
Samedi 28 juin, près de 200 000 personnes ont manifesté pour la pride à Budapest, pourtant interdite par le Premier ministre Viktor Orbán, figure phare de « l’internationale réactionnaire ». Orbán, qui attaque les droits des LGBT depuis des années, avait invoqué la « protection de l’enfance » pour interdire la pride. Une interdiction qui s’est retournée contre lui : au-delà de la question des droits des LGBT, la marche s’est transformée en lieu de ralliement anti-Orbán – avec un retentissement international, dont témoigne par exemple la présence de Greta Thunberg – et est devenue la plus grande manifestation de ces dernières années, dans ce pays de 9,5 millions d’habitants.
Révolution de palais…
À un peu moins d’un an des élections parlementaires prévus en avril 2026, cette manifestation monstre sonne comme une annonce préliminaire de la fin du régime de Viktor Orbán. Le plus grand bénéficiaire, premier rat à avoir quitté le navire, en est Péter Magyar, ancien du Fidesz, le parti de l’actuel gouvernement. Celui-ci cristallise les espoirs de l’opposition en tant que candidat de Tisza, parti de centre-droit, certes plus libéral que le Fidesz, mais très loin d’incarner une perspective un tant soit peu sociale. Depuis des mois, il fait le tour du pays en campagne électorale intensive, et il a su encore tirer profit de la démonstration de force face à Orbán de la pride, sans pour autant la soutenir explicitement par peur de se mettre à dos son électorat conservateur. L’opposition historique s’étant désintégrée, Tisza se retrouve comme seule force crédible d’alternative électorale à Orbán.
L’air de crépuscule qui entoure Viktor Orbán, au pouvoir depuis quinze ans, s’est aussi montré en amont de la pride, avec un ping-pong entre la Cour suprême, la police, et le maire écologiste de Budapest, qui a cassé, confirmé, puis cassé une nouvelle fois l’interdiction de la manifestation… finalement renversée dans les faits par les centaines de milliers de manifestantes et de manifestants !
… ou première expression d’une colère sociale ?
Si la principale perspective semble pour le moment être les élections, cette manifestation est d’abord et surtout une bouffée d’air. Après des années où les groupes violents d’extrême droite battaient le haut du pavé face aux manifestants d’une gauche plus ou moins radicale et aux minorités, les contre-manifestants faisaient presque pitié samedi dernier, rassemblés à moins de 50 face à la marée humaine de la pride.
Depuis quinze ans, Orbán a démantelé le droit du travail et arrosé d’argent le patronat pour attirer notamment l’industrie automobile, a détruit les services publics, fait la chasse aux minorités. Face à ce rouleau compresseur, les réactions sont restées timides et éparses. Mais la colère est bien réelle. Et maintenant que le rouleau compresseur et devenu un navire tanguant, rien ne dit qu’elles ne trouveront pas encore leur expression dans la rue et les entreprises.
Dima Rüger, 29 juin 2025