Nos vies valent plus que leurs profits

Contre les fermetures de sites, les licenciements et suppressions de postes : la politique des directions syndicales et la nôtre

La fédération CGT de la chimie, la Fnic, a appelé les travailleurs de son secteur à faire grève le 22 janvier et à s’organiser pour aller à Paris manifester devant Bercy. La fédération de la métallurgie n’a pas repris, malgré les licenciements massifs dans l’automobile et ses équipementiers. La confédération a repris l’appel à son compte, mais sans donner la moindre perspective d’ensemble au-delà. Du coup, les organisations locales ne se remuent pas particulièrement, y compris dans la chimie et, dans beaucoup d’endroits, l’appel est passé inaperçu.

D’autant qu’appeler à débrayer pour une journée sans lendemain des travailleurs confrontés à la perte de leur emploi ou à la fermeture prochaine de leur usine sans rien proposer d’autre (ne serait-ce que pour rendre la grève crédible), c’est le meilleur moyen d’aller à l’échec tout en donnant l’impression de faire quelque chose.

La nécessité de construire la mobilisation par en bas

Des mobilisations, il y en a à travers le pays, de Vancorex à Michelin, en passant par MA France ou Valeo. Or, il ne s’agit pas de mettre « la grève » comme préalable à toute tentative de coordination entre les travailleurs.

Parfois, la grève éclate et s’étend comme une traînée de poudre. Parfois non. Nous sommes dans ce dernier cas. D’ailleurs, dans les entreprises qui ferment, beaucoup de travailleurs se demandent à quoi servirait de faire grève puisque le patron ne veut justement plus de la production.

La riposte aux attaques organisées par de grosses entreprises, gorgées de profits autant que d’argent public, nécessiterait que la lutte contre licenciements déborde du cadre de chaque entreprise, se répande dans les rues, dans des manifestations locales, régionales, nationales. En l’absence de volonté des confédérations syndicales, un tel mouvement, s’il existe demain, devra être construit par en bas, à partir des entreprises où les travailleurs sont mobilisés. Arrêter le travail ? Oui, mais pas seulement pour « bloquer l’économie » ou pour priver le patron d’une production dont il sait se passer, mais en revanche pour aller au-devant des travailleurs d’autres entreprises. Soit parce que les travailleurs y sont directement menacés de licenciement eux aussi, soit du fait de la simple proximité : la fermeture d’une usine comme Michelin, à Cholet, aura des répercussions sur de très nombreuses boîtes, sur les commerces, sur la vie de toutes les classes populaires. Oui, il faudrait entraîner les travailleurs de toutes les entreprises à en contacter d’autres, à occuper les rues, à rendre la vie impossible au patronat et aux représentants de l’État. En 2001, la lutte chez Lu-Danone avait eu une répercussion nationale, en 2009 celle de Continental, de New Fabris, Goodyear et autres sous-traitants de l’automobile avait forcé le gouvernement et les médias à interpeler les donneurs d’ordre comme Renault et PSA et à faire de ces luttes l’actualité quotidienne pendant des mois.

Pour l’instant, les luttes restent isolées, entreprise par entreprise. Mais, si l’on sort du cadre que cherchent à imposer les confédérations syndicales, tout deviendrait possible. Les révolutionnaires sont aujourd’hui à même de pouvoir proposer une telle politique à toutes celles et ceux qui constatent l’impasse de la politique ou de l’inaction des directions syndicales. Rien ne garantit que cela réussisse. Mais une chose est certaine : le fait que cette politique soit proposée par des révolutionnaires est probablement la seule garantie qu’elle puisse être tentée.

M. D., J.-J. F., L. B.