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Les militants anti-IVG « Marche pour la vie » ?… pas celle des femmes

Dimanche 19 janvier, des milliers de militants anti-IVG, principalement des catholiques conservateurs, ont arpenté les trottoirs du très chic 16e arrondissement de Paris lors d’une « Marche pour la vie ». L’occasion pour eux, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la loi Veil, de s’indigner de la dépénalisation de l’avortement en France, ainsi que de sa récente constitutionnalisation, le 8 mars 2024. Un double affront, apparemment.

Dans leur communiqué, ces défenseurs autoproclamés de la vie dénoncent la loi Veil, qui aurait causé de « lourdes pertes humaines ». Selon eux, elle aurait même « ouvert largement les digues de la culture de mort ». Rien que ça.

Et qu’en est-il des chiffres, alors ? Oui, le taux d’avortement en France a augmenté depuis 1975. Mais pas parce que les femmes se ruent pour avorter. Non, c’est simplement parce que ces avortements sont désormais autorisés et, autrefois clandestins ou pratiqués à l’étranger, ils étaient bien difficiles à faire apparaître dans des statistiques officielles. En somme, ce qui dérange ici les réactionnaires, c’est la visibilité d’un choix autrefois réduit au silence.

Marche pour la vie ? Pas celle des femmes mortes des suites d’un avortement clandestin, pourtant bien réelles : 50 par an, selon les chiffres de l’époque, et encore, largement sous-estimés. Pas non plus celle des femmes traînées devant les tribunaux pour avoir osé avorter ou aidé une autre femme à le faire : on compte 11 660 condamnations entre 1870 et 1975.

Le droit à l’avortement, rappelons-le, est le droit pour les femmes de choisir leur vie. Mais il reste fragile, et pas seulement à cause de l’extrême droite catholique et de ses cortèges rétrogrades. La casse du système de santé, la fermeture des centres de planning familial et les attaques répétées contre l’accès à l’IVG, partout dans le monde, participent tout autant à cette fragilisation.

Alors oui, il faudra marcher. Et pour cela, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, arrive à grands pas. Préparons-nous à marcher non pas pour les idées d’un autre siècle, celles qui tuaient des femmes et les enchaînaient au foyer, mais bien pour un accès à l’avortement rapide, sûr, libre et gratuit, pour des conditions de vie dignes, contre les violences sexistes et sexuelles, et contre la montée des idées réactionnaires.

Nora Debs