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Cessez-le-feu en Palestine : restons mobilisés aux côtés des peuples palestinien et libanais

En 470 jours, l’offensive militaire d’Israël, menée sous perfusion militaire américaine (et accessoirement française), a bouleversé les rapports de force au Moyen-Orient. Le cessez-le-feu officialise d’un côté le renforcement de l’hégémonie de l’État d’Israël qui a porté un coup extrêmement dur à ses adversaires militaires potentiels, étatiques ou para-étatiques, à ses frontières. De l’autre côté, l’impasse politique du sionisme qui n’a pas d’autre projet que l’élimination, bien heureusement impossible, du peuple palestinien. En cela il représente une trêve fragile entre deux massacres.

Otages et prisonniers

Le sort tragique des otages israéliens est monté en épingle. Double hypocrisie ! D’une part le cabinet de guerre n’a jamais fait de ces otages une priorité : leurs familles l’ont bien compris et elles ont manifesté leur opposition à Netanyahou. D’autre part, près 10 000 Palestiniens sont enfermés dans les prisons israéliennes, dont plus du tiers sans procès. Des milliers d’otages palestiniens, dont certains sont torturés, comme l’a révélé l’ONG israélienne B’Tselem.

Pourquoi un cessez-le-feu aujourd’hui et pas le 31 mai dernier

L’administration américaine sortante rappelle à qui veut l’entendre qu’elle avait proposé un accord de cessez-le-feu similaire il y a huit mois. Mais, pendant huit mois, Biden a livré des milliards en équipement militaire. Car Netanyahou a certes refusé la proposition américaine de trêve à Gaza, mais il s’est rendu utile sur d’autres fronts : en déplaçant sa guerre contre le Hezbollah, il a affaibli l’Iran dans son bras de fer nucléaire avec les États-Unis. Israël a ainsi rappelé son rôle de base militaire au service des puissances impérialistes et gagné huit mois supplémentaires de massacres en toute impunité.

Les ambitions impérialistes pour remodeler le Moyen-Orient

Trump se présente comme un « isolationniste ». C’est une posture politicienne destinée à flatter un électorat à la fois nationaliste et marqué par les guerres des années 2000. Les coups de butoir israéliens ont affaibli le Hezbollah au Liban, déclenché l’effondrement de la dictature d’Assad en Syrie et plongé l’Iran dans une crise économique et politique. Les États-Unis en profitent pour mettre en avant leur meilleur allié arabe dans la région, l’Arabie saoudite. C’est elle qui a pesé pour la nomination du nouveau président libanais Joseph Aoun, chargé par Washington de reconstituer une armée et de désarmer (si possible) le Hezbollah. C’est elle aussi que Trump encourage à parachever la « normalisation » avec Israël, en proposant une « solution politique » pour la bande de Gaza – c’est-à-dire un régime capable de faire accepter aux Palestiniens le retour à la « normale » de l’avant 7 octobre dans cette prison à ciel ouvert.

Refusons la colonisation, la politique des puissances occidentales et de l’État criminel d’Israël

Puisque le « rêve » de l’extrême droite israélienne d’exterminer les Gazaouis ou de les faire fuir en Égypte ne s’est pas réalisé, il faut bien que Gaza soit gouvernée. L’occupation militaire israélienne permanente n’est pas une option car trop instable et coûteuse pour l’État sioniste. Mahmoud Abbas a fait acte de candidature d’auxiliaire de la police israélienne en réprimant dans le sang de jeunes combattants du camp de réfugiés de Jénine, dans une opération coordonnée avec l’armée israélienne qui faisait, elle, le siège du camp de Jabaliya. Un tel zèle dans la collaboration avec l’occupant risque de disqualifier définitivement le Fatah d’Abbas auprès des Palestiniens. Après quinze mois de guerre, le Hamas est toujours candidat à diriger politiquement Gaza et au-delà. Il est cependant très affaibli malgré ses démonstrations de force lors de la libération des premiers otages. Le 15 janvier, le secrétaire d’État américain sortant, Blinken, soulignait que le Hamas avait recruté autant de combattants qu’il en avait perdu. Une façon de réintroduire le mouvement islamiste comme interlocuteur pour la période à venir, alors que l’extrême droite israélienne prétend continuer la guerre jusqu’à l’éradiquer ?

Nul ne sait qui va gouverner Gaza. Le Fatah veut se poser en relais et interlocuteur direct de l’État criminel d’Israël. La stratégie du Hamas, un nationaliste strictement circonscrit à la Palestine et sans perspectives révolutionnaires pour les travailleurs et les opprimés, est une impasse et ne peut donc répondre aux questions nationales du peuple palestinien. La fin de l’oppression ne pourra que passer par le démantèlement des institutions sionistes, coloniales et racistes d’Israël et donc par un assaut révolutionnaire des travailleurs et des peuples de toute la région contre le système impérialiste. C’est aussi le sens que doit prendre notre solidarité internationale.

Raphaël Preston