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Madagascar : une chasse gardée de l’impérialisme français

Aujourd’hui, 65 filiales d’entreprises françaises sont présentes à Madagascar et emploient environ 17 000 personnes. Parmi elles, neuf entreprises du CAC 40, dont Bouygues, Total ou Orange. Avec ses ressources minières, son pétrole, ses cultures d’exportation (vanille, café), sa taille (« La Grande île » recouvre 587 000 km², presque la superficie de l’Hexagone), sa position géographique stratégique au large des côtes orientales de l’Afrique, Madagascar a vite attiré les convoitises de la France.

Madagascar : une colonie française entre 1896 et 1960

À la suite de l’expédition militaire de 1895, la France s’installa à Madagascar. Sous la domination française, travail forcé, réquisition des récoltes à bas prix et « délit d’opinion » ont constitué le quotidien des Malgaches.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un mouvement indépendantiste s’était développé qui aboutit à l’insurrection de mars-avril 1947. L’armée française brûla des villages, sema la terreur : en tout, de l’ordre de 100 000 personnes furent tuées par l’armée dépêchée par le gouvernement du « socialiste » Ramadier, les exécutions en représailles de l’insurrection se poursuivant jusqu’en 1958.

Indépendance politique, mais mainmise des entreprises françaises

Sous la houlette de De Gaulle, l’impérialisme français, empêtré dans les guerres coloniales, finit par permettre à la plupart de ses colonies d’accéder à l’indépendance dans le cadre de l’Union française. Philibert Tsiranana, ex-député apparenté SFIO, créa le Parti social-démocrate (PSD) qui signa les accords d’indépendance en juin 1960. Une indépendance très limitée, dans la mesure où l’essentiel des entreprises françaises comme la Société marseillaise de Madagascar, le groupe Colas et les banques comme la BNCI (future BNP) ont pu continuer leur business. Tsiranana fut écarté du pouvoir en 1972, après la répression de la révolte de la paysannerie pauvre dans le sud de l’île en 1971 (entre 800 et 1000 morts) et la révolte étudiante de 1972. La « transition militaire » aboutit à la prise du pouvoir de Didier Ratsiraka en 1975, militaire lui aussi, mais se réclamant d’un socialisme « planificateur » et qui nationalisa les banques et l’industrie. Mais, sans moyens, avec une charge de la dette représentant 80 % de la production, devenu un des plus pauvres du monde, le pays finit par tomber dans les serres du Fonds monétaire international qui imposa une politique « libérale ». Ratsiraka fut contraint de reprivatiser au milieu des années 1980. Les Français étaient alors en pole position : la BNP créa sa filiale, la BNI ; France Câble et Radio, filiale de France Télécom (future Orange), acheta environ 37 % des parts de Télécom Malagasy. Une situation qui s’est prolongée à travers les crises politiques et les régimes dont aucun n’a mis fin à la misère de la population malgache.

28 octobre 2025, Arvo Vyltt