Depuis le 1er janvier 2025, les robinets du gaz russe alimentant l’Union européenne et transitant par l’Ukraine sont coupés, le contrat n’ayant pas été reconduit par Zelensky. La Russie y perd mais l’Ukraine aussi, qui prélevait son droit de passage. Tout un symbole du « débranchement » économique entre l’UE et la Russie que les dirigeants de l’impérialisme américain dominant, saisissant l’occasion de l’invasion russe de l’Ukraine, ont poussé au maximum. Les impérialismes européens ont suivi dans cette croisade d’« aide à l’Ukraine », sous étendard de l’Otan, faite d’aide en armement (avec d’énormes retours sur investissement pour les marchands de canon américains) et de sanctions économiques contre la Russie, entre autres en poussant à la fermeture des approvisionnements de l’Europe en gaz russe, au profit du nouveau gaz de schiste américain (les États-Unis, devenus premiers producteurs de pétrole brut et de gaz naturel entre 2010 et 2014, sont passés exportateurs net de gaz naturel en 2017, puis premiers mondiaux en 2023). Une guerre commerciale menée de fait contre les États de l’UE bénéficiant jusque-là du gaz russe bon marché (pour 50 % de leurs besoins en moyenne et 100 % pour certains États1). Alliés dans l’Otan, mais concurrents au Monopoly capitaliste !
De l’eau dans le gaz !
Pour l’Allemagne, le gaz c’est la chimie dont le groupe BASF était toujours leader mondial en 2023, devant le chinois Sinopec et l’américain Dow. Mais les PDG de la chimie allemande ne sont plus en ligne directe avec Poutine pour un gaz russe bon marché fourni par ses géants des hydrocarbures. Quelques mois après l’invasion de l’Ukraine, l’ex-chancelier social-démocrate Schröder a dû renoncer à participer aux conseils de surveillance et d’administration de Gazprom et Rosneft. L’ex-Premier ministre français François Fillon (même s’il n’arrivait pas à la cheville de Schröder) a dû renoncer à ses participations aux affaires de Zaroubejneft, société pétrolière russe d’État, comme de Sibur, géant russe de la pétrochimie (contrôlé par Leonid Mikhelson, l’un des hommes les plus riches de Russie, et Guennadi Timchenko, un proche de Poutine).
L’Europe capitaliste est désormais tributaire d’un gaz liquéfié importé essentiellement des États-Unis et du Qatar, bien plus cher. Et trois à cinq fois plus cher en Europe qu’aux États-Unis !
Des bâtons dans les roues !
L’automobile européenne a elle aussi pris un coup dans l’aile. À commencer par le groupe Renault, pour lequel la Russie était le deuxième plus grand marché en volume après la France, et qui y employait 45 000 personnes. Sanctions obligent, Renault a jeté l’éponge en mai 2022, avec une perte de 2,3 milliards d’euros sur son résultat de 2023. une sortie de route coûteuse aussi pour l’automobile allemande : BMW, Volkswagen (qui détient Audi et Porsche) et Mercedes ont suspendu leurs activités en Russie et arrêté leurs exportations vers ce pays. Évidemment, dans tous les domaines, il existe des « voies commerciales détournées ». L’Institut de la finance internationale (IIF) a signalé une hausse de 5 500 % des exportations d’automobiles allemandes vers le Kirghizistan au cours des neuf premiers mois de 2023 par rapport à la même période de 2019. De la même façon, « l’exportation de pièces détachées automobiles allemandes vers le Kazakhstan, l’Arménie ou la Géorgie aurait augmenté respectivement de 720 %, 450 % et 340 % au cours de la même période. » Autant de destinations « fantômes », de « marchés gris » !
Retraite de Russie pour des fleurons du capital français
Mulliez (avec ses enseignes Auchan, Decathlon, Leroy Merlin rebaptisée « Leroy Kremlin »), Danone, Lactalis, Bonduelle, Pernod Ricard, la Société générale, L’Oréal, LVMH et Kering (Bernard Arnault et Saint-Laurent), TotalEnergies, etc., ont dû céder des galeries marchandes, des fromages et du kéfir, des légumes en conserves, des filiales bancaires, des magasins de cosmétiques, des produits de luxe… Elles n’ont pas toutes quitté la Russie. TotalEnergies résiste avec encore des exploitations dans la presqu’île de Yamal. Auchan conserve des grandes surfaces alimentaires « pour nourrir la population et ne pas lâcher ses collaborateurs ». Bernard Arnault, patron de LVMH, qui se flattait de relations privilégiées avec Vladimir Poutine, affiche désormais les mêmes rapports avec Trump !
Michelle Verdier
1 Autriche, Slovénie, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Estonie, Lettonie et Finlande dépendaient pour plus de 75 % du gaz russe, au premier semestre 2021.
Sommaire du dossier
- Europe-USA : la guerre commerciale est déclarée — Pas question que les travailleurs payent la facture
- Alliés à la scène, concurrents dans la vie !
- Une Europe forteresse bientôt conquise par l’extrême droite ? Le paradis pour le capital et l’enfer pour les travailleurs migrants !
- Bruits de bottes sur l’Europe
- Concurrence entre capitalistes ? Unité entre travailleurs !