Depuis le 7 octobre, en Cisjordanie, les violences des colons se multiplient : expulsions de Palestiniens de leurs maisons et leurs champs, d’éleveurs de leurs zones de pâturages pour faire de la place à de nouvelles colonies israéliennes. À la date du 5 novembre on comptait déjà plus de 150 Palestiniens tués, 2 000 blessés et plus de 1 000 expulsés de leurs foyers.
Les colons, épaulés par l’armée, sont encouragés par le ministre des finances, d’extrême-droite, qui prône l’implantation de 500 000 colons israéliens de plus en Cisjordanie. Mais cette politique, que les plus extrémistes veulent accélérer, est celle d’Israël depuis les accords d’Oslo de 1993.
Les territoires officiellement accordés aux Palestiniens en 1993 n’ont cessé d’être grignotés par de nouvelles colonisations, cloisonnés de murs. L’Autorité palestinienne y est réduite à gérer la misère et faire la police. Comment une direction, celle de l’OLP et de sa principale composante le Fatah, qui apparaissait à sa création (fin des années 1960) comme une organisation de lutte, a pu en venir là ? Par sa politique : celle d’une organisation aux perspectives limitées au seul nationalisme, dirigée par une petite bourgeoisie, radicale certes, mais dont l’objectif était d’avoir « son » État, où elle serait patronne de « son » peuple.
Les ghettos à gérer
Elle n’a eu, en signant les accords d’Oslo, que ses ghettos à gérer. Et elle s’y est pourrie à l’exercice du pouvoir. Une bourgeoisie en nombre extrêmement réduit, en grande partie issue des cadres même de l’OLP, y fait ses affaires. Elle seule a des facilités de circulation avec Israël, exploite une main-d’œuvre à bon marché dont elle exporte la production, touche les pots-de-vins des marchés publics passés par l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas, à la tête de l’OLP, est lui-même accusé de corruption. Et en juin 2021, après la mort de l’activiste Nizart Banat qui dénonçait la corruption du régime lors de son arrestation par la police de l’Autorité palestinienne, les manifestants Palestiniens dans les rues de Ramallah, criaient « Abbas dégage », « Non à l’assassinat politique », « À bas l’autorité d’Oslo ».
Dans les années 1960, c’étaient tous les pauvres du Moyen Orient qui regardaient la lutte du peuple palestinien avec espoir. Mais ce n’est pas du côté des pauvres de Syrie, d’Égypte ou du Liban que les dirigeants nationalistes palestiniens cherchaient des alliés pour leur lutte. Ils n’avaient d’yeux que pour les dirigeants du monde arabe dont ils ambitionnaient de faire partie.
De ce côté le peuple palestinien n’eut que trahisons et massacres.
1970 – Septembre noir en Jordanie
En Jordanie en 1970, les Palestiniens représentaient plus de la moitié de la population, vivant dans des camps ou fondus dans les quartiers pauvres d’Amman et autres villes. Le roi de Jordanie, qui laissait l’armée israélienne bombarder les camps palestiniens, ne voyait d’ennemis que dans son pays : ces Palestiniens et les couches pauvres jordaniennes liées à eux. Le 15 septembre il lançait son armée sur les camps et les quartiers populaires d’Amman. Il s’y sentait encouragé par l’accord donné par le président égyptien Nasser à un « plan de paix » prôné par les USA qui se règlerait sur le dos des Palestiniens en entérinant l’occupation des territoires conquis en 1967. Mais c’est au Caire, sous l’égide du président Nasser, après un massacre ayant fait des milliers de morts, que Yasser Arafat et le roi Hussein signaient un accord expulsant les combattants Palestiniens de Jordanie, vers le Liban.
C’était « Septembre noir ». Le sort des Palestiniens au Liban serait aussi noir.
1975-1982 – de l’intervention des troupes syriennes au Liban au massacre de Sabra et Chatila
C’est une attaque d’un car de Palestiniens par les milices d’extrême-droite libanaises, les « phalanges » de Pierre Gemayel, fils d’une des grandes familles de la bourgeoisie chrétienne maronite libanaise, qui a marqué, le 13 avril 1975, le début de la guerre civile libanaise. Elle avait été précédée par la répression sanglante par l’armée, trois semaines plus tôt, d’une manifestation de pêcheurs dans la ville de Saïda. Pendant un an, d’avril 1975 à juin 1976, les quartiers ouvriers de Beyrouth et autres grandes villes (Saïda, Tripoli) furent défendus par les milices de ce qu’on appelait le camp « palestino-progressiste », alliance de la population pauvre et d’une certaine gauche libanaise, avec les milices palestiniennes, contre l’assaut des milices d’extrême droite souvent épaulées par l’armée.
Mais Yasser Arafat déclarait : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait pour sa part que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine. » Myopie politique, ou choix de classe d’un dirigeant nationaliste, qui voulait se montrer responsable vis-à-vis de la bourgeoisie mondiale, ne cherchait d’alliés que dans la cour des grands.
Début juin 1976, alors que les bandes d’extrême droite étaient en difficulté, le président Syrien, Hafez al-Assad (père du président et dictateur actuel), envoyait ses troupes au Liban contre les palestino-progressistes. Les milices de Gemayel écrasaient le camp de réfugiés de Tal al-Zaatar. En 1982 l’armée israélienne envahissait le Liban, et des milices libanaises massacraient les camps palestiniens de Sabra et Chatila. Les combattants palestiniens étaient éjectés du Liban, Arafat et son état-major exilés à Tunis.
1993 – Accords d’Oslo sous l’égide américaine
C’est dans cet exil qu’on est allé le chercher en 1993 pour signer, sous l’égide du président américain Clinton, ces accords d’Oslo qui allaient faire passer les Palestiniens d’habitants de « territoires occupés » à habitants de ghettos.
Mais dans le monde d’aujourd’hui, où y compris les dirigeants des pays arabes sont contestés par leur propres populations pauvres, d’autres perspectives pourraient s’ouvrir pour le peuple palestinien, internationalistes celles-là, tant les oppressions nationales et les oppressions sociales sont indissociables.
Olivier Belin
Cet article a été publié dans le numéro 7 de Révolutionnaires, dans le cadre d’un dossier sur la Palestine.
Sommaire du dossier sur la Palestine du numéro 7 de Révolutionnaires
- La cause palestinienne, notre cause, au cœur de la lutte de classe
- Les dirigeants nationalistes palestiniens et le piège d’Oslo
- Le sionisme, une politique à l’origine d’une guerre sans fin
- Pourquoi le soutien inconditionnel des USA à Israël ?
- Ni antisémitisme, ni islamophobie : union de tous les travailleurs !
- « Terroriste » ? « Résistant » ? Parti religieux obscurantiste ? Ce qu’est le Hamas
- Quelle issue pour les populations de Palestine mais aussi d’Israël ?