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Ukraine : sous prétexte de la guerre, une restriction radicale des libertés fondamentales

Le 17 février dernier, Volodymyr Zelensky a prolongé pour 90 jours, jusqu’au 9 mai, la loi martiale et l’ordre de mobilisation générale en vigueur dans le pays depuis le 24 février dernier. Il s’agit de la 14e prorogation de ces deux textes.

La loi martiale annule les libertés fondamentales

La loi martiale prévoit l’interdiction des rassemblements publics et de toute manifestation. Toute une série de mesures permettent à l’armée de supplanter la police pour le maintien de l’ordre : ainsi, l’armée peut ordonner l’évacuation d’entreprises et de sites stratégiques, l’interdiction de quitter les territoires concernés, ou encore l’internement de personnes. Elle permet aux autorités d’interdire à tous les hommes de 18 à 60 ans de quitter le territoire – ils sont contraints de participer à « l’effort de guerre ».

La loi martiale annule également de facto toute élection. Alors que des législatives auraient dû avoir lieu en octobre 2023, et la présidentielle en mars 2024, Zelensky a estimé « irresponsable » d’organiser des élections au nom de « l’unité » face à l’envahisseur. Il faut reconnaître que l’organisation d’élections telles que la bourgeoisie les conçoit, dans un pays dont un cinquième du territoire est occupé et dont plus de huit millions d’habitants ont été déplacés, dont en exil à l’étranger, n’est pas des plus faciles.

Une mobilisation générale qui touche avant tout les couches les plus populaires

Pour pourvoir aux besoins d’hommes dans l’armée, le gouvernement ukrainien a dû à plusieurs reprises élargir l’ordre de mobilisation générale. En avril 2024, l’âge de mobilisation a été abaissé de 27 à 25 ans. Il est désormais question de l’abaisser… à 18 ans.

Ces mesures sont très contestées par la population. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle accepte l’invasion russe, mais elle dénonce les méthodes brutales des recruteurs, et surtout l’inégalité sociale dans le choix des mobilisés. Elle pointe du doigt la corruption généralisée qui permet aux riches de se planquer pendant que pour les plus pauvres, pour les classes populaires, c’est la violence et l’envoi en première ligne ! Ce qui pèse lourdement aussi, c’est que ceux qui sont partis pour les fronts il y a trois ans n’en ont toujours pas été dégagés – aucune relève n’est assurée.

« Lutte contre les déserteurs, lutte contre les traîtres » : renforcement de l’appareil policier répressif

Sur les réseaux sociaux, des vidéos se multiplient montrant des Ukrainiens interpellés en pleine rue, puis embarqués de force par des patrouilles de l’armée. D’autres vidéos font état de désertions ou passages clandestins de la frontière pour fuir, entre autres, en Roumanie, pour échapper à la mobilisation. Pour lutter contre les désertions, l’État ukrainien a décidé de montrer du muscle et de renforcer la répression. Outre l’arrestation de potentiels « déserteurs », une série de lois sur la répression des « traîtres » et des « collaborateurs » ont été adoptées.
Reste que la situation se tend dans le pays avec la prolongation d’une guerre meurtrière, l’épuisement de la population voire le découragement de ne pas voir comment en finir, face à un front militaire qui ne bouge pas. S’ajoutent les bruits de négociation qui sont de plus en plus audibles depuis quelques mois. Qui aurait envie d’être le dernier mort d’une guerre dont Trump, sans être démenti par Poutine et au mépris du sort de la population ukrainienne, annonce la fin prochaine ?

Aurélien Pérenna

 

 


 

 

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