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Stellantis Caen : l’envers du décor d’une « usine du futur »

Construite en 1963, l’usine Stellantis (ex-Citroën, ex-PSA) de Cormelles-le-Royal, dans la banlieue de Caen, aurait bien besoin de réparations. Elle vient de changer de système de chauffage en décembre dernier, passant du gaz à la géothermie. Ces travaux ont coûté 8 millions d’euros. Depuis, le mercure peine à dépasser les 17 °C. La faute à un hiver plus froid que d’habitude ? Peut-être. Mais la faute aussi à la pingrerie patronale. Quand des ouvriers un peu trop près des portes protestent, la direction fait procéder à des relevés de température… en sortie de bouche de ventilation, histoire de ne pas avoir à faire cesser le travail pour cause de froid excessif. Elle pourrait rallumer le chauffage au gaz, qui n’a pas été démantelé. Mais ce serait son objectif de réduction de 75 % de l’empreinte carbone du site qui tomberait par terre. Alors quand des salariés râlent, la direction leur conseille de mettre un pull en déplorant de ne pas avoir les sous pour faire refaire la toiture.

La toiture ne laisse pas seulement sortir la chaleur, elle laisse aussi entrer l’eau, par un millier de points de prise d’eau aux dernières nouvelles. Les jours pluvieux – et la Normandie en connaît régulièrement –, les AMR, ces véhicules autonomes qui approvisionnent automatiquement les lignes de production, pataugent littéralement. Déjà qu’ils ont parfois du mal à circuler sur le sol cabossé de certains ateliers, il ne manquerait plus qu’ils boivent la tasse… Quant aux salariés, ils doivent de temps en temps esquiver de vraies douches, voire – c’est heureusement plus rare – cascades d’eau lorsqu’une verrière cède. Même les vestiaires refaits à neuf cette année subissent déjà les effets du ruissellement.

Cela n’empêche pas la direction de vanter régulièrement dans la presse la modernité de l’usine, qui se veut comme tous les sites Stellantis à la pointe de la technologie. Ce baratin fait parfois rire celles et ceux qui vivent l’envers du décor au quotidien. Mais il se pourrait aussi qu’il finisse par les mettre en colère pour de bon…

Correspondant