer l’ensemble du système. Créer « une assurance-chômage universelle » disait Macron en 2017… Dans les faits c’est nous mettre dans la tête que l’assurance d’avoir un revenu de remplacement quand on n’a plus d’emploi n’est plus garantie et créer une incertitude sur les montants et la durée de son allocation. Le taux de remplacement de 57 % perçu comme étant le taux habituel ne permet pas d’avoir une idée au moins approximative de son allocation à partir du moment où la période de référence est allongée et surtout où les périodes non travaillées sont prises en compte dans le calcul. Un des aspects significatifs des réformes depuis 2019 est la complexification volontaire de la réglementation. Le rêve des capitalistes est d’aboutir à système avec d’un côté un revenu minimum fixé et géré par l’État (sur le modèle de l’allocation de solidarité spécifique par exemple, d’un montant de 18 euros maximum par jour), et de l’autre, laisser gérer les milliards versés par des assurances privées.

Par étapes depuis 2018, le démantèlement est en cours : suppression de la part dite salariale des cotisations (remplacée par la CSG) en 2018, modification radicale du mode de calcul de l’allocation en 2021 afin de déconnecter le calcul du nombre de jours travaillés. Bruno Le Maire exprime les choses de façon directe : « La responsabilité des partenaires sociaux, ce sont les salariés. La responsabilité de l’État, ce sont tous ceux qui sont au chômage. »

Désigner les chômeurs comme responsables

En parallèle de ces attaques contre les allocations, le gouvernement veut tripler (rien que ça !) le nombre de contrôles sur la recherche d’emploi. Objectif : 1,5 millions de contrôles en 2027. Il faut savoir qu’à France travail le contrôle est assuré par des plateformes spécifiques loin des sites France travail. Ces plateformes regroupent en tout 600 agents. Comme la police et la justice, les agents en question devront « sanctionner un comportement général du demandeur d’emploi identifié par un faisceau d’indices »… Objectif : « faire émerger une culture commune du contrôle entre France travail et les partenaires. » Les contrôles ont lieu soit suite à requêtes, soit « signalement » des agences, soit alertes automatiques. Pour tenir les objectifs, les cas « simples » seront dorénavant traités sans entretien téléphonique ni envoi d’un questionnaire, afin de « gagner a minima dix jours ouvrés ».

RSA contre 15 à 20 heures d’activité, une mise au travail forcée

D’abord expérimenté dans 18 départements, ce dispositif va être généralisé au 1er janvier 2025. L’idée est toujours la même : cibler les précaires et diviser les travailleurs au lieu d’embaucher en CDI et d’augmenter les salaires ! Sous couvert d’ateliers de « savoir-être et de remobilisation » par exemple, ce dispositif va permettre de multiplier les immersions en entreprise avec déjà des exemples où les personnes ont dû effectuer le travail d’un salarié en poste (mise en rayon, jardinage) en percevant 607,75 euros dans le mois (montant du RSA pour une personne seule). Au passage, à noter que le département du Pas-de-Calais (dirigé par le PCF) s’est porté volontaire pour ce dispositif et que l’Allier (dirigé par la droite) avait voté pour en 2020 avec les voix du PS et du PCF.

Des organisations syndicales qui « demandent » au gouvernement de revenir « à la raison »

Le moins que l’on puisse dire c’est que, à part faire des communiqués de dénonciation, rien n’est proposé. Sophie Binet suggère même au gouvernement de consulter des « psychologues »… On pourrait en rire si la situation des chômeurs n’était pas si difficile, mais tout ça illustre bien l’impasse d’une politique qui consiste à aller négocier dans le cadre d’une lettre de cadrage imposée par le gouvernement.

C’est d’une manière générale la conséquence d’un manque de prise en compte de cette question par les organisations syndicales, pour ne pas dire pas dire plus quand FO ou la CFDT signent des conventions assurance-chômage qui entérinent des baisses de droits. Au contraire, dans le Programme de Transition, Trotski illustre clairement les tâches qui devraient être celles des organisations syndicales :

« Sous peine de se vouer lui-même à la dégénérescence, le prolétariat ne peut tolérer la transformation d’une partie croissante des ouvriers en chômeurs chroniques, en miséreux vivant des miettes d’une société en décomposition. Le droit au travail est le seul droit sérieux que l’ouvrier ait dans une société fondée sur l’exploitation […] Les syndicats et les autres organisations de masse doivent lier ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas par les engagements mutuels de la solidarité. »

Réagir des deux côtés du guichet ! La grève de l’agence du Bd Ney (Paris 18e) : une grève exemplaire

Le corollaire de ce refus de « lier ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas par les engagements mutuels de la solidarité » par les syndicats est l’existence d’organisations de chômeurs séparées. Les associations comme Agir ensemble contre le chômage (AC!), le MNCP et l’Apeis existent, mais mobilisent assez peu. Existe également le CNTPE-CGT (Comité national des travailleurs privés d’emploi) structuré en lien avec la CGT et ses organisations locales ou professionnelles.

Lier l’ensemble des travailleurs et les privés d’emploi, c’est aussi lier les travailleurs de France travail et les privés d’emploi ! Là encore, ça n’est pas la préoccupation de la majorité des organisations syndicales de France travail. Au contraire, celles-ci confortent le discours de la direction générale visant à instaurer l’idée qu’il faut mettre à distance les chômeurs, ou même à s’en protéger. C’est pour cette raison que la mobilisation d’une partie des agents du Bd Ney est exemplaire.

À l’agence du Bd Ney (Paris 18e) les agents du service indemnisation ont débrayé à plusieurs reprises depuis le 29 février pour demander le rétablissement de la réception sans rendez-vous supprimée par la direction. Conséquence : les personnes se présentant avec des questions relatives à leur allocation se retrouvent face à un agent non formé et se voient renvoyées sur internet ou au téléphone… À ce jour la direction refuse de céder. Les grévistes ont mis en place une caisse de grève (sur Leetchi : caisse de greve agence France travail ney paris 18eme) et appellent à un soutien large des autres agences ainsi que des organisations syndicales.

Lucas Duval