Le 18 janvier 1975, la loi dépénalisant l’avortement était promulguée, après un débat houleux au Parlement. Simone Veil avait alors affronté l’hostilité d’une partie de son camp, la droite. La misogynie, les préjugés réactionnaires de nombreux députés s’étant exprimés parfois de manière très violente.
Un problème de santé publique
Chaque année, il y avait entre 300 000 et un million d’avortements clandestins et environ deux cents femmes en mouraient. La peur de tomber enceinte pesait lourdement sur la vie sexuelle et intime des femmes avant qu’une mobilisation massive leur permette d’arracher ce droit à disposer librement de leur corps.
Une mobilisation de longue haleine
Une mobilisation marquée par des manifestations et la médiatisation de la lutte, avec le manifeste des 343 en avril 1971, où des femmes, connues ou non, disaient avoir avorté, et le procès de Bobigny en 1972, où l’avocate Gisèle Halimi défendait cinq femmes qui comparaissaient pour avoir avorté et organisé un avortement, en faisant un procès pour le droit à l’avortement.
La création du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (Mlac) en 1973 a été une composante essentielle de cette bataille, après la publication le 5 février 1973 dans le Nouvel Observateur d’un manifeste de 331 médecins déclarant pratiquer l’avortement illégal ou y aider. Ces médecins s’exposaient à des poursuites judiciaires et la création du Mlac a d’abord été motivée par la nécessité de mettre en place une association pour les défendre. Puis il est devenu la « base de la coopération de tous les courants favorables à la suppression de la loi répressive sur l’avortement » et a rassemblé des militantes d’organisations féministes comme le MLF, de syndicats, de partis politiques (LO et la LCR notamment).
Des femmes et des hommes qui ont agi contre une loi répressive
Des comités locaux se sont alors créés partout en France (entre 250 et 300). Ils tenaient des permanences, faisaient de l’information sur la contraception et l’avortement, organisaient des voyages pour avorter en Hollande ou en Angleterre.
Composés de médecins, soignantes et bénévoles non soignantes, des comités ont appris à pratiquer des avortements sécurisés, par aspiration du fœtus (ou « méthode Karman », du nom du médecin américain qui l’a mise au point). Un avortement gratuit et sécurisé, dans des conditions d’accueil de solidarité, d’entraide, devenait une solution bien préférable aux voyages à l’étranger.
C’est bien ce mouvement organisé à la base et défiant l’interdiction qui a mis la pression sur les pouvoirs publics de l’époque.
La loi présentait des limites certaines (par exemple des délais légaux courts couplés à un délai obligatoire de réflexion) et a mis en place des IVG légales mais dépendant entièrement des médecins (qui peuvent arguer d’une clause de conscience pour refuser de pratiquer cet acte) et de l’organisation de la santé. Ce qui dans une société patriarcale et capitaliste peut poser des problèmes.
18 janvier 2025, Liliane Laffargue
Le droit à l’IVG : une lutte toujours d’actualité
Si en 50 ans des avancées ont été faites, sur le remboursement de l’IVG, l’allongement du délai de 10 à 12 ou 14 semaines, la possibilité pour les mineures de choisir leur accompagnant, jusqu’à son inscription dans la Constitution, le droit à l’IVG reste fragile et toujours difficile d’accès. Sa remise en question n’est pas au cœur du discours de l’extrême droite française actuelle, mais elle reste un motif d’attaques récurrentes de groupes réactionnaires. À titre d’exemple, le Syndicat de la famille, ex-Manif pour tous, continue de s’y opposer et des cyberattaques ciblent les centres IVG.Au-delà des oppositions idéologiques, l’accès reste matériellement difficile, parce que les budgets alloués sont ridiculement bas. Dans certains départements un accès insuffisant oblige de nombreuses femmes à aller avorter plus loin. Une situation qui s’aggrave avec la fermeture de centres d’IVG faute de moyens, et qui n’est qu’à peine contrebalancée par des sages-femmes à qui la pratique a été autorisée et régulièrement étendue. De fait, l’IVG rapporte peu et beaucoup de praticiens, pour ne pas la pratiquer, agitent la double clause de conscience, cadeau fait aux réacs pour faire accepter la loi, y compris ceux qui n’ont que des raisons financières de le refuser. La génération de médecins militants des années 1970 a commencé à disparaître sans qu’une relève ne soit pleinement assurée.
Marinette Wren