
Loin de la prison de luxe de Sarkozy, les conditions d’incarcération de l’immense majorité des détenus en France sont unanimement jugées indignes. Il faut dire que, dans tous les pays, les prisons ont été construites pour y jeter les pauvres qui ne filent pas droit. Ceux qui atterrissent pour la première fois en prison ne sont, dans leur majorité, ni des bourgeois pris la main dans le pot de confiture, ni les caïds du grand banditisme : pour un Sarkozy incarcéré, combien de gamins des classes populaires ? Pour qui les conditions mêmes d’incarcération font des prisons une école du crime…
Le 30 mai 2020, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses prisons indignes. L’État français était sommé de prendre des mesures pour mettre un terme à la surpopulation carcérale. Quand Nicolas Sarkozy occupe une cellule à lui tout seul, équipée de toilettes et d’une douche individuelle, la surpopulation carcérale oblige la majorité des prisonniers à partager à deux ou à trois une cellule de 9 m2 équipée de toilettes sans séparation, ne leur laissant aucune intimité. 3 000 personnes dorment chaque nuit sur des matelas posés sur le sol de cellules dans des bâtiments vétustes et insalubres, infestés de rats et de cafards, non isolés du froid l’hiver et des canicules l’été, en proie à l’humidité.
La surpopulation se concentre en premier lieu dans les maisons d’arrêt, établissements qui accueillent les personnes condamnées à de courtes peines et celles en attente de jugement, donc présumées innocentes ! Quant à cette pratique de l’exécution provisoire – qui permet de mettre en prison un prévenu alors qu’il peut faire appel et reste donc présumé innocent –, on ne s’en indigne que quand elle touche un notable. Pour les petits délinquants ou simplement présumés tels, plus d’un quart de ceux qui dorment en prison ne sont pas condamnés, et la durée d’attente derrière les barreaux pour passer en jugement ne cesse d’augmenter (26,6 mois en moyenne en 2024 selon l’Observatoire international des prisons).
En 2022, deux ans après la condamnation de l’État français, l’Observatoire international des prisons a publié un rapport, Dignité en prison, qui pointe l’inefficacité des mesures prises par les pouvoirs publics pour améliorer les conditions de détention. Avec 71 669 prisonniers pour 60 715 places, le taux d’occupation était de 118 % en 2022 et en moyenne de 139,7 % en maison d’arrêt. Depuis la situation s’est aggravée avec 78 397 détenus dans les prisons pour 62 021 places. Depuis 2020 et la fin du premier confinement dû au Covid, on enferme à tour de bras, sans doute pour donner des gages à la droite réactionnaire et à l’extrême droite, pour montrer que la justice n’est pas laxiste !
Les prisons sont clairement au bord de l’implosion avec leur lot de violences mais aussi de drames et de suicides. La France se trouve au quatrième rang des pays les plus touchés par le suicide en détention.
La surpopulation n’est que l’aspect visible de l’iceberg. Faute de moyens, les conditions de prise en charge des détenus se sont fortement dégradées : carences en matière d’offres d’activités, de travail, de préparation à la sortie, de prise en charge sanitaire…
Lorsqu’on maintient consciemment des personnes dans des conditions matérielles et d’hygiène indignes, en les privant d’intimité, en les privant de toute activité, on bascule dans autre chose qui par bien des aspects s’apparente à de la torture.
Alors quand les chaînes d’info nous montrent en boucle les larmes des soutiens de Sarkozy, elles feraient mieux de pointer leurs caméras sur la réalité de la prison, bien éloignée d’un hôtel quatre étoiles.
Juliette Stein